Bovins allaitants
Viser l’autonomie fourragère pour les bovins allaitants

Marc Labille
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L’autonomie alimentaire des exploitations allaitantes passe d’abord par une optimisation des ressources fourragères disponibles avec l’herbe comme base essentielle. 

Viser l’autonomie fourragère pour les bovins allaitants
D’un coût supérieur au mélange Ray Grass Italien, les méteils se sont bien développés ces dernières années.

Pour produire avec le moins d’achats possible, les recherches visent l’autonomie protéique. Toutefois, au niveau économique, la priorité est d’être autonome en unités fourragères UF (énergie) et en matière sèche MS (stocks). Les besoins en matière azotée MAT vont dépendre des animaux que l’on veut produire. La plupart des animaux d’élevage (vaches, jeunes en croissance) ont des besoins de 85-90 g PDIN/UFL. Quand on veut engraisser, les besoins augmentent à 100-110 g de PDIN/UFV.

Le contexte actuel des hausses des prix des céréales et des tourteaux doit pousser à la réflexion sur l’optimisation des ressources fourragères disponibles sur l’exploitation afin de limiter les achats d’aliments, tout en maintenant les performances des animaux.

L’herbe reste encore une des premières sources de fourrage riche et équilibré. Son système d’exploitation doit s’adapter aux besoins du cheptel.

À chacun ses besoins

Entre un cheptel qui vêle à l’automne, en début d’hiver ou en fin d’hiver, les besoins sont très différents. Adapter la qualité du fourrage récolté aux besoins de son troupeau est le premier levier pour économiser l’utilisation de concentrés. La valeur des fourrages récoltés est fortement corrélée au stade physiologique des graminées. On la définit par la valeur énergétique DE (densité énergétique) = UF/UEB. Plus un fourrage sera récolté jeune, plus son encombrement sera faible, et meilleur sera sa valeur alimentaire. Mais il faut faire un compromis avec le rendement en MS/ha qui lui sera plus faible. L’objectif est de se rapprocher au mieux des besoins des animaux présents ; exemple, une vache en fin de gestation a des besoins en DE de 0.55 ; pour sa reproduction 0.6 ; une primipare après vêlage 0.65 ; une laitonne de 300 kg-0.8kg/j 0.8. (voir schéma densités énergétiques)

Passer d’une récolte de 1.100 degrés (début floraison) à 900 degrés (milieu d’épiaison) fait gagner environ 250 kg/ ha de tourteau.

S’adapter à l’année

Le stade physiologique des graminées suit le critère des sommes de températures (base 1er février). Ces données sont régulièrement publiées dans le bulletin gratuit Herb’Hebdo 71 de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. Il permet d’anticiper la situation fourragère de l’année.

2021 a été une année « dans la moyenne », plus tardive que les trois précédentes. Ce qui a permis de récolter un fourrage « correct » lors de la première fenêtre de beau temps après un mois de mai très arrosé. Le créneau de fin avril (550° à 740°) a permis pour ceux qui l’ont pris d’avoir des récoltes sur ray-grass de très bonne qualité (MAT) (voir schéma stades températures).

Quelle culture fourragère pour faire des stocks de qualité ?

À Fontaines, le pôle laitier régional, animé par Denis Chapuis, suit depuis de nombreuses années des essais sur la qualité et le rendement des fourrages (projet Papsaal, Sub Fourrage…) mélange RGI + légumineuses, méteils, sorgho, maïs, luzerne, trèfles… Chaque année, des visites d’essais sont proposées permettant de suivre l’évolution génétique de chaque produit (Fontaines, Jalogny, Baudrières, etc.).

Les mélanges RGI sont récoltés en deux coupes avant un semis de maïs. Les besoins des vaches laitières sont basés sur une récolte riche en MAT (ration de base de maïs ensilage). En allaitant, la récolte pourrait se faire en une coupe, avec un compromis entre le rendement et la MAT. Celle-ci chute très vite avec l’épiaison. Les mélanges riches en trèfles, vesces (> 50%) ont l’avantage de maintenir une valeur protéique plus longtemps en cas de récolte plus tardive.

Ce type de récolte en allaitant est adapté aux besoins d’animaux avec des rations comprenant du maïs ensilage. Les économies en achat de tourteaux ne sont pas négligeables. Avec d’autres fourrages, il faut bien équilibrer sa ration afin d’apporter suffisamment de fibres pour avoir une bonne rumination (= il faut rationner sa distribution). (voir tableau résultats essais RGI trèfles).

Les résultats méteils ensilages

Les méteils sont très variés. Leur ressource de protéines va être corrélée à la proportion en protéagineux et légumineuses. La date de récolte est primordiale car leur valeur chute très vite.

Une récolte plus tardive (vers la mi-mai environ) permet d’avoir un rendement supérieur (6-7 TMS/ha) avec 10 à 16 % de MAT (convenant en fourrage seul), mais sa valeur UF est moyenne (0.7 à 0.8 UF).

Ces mélanges d’un coût supérieur au RGI se sont bien développés ces dernières années, avec arrière-saisons sèches qui ne permettent pas de semis tôt des prairies temporaires. Avec des semis dans la première quinzaine d’octobre, ils assurent des rendements corrects et des possibilités de semis sous couverts des prairies temporaires longue durée que l’on retrouve disponible pour les animaux fin de printemps. (voir tableau synthèse essais méteils).

Les conseillers Fourrages CA71 Amélie Poulleau, Denis Chapuis et Véronique Gilles

Le pâturage tournant pour complémenter les veaux mâles d’automne

Le pâturage tournant pour complémenter les veaux mâles d’automne

La ferme expérimentale de Jalogny suit la production de broutards nés à l’automne destinés à la vente de mâles maigres lourds (400-420 kg vifs payables) pour le marché italien en période de creux (juin-juillet).

Pour répondre à cet objectif commercial, la ferme de Jalogny cherche à déterminer le niveau de complémentation optimal sous la mère en bâtiment (cf. Précurseur n°13 de janvier 2022) et étudier l’impact d’une bonne gestion du pâturage au printemps sur la croissance des veaux jusqu’au sevrage. L’objectif de croissance sous la mère se situait vers 1.400 g/j entre la naissance et la vente.

La dernière série de travaux menée en 2020/2021 montre des résultats prometteurs.

En bâtiment (novembre-mars), l’ensemble des veaux mâles a été complémenté au même niveau : soit 1 kg/100 kg de poids vif de mash fermier (50 % d’orge aplatie + 25 % de pulpes de betteraves déshydratées + 23,5 % de tourteau de colza + 1,5 % d’AMV 3-25) avec du foin appétant à volonté. Sur la période hivernale, les veaux ont consommé en moyenne 220 kg de concentrés pour un niveau de croissance de 1.620 g/j.

Au pâturage (avril-juin), les couples mères-veaux ont été séparés sur deux circuits de cinq parcelles conduits en pâturage tournant avec un niveau de chargement de 35 ares/équivalent vache-veau. Le premier lot a reçu une complémentation journalière avec un mash fermier (50 % d’orge aplatie + 48,5 % de pulpes + 1,5 % d’AMV 3-25), plafonnée à 3 kg/veau/jour, conduisant à une consommation moyenne de 100 kg d’aliment/veau (soit 1,5 kg d’aliment consommé/veau/jour). Ce lot a réalisé un GMQ de 1.690 g/j. Le deuxième lot de veaux n’a pas été complémenté au pâturage et a enregistré un GMQ de 1.600 g/j.

L’absence de complémentation au pâturage permet donc une économie de 100 kg de concentrés/veau soit 25 €/veau. En vue d’atteindre le même poids à la vente, le sevrage du lot de veaux non complémentés a été différé de 14 jours, permettant ainsi de ne pas diminuer le prix de vente moyen par animal par rapport au lot complémenté.

Une conduite en pâturage tournant optimisée, avec une maîtrise des hauteurs d’herbe à chaque entrée et sortie de parcelle, impacte donc favorablement les performances de croissance des veaux. Elle permet une réelle économie de concentrés et de main-d’œuvre liée à la distribution des concentrés. (voir encadré).

2022 : le suivi de deux lots équivalents va se reproduire ce printemps pour confirmer les résultats.

Une demi-journée technique est prévue à la Ferme de Jalogny, le mercredi 11 mai après-midi afin de visiter les lots, ainsi que l’essai sur le sursemis de prairies permanentes.

Jérémy Douhay, Institut de l’Élevage

Julien Renon, chambre d’agriculture de Saône-et-Loire