Deux ans de guerre en Ukraine
Des pertes économiques colossales

Selon l’institut ukrainien de recherche KSE, le montant des destructions de matériels et de bâtiments s’élève à 9 milliards d’euros (Md€). Les pertes agricoles sont estimées à 65 Md€. Le coût de reconstruction de la ferme Ukraine est évalué à 52 Md€.

Des pertes économiques colossales

Pour les agriculteurs ukrainiens, le blocus de la frontière ukraino-polonaise par les Polonais représente chaque mois un manque à gagner supplémentaire de plusieurs centaines de millions d’euros, affirme Andriy Dykun, président d’UkrAgroConsult, un organisme d’expertise et de conseils sur les questions agricoles. « Les manifestants ne se rendent pas compte qu’ils font le jeu de Poutine. Ils prennent le risque d’étendre les combats sur l’ensemble du territoire ukrainien, jusqu’à la frontière polonaise ».

Vols et destructions

Après deux ans de guerre en Ukraine, les pertes subies par les agriculteurs sont colossales et leur montant s’accroît chaque mois. Selon un rapport publié par KSE* réalisé sous l’égide du gouvernement ukrainien, la Banque mondiale, les Nations Unies et l’Union européenne, le secteur agricole ukrainien a déjà subi plus de 74 milliards d’euros (Md€) de pertes et de dommages directs. Pour remettre en état la Ferme Ukraine, près de 65 Md€ d’investissements seront nécessaires, estime-t-il. En étant empêchés de produire, les agriculteurs ont perdu 36,5 Md€. Les rendements ont baissé faute d’intrants pour cultiver les céréales, une partie des terres est minée et l’Ukraine est amputée de 17 % de son territoire. Le manque à gagner généré par l’effondrement du marché agricole ukrainien est estimé à 22 Md€. En 2022, aucune transaction commerciale n’était possible pendant plusieurs mois et jusqu’à un passé récent, le prix en sortie de ferme des céréales n’excédait par 110-120 € la tonne. Par ailleurs, les Russes auraient volé l’équivalent de 2 Md€ de grains et détruit des stocks d’un même montant. Pas une filière animale n’a été épargnée par la guerre (vaches abattues, collecte de lait à l’arrêt etc.). KSE estime à 5,2 Md€ les pertes subies et à 4,1 Md€ les surcoûts de production (hausse des prix des engrais, des carburants fossiles etc.)

Besoins colossaux

Dans les cours de fermes, 181.000 machines et équipements agricoles ont été endommagés ou totalement détruits pour un montant estimé à 5,8 Md€. Selon KSE, 18.200 tracteurs sont hors d’usage et 6 800 ont été détériorés. La valeur de leur remplacement s’élève à 1,6 Md€. Depuis deux ans, l’ensemble des actifs agricoles bombardés ou détruits par l’armée russe s’élève à 9,2 Md€. Les deux tiers des destructions sont localisées dans les régions de Zaporizhya, Kherson, and Luhansk massivement bombardées et occupées par l’armée russe. Pour reconstruire la ferme Ukraine, les besoins de financements sont colossaux et la facture s’alourdit chaque jour. Ils sont d’ores et déjà estimés à 52 Md€. En fait, le plan de reconstruction établi par KSE est avant tout un programme d’investissement et de modernisation de l’agriculture ukrainienne aux normes européennes. Au cours des dix prochaines années, l’ensemble du parc matériel serait renouvelé et les bâtiments reconstruits. Et pas seulement ceux qui ont été détruits. Le programme de reconstruction promeut les outils d’aide à la décision (OAD), la construction d’un parc de méthaniseurs et l’édification de fermes éoliennes. En tendant vers la neutralité carbone, l’Ukraine productrice de biogaz et de biocarburants s’affranchira des importations de carburants fossiles russes qui ont causé sa ruine et sa perte.

L’objectif recherché est l’acquis communautaire et l’adhésion à l’Union européenne dans les années 2030 pour en devenir le 28e État membre à part entière.

(*) Centre de recherche rattaché à l’école d’agronomie de Kiev.

En moyenne 1.000 ha par exploitation

La taille moyenne des exploitations ukrainiennes atteint environ 1.000 ha contre 69 ha en France. Il faut y voir l’héritage de l’histoire et de la volonté d’un seul homme : Staline. Ayant décrété l’industrialisation de son pays, il lui faut des machines-outils. Or, il est contraint de se les procurer à l’étranger. Pour les acheter, il exporte massivement des céréales d’Ukraine. Dès 1930, le Kremlin prélève d’office 30 % de grains puis 41 % l’année suivante, avant de nationaliser les fermes et les transformer en sovkhozes et kolkhozes, fermes d’État et coopératives… Les agriculteurs se révoltent et deviennent vite les « ennemis du prolétariat ». Le 7 août 1932 l’implacable « loi des épis » est promulguée : garder sur soi quelques grains de blé ou de seigle devient passible de la peine de mort. Le terrible hiver 1932-1933 termine d’affamer la classe paysanne ukrainienne qui finit par mourir de faim. L’Holodomor, mot ukrainien qui signifie « extermination par la faim », a fait environ cinq millions de morts et a totalement détruit la classe paysanne. Ce n’est qu’après la chute du Mur du Berlin que les chefs des sovkhozes et des kolkhozes se sont convertis en chefs d’entreprises, à la tête de gigantesques exploitations. La plus grande d’Ukraine fait 515 000 ha, soit l’équivalent de la taille du Jura.