Fromages fermiers
En s’adaptant au Covid, les producteurs innovent…

La crise du Covid-19 est arrivée à un bien mauvais moment pour les fromagers fermiers. En plein pic de production, les producteurs font montre d’une réactivité impressionnante pour ne pas jeter de lait. L’occasion pour eux de tester de nouvelles technologies fromagères et d’imaginer de nouveaux circuits de commercialisation.

En s’adaptant au Covid, les producteurs innovent…
Pour faire face à la baisse des ventes liée au confinement, les fermiers ont fait du report de production en recourant à de nouvelles technologies fromagères.

Le confinement est venu bouleverser les habitudes des agriculteurs pratiquant la vente directe. Chez les nombreux fromagers fermiers de Saône-et-Loire, les effets du confinement ont été immédiats : magasins à la ferme désertés, marchés annulés, effondrement des expéditions de fromages vers les grands bassins de consommation (Rungis), arrêt des approvisionnements de restaurants scolaires… Facteur aggravant, cette crise très soudaine est intervenue en plein pic de lactation.

Dans les premiers jours qui ont suivi la mise en place du confinement, certains ont été contraints de jeter du lait. Mais dans l’ensemble, les producteurs fermiers de Saône-et-Loire ont fait preuve d’une impressionnante réactivité pour trouver des solutions destinées à éviter de perdre du lait.

Si la filière devrait surmonter la crise, il ne faut pas sous-estimer le risque d’épuisement encouru par des producteurs fermiers déjà très occupés en temps normal. Et cela d’autant plus qu’une majorité de ces producteurs sont des femmes et des mères de famille, toutes cumulant les contraintes d’un métier particulièrement exigeant avec les astreintes familiales et scolaires liées au confinement.

Tommes, lactiques grand format…

Un des moyens de répondre à la crise a été pour certains de baisser la production laitière des chèvres. Un choix tout de même difficile dans une année laitière exceptionnelle, fait remarquer Guillemette Allut, du Centre fromager de Bourgogne, qui accompagne les fromagers du département dans leur activité de transformation.

En fabrication, Guillemette Allut rassure sur le fait qu’il existe un certain nombre de solutions pour faire du report. L’une d’entre elles consiste à fabriquer des tommes de 500 g à plusieurs kilos, mettant en œuvre 10 à 12 litres de lait par kilo en chèvre ou vache (presque deux fois mois en brebis). « Parmi les options possibles, c’est la plus facile à mettre en œuvre sans trop investir : une petite cuve ou un bac de caillage, de quoi trancher le caillé et éventuellement un chauffe lait… ». Pour la tomme, ou pâte pressée non cuite, la technologie part du lait chaud de la traite (34 °C). Pendant la fabrication, les grains de caillé doivent être chauffés jusqu’à 38 – 39 °C pour égoutter davantage et permettre une garde plus longue. La confection de tommes est un bon moyen de stocker du lait pour un report de la commercialisation. C’est également un produit intéressant pour développer sa gamme bien que la clientèle locale n’y soit pas très habituée, en particulier en chèvre, mais elle sait l’apprécier, assure Guillemette Allut.

Une autre option, plus facile à mettre en œuvre pour les fromagers qui ne souhaitent pas se lancer dans une nouvelle technologie, consiste à fabriquer des fromages lactiques de grand format, parfois appelés « fromages du dimanche » ou encore « tommes lactiques ». Cette solution permet de faire des fromages de 1 à 3 kg à raison de 6 litres de lait environ par kg en chèvre et vache. Ces fromages concentrent plus de lait, et demandent moins de travail qu’un plus grand nombre de fromages de petit format.

Chambre froide, sous vide, congélation…

Sans chambouler les habitudes des clients, il est aussi possible de faire attendre des fromages lactiques traditionnels en chambre froide. L’objectif est d’obtenir des fromages tendres à cœur mais stables dans le temps. L’affinage de ces fromages sera conduit différemment, il faut donc savoir dès le ressuyage lesquels seront destinés à un affinage long. Une fois le résultat souhaité atteint, les fromages sont placés en chambre froide à 4 °C, couverts mais pas hermétiquement enfermés et surveillés de temps en temps lors de retournements.

On peut aussi opter pour un report de production sous vide. Sitôt démoulés, les fromages lactiques sont enfermés dans des sacs sous vide d’air. Stockés en chambre froide, ils seront ressortis en fonction des besoins pour l’affinage.

Dans d’autres bassins de production, on pratique la congélation du caillé après égouttage. Certains congèlent même les fromages qui peuvent être de nouveau affinés après décongélation.

Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier

Pour cette situation exceptionnelle, des assouplissements réglementaires ont été obtenus pour la fabrication des fromages et pour leur commercialisation. Des simplifications qui facilitent selon le statut de vente de l’atelier la mise en œuvre de ces nouvelles technologies fromagères et la commercialisation de nouveaux produits.

« Affinage, tomme, gros lactique, sous-vide, congélation, confiture de lait ou même reblochon de chèvre…, selon la place et le matériel disponible, il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier et surtout savoir s’adapter au contexte de chacun», recommande Guillemette Allut, qui incite à diversifier les types de produits ou à sécuriser la solution principale retenue.

Livraisons, drive, réseaux sociaux…

L’autre réponse à la crise consiste à agir sur la commercialisation. Pour compenser la baisse de la vente à la ferme et sur les marchés, les producteurs ont misé sur les livraisons, le drive, les Amap, envois de colis. Des circuits qui ont littéralement explosés avec le confinement. Les réseaux sociaux ont été le théâtre d’un véritable tournant dans la vente directe, estime Guillemette Allut. Des systèmes de commande voient le jour via Facebook et cela draine de nouveaux clients. Sans oublier l’émergence de synergies entre producteurs avec des échanges de réseaux commerciaux et de produits mettant en lumière l’intérêt de la complémentarité des gammes. Il faut citer aussi des exemples de grande distribution qui ont souhaité jouer la carte du local en s’ouvrant à de nouveaux producteurs.