Arnaud Rousseau
« Laissez-nous produire pour nourrir nos compatriotes et gagner notre vie »

Lors de l’assemblée générale de la FDSEA, un temps était dédié à un échange entre les adhérents et le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau. Celui-ci a abordé les enjeux d’ici dix ans pour que l’agriculture réponde à la souveraineté alimentaire.

« Laissez-nous produire pour nourrir nos compatriotes et gagner notre vie »
Arnaud Rousseau, président de la FNSEA : « L’agriculture française a de réelles opportunités pour son avenir. Pour cela, elle doit être capable d’affronter le changement climatique, d’assurer la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations. »

Selon le président de la FNSEA, « l’agriculture française a de réelles opportunités pour son avenir. Pour cela, elle doit être capable d’affronter le changement climatique, d’assurer la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations, et de rediscuter avec la société de manière apaisée sur l’écologie. Si elle ne le fait pas vite, elle va droit dans le mur. »

L’alimentation est devenue un enjeu stratégique. « Il n’y a pas de vie humaine sans alimentation, rappelait Arnaud Rousseau. Les enjeux de pouvoirs sont forts autour de celle-ci. En Europe, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la population ne sait pas ce qu’est la faim. Dans l’esprit des Français, l’alimentation est une commodité et ne doit pas coûter cher. » Avec l’explosion de la démographie mondiale, « qui n’est plus à démontrer », et à la suite de la pandémie de Covid et alors que la guerre a éclaté en Europe, « l’alimentation est devenue une arme stratégique majeure. L’idée que l’on aurait suffisamment à manger et de manière durable n’est pas inscrite dans le futur. Les grandes puissances mondiales l’ont bien compris. En Europe, nous étions loin cette position, les choses commencent à évoluer. »

S’adapter au changement climatique

Pour Arnaud Rousseau, l’autre fait nouveau pour l’agriculture est l’adaptation au changement climatique. « Tout le monde a pu constater que les travaux dans les champs ont été avancés. Probablement que ce que nous avons vu dernièrement du dérèglement climatique n’est rien à côté de ce que nous allons vivre dans les prochaines années. Le sujet est “ Que faisons-nous structurellement sur le long terme pour nous préparer à affronter un choc et comment fait-on pour adapter nos capacités à produire ? “ » Le président de la FNSEA constate que « de moins en moins, l’alimentation qui se retrouve dans les assiettes des Français est produite sur notre territoire. Je ne parle pas de repli sur soi ou de nationalisme, ou de vision idyllique où l’approvisionnement viendrait de 5 km autour de chez soi car nous aurons toujours besoin de commercer, dans une vision de durabilité. Nier ou éviter le changement climatique ne serait pas responsable. En revanche, nous devons rester lucides. Les bonnes décisions se prennent quand on a le bon recul. »

L’enjeu de l’eau

L’eau est bien évidemment au cœur des débats. « Sur les 500 milliards de mètres cubes qui tombent en France chaque année, 200 sont disponibles. 30 milliards d’entre eux sont prélevés par l’activité des Hommes (vie quotidienne, industries, services…), dont 3,2 par l’agriculture. » Il existe une différence de disponibilité sur le territoire. « On ne peut pas traiter la question de l’eau de manière uniforme. » Les solutions de stockage sont donc différentes selon les territoires.

Selon Arnaud Rousseau, « l’effort de sobriété pour l’eau doit être collectif. L’agriculture aura sa part ; la FNSEA ne nie pas la réalité. Lorsque l’eau est disponible en quantité, le bon sens est de la stocker. C’est une nécessité pour l’agriculture, tant pour les animaux que pour les végétaux. Il ne s’agit pas d’accaparement de l’eau pour l’agriculture, mais bien d’œuvrer pour la sobriété, comme cela se fait déjà : l’agriculture consommait 4,5 milliards de m3 d’eau en 2000 et avec un mètre cube d’eau, elle produit 30 % de matière en plus qu’il y a 20 ans. Il faut savoir mettre en avant les progrès réalisés en agriculture. » Et d’insister : « Si l’eau n’est pas stockée, la France importera massivement de l’alimentation produite dans des conditions qui ne sont pas les nôtres. » Selon le président de la FDSEA, Gérard Gallot, « l’irrigation n’est pas possible partout. Il faudra répondre au changement climatique par d’autres formules. » L’innovation et la recherche aideront aussi l’agriculture à s’adapter au changement climatique.

Inciter les jeunes à s’installer

Le renouvellement des générations en agriculture constitue un enjeu majeur pour l’agriculture française. « Nous avons perdu 75 % des agriculteurs en 40 ans, rappelle Arnaud Rousseau. La FNSEA est ouverte pour accueillir les nouveaux projets, à condition qu’ils soient économiquement viables et que les agriculteurs aient le goût d’entreprendre. »

Arnaud Rousseau rappelle que la FNSEA continuera à se battre pour que la loi Egalim s’applique. « Avec l’augmentation forte des prix, les Français prennent conscience que l’alimentation a un prix. En parallèle, la consommation diminue. C’est bien pour cela que le ministre de l’Economie estime que les prix doivent baisser » et que les négociations commerciales doivent être réouvertes. « Mais les agriculteurs ont des charges et nos coûts de production ne baissent pas. Un salaire en dessous de deux Smic par mois pour rémunérer le travail et le capital est le minimum pour un agriculteur. Il doit arrêter d’avoir honte de vouloir gagner sa vie. » Et de conclure sur ce thème : « C’est maintenant que nous devons porter ces sujets des prix et de la rémunération, car c’est maintenant que nous avons besoin de jeunes qui s’installent. »

 

Lucie Grolleau Frécon