Labels et certificats environnementaux
« Bio et HVE sont complémentaires »

En début d'année, des associations écologistes et de défense des consommateurs ont saisi le Conseil d'État. Elles dénoncaient les insuffisances de la certification Haute valeur environnementale (HVE). Etienne Gangneron, agriculteur biologique, vice-président de la FNSEA et François Garcia, viticulteur en bio et HVE, livrent leur réflexion : pour eux, « Bio et HVE sont complémentaires ».

« Bio et HVE sont complémentaires »

Quel est votre sentiment concernant le recours des associations écologistes devant le Conseil d’État ?

Étienne Gangneron : Au sein de la profession agricole, nous avons le sentiment qu’on essaie, par tous les moyens de saborder le HVE. Certaines organisations non gouvernementales (ONG) cherchent à trouver des coupables plutôt que des solutions. C’est plus que regrettable.

François Garcia : Il existe une réelle incompréhension dans cette démarche. La HVE existe depuis dix ans et ce n’est que maintenant que l’on vient s’en prendre à cette certification. Il est vrai que le moment est opportun, au moment même où le secteur de l’agriculture biologique traverse une période compliquée. Mais pourquoi donc avoir attendu dix ans avant d’attaquer une démarche déjà appliquée par des milliers d’agriculteurs ? Ce n’est pas cohérent et c’est incompréhensible.

Que reproche-t-on à la HVE ?

E.G. : Très clairement de faire une concurrence que certains jugent « déloyale » à l’agriculture biologique. En effet, la HVE permet un accès plus facile au marché. À vrai dire, le positionnement de certaines ONG écologistes est complètement idéologique : Pour eux, il n’y a que le bio qui est bien et tous les autres modes de production comme l’agriculture conventionnelle ou l’agriculture raisonnée est à proscrire. Or la HVE constitue un processus de transition très intéressant pour passer de l’agriculture conventionnelle à l’agriculture biologique. En effet, le passage au bio est une prise de risque très importante, notamment sur le plan économique.

F.G. : L’accès de la HVE aux marchés est plus facile. C’est un fait. N’oublions pas cependant que la grande distribution s’en met plein les poches, que ce soit en HVE et en bio. De même, il y a des sujets plus importants sur lesquels ces ONG devraient se battre. Je pense notamment aux 20 % de produits biologiques prévus dans la restauration collective par la loi Egalim. Nous n’en sommes aujourd’hui qu’à 6 %.

Bio et HVE sont-ils compatibles ?

F.G. : Bien évidemment puisque je développe les deux productions sur mon exploitation. Que ce soit en bio ou en HVE, je fais l’objet de contrôles réguliers, par des organismes certificateurs. Les deux types de production ont des enjeux et des intérêts communs comme des sols résilients et vivants.

E.G. : Bien évidemment. Cependant, le consommateur ne s’y trompe pas. Il connaît mieux le bio, à 92 % que le HVE. Celui-ci ne recueille, selon un récent sondage, que 17 % de taux de reconnaissance. Ce qui milite d’ailleurs pour dire que la soi-disant concurrence entre HVE et bio n’existe pas réellement. Sur un autre plan, le cahier des charges HVE comprend un volet protection de la biodiversité qui n’existe pas dans celui du bio.

Finalement, le problème de la HVE serait-il plus un problème de la filière bio ?

E.G. : En quelque sorte. En effet, certaines fédérations d’agriculteurs biologiques qui réclament les aides bio sont aussi celles qui attaquent la HVE devant le Conseil d’État.

F.G. : N’oublions pas qu’en 2023, le cahier des charges de la HVE a été durci, notamment sur la réduction de l’apport d’azote et de produits phytosanitaires. Ce qui constitue un vrai sujet pour les producteurs qui vont devoir trouver des alternatives. C’est une réelle remise en question qui nous invite à avancer et innover. D’une manière générale, je pense qu’à la mise en place de la HVE en 2012, il aurait fallu hiérarchiser en mettant clairement le bio en haut du panier. Avec un double objectif : tout d’abord faciliter les transitions et ensuite mieux informer le consommateur.