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Institutions ou figures montantes : le producteur au cœur

Qu’ils soient fraîchement étoilés ou symboles d’institutions culinaires, les figures de la gastronomie française cultivent un profond respect des producteurs. Le terroir occupe une place centrale lorsqu’il s’agit de valoriser un produit brut, de la terre à la fourchette. C’est le cas de la célèbre maison Troisgros, où ancienne et nouvelle générations, sont tout particulièrement attachés à la relation singulière qui lie agriculteurs et chefs ou encore à Prairial au cœur de Lyon.

 

Institutions ou figures montantes : le producteur au cœur
César et Michel Troisgros ont une réelle admiration pour le monde agricole. ©SylvainBris

C’est dans un domaine de 18 hectares, tout près de Roanne (Loire), que le restaurant historique de la maison Troisgros perpétue la tradition familiale. Une bâtisse italienne de 1856, un ancien corps de ferme attenant, l’ambiance se veut naturaliste et authentique. Ancien cuvage laissé dans son jus, chêne centenaire qui trône au cœur de la salle de réception : « Il nous semblait logique de conserver tous les éléments aux accents agricoles. D’une part, pour la beauté de ses bâtiments, d’autre part, parce que c’est le lieu de travail du paysan, qui récolte et qui stocke. Le cuisinier magnifie ensuite le produit, puis le client a le plaisir d’y goûter », explique Michel Troisgros. Pour faire honneur au terroir, la maison travaille aux côtés de producteurs locaux depuis de nombreuses années. « C’est désormais la responsabilité de mon fils, César[Michel Troisgros, chef étoilé de 66 ans, a récemment cédé son tablier à l’un de ses trois enfants, César. NDLR], d’entretenir les relations avec nos producteurs. Elles sont précieuses, intimes et fidèles. En parallèle nous faisons également de belles découvertes et aidons des jeunes à se développer, en leur donnant la possibilité de trouver un équilibre économique à nos côtés », explique-t-il. La maison privilégie les fournisseurs locaux, idéalement en bio : ces derniers se concentrent dans la Loire, le Rhône, la Haute-Loire, l’Allier ou encore la Saône-et-Loire. Un terroir riche et qualitatif qui suscite une profonde admiration du chef pour le monde agricole. « La charge de travail, ses difficultés inhérentes, nous font réaliser que l’ingrédient n’est pas arrivé par hasard sous notre main, sur le plan de travail. Cette pleine conscience, c’est aussi ce qui influe sur la manière de travailler les produits. Lorsqu’on les voit, qu’on les touche, on a une relation intime avec eux. C’est souvent ici que la magie opère », témoigne-t-il. Un attachement aux produits et aux producteurs que partagent également une nouvelle génération de chefs.

Gaëtan Gentil, un chef ancré dans sa région

« Le fil rouge du restaurant, c’est l’assaisonnement aux herbes sauvages » : et d’herbes sauvages, la région Auvergne-Rhône-Alpes en est bien étoffée. Gaëtan Gentil ouvre son premier restaurant à Lyon, en 2015, aux côtés de sa compagne. C’est seulement après un an que Prairial obtient sa première étoile au Guide Michelin. Originaire du Mans, le chef de 39 ans apprend pendant les saisons sur la Côte d’Azur et dans les Alpes savoyardes. Il décide alors de s’installer au carrefour de ses lieux d’apprentissage, à Lyon. « Nous essayons d’avoir une identité très locale, avec des produits principalement rhônalpins. C’est assez végétal, avec des légumes, des fruits, des plantes. Nous n’utilisons aucune épice, aucune baie, aucun poivre, aucun produit qui ne se trouve pas en région, hormis le chocolat », précise-t-il. C’est donc au gré des saisons et des micro-saisons que le chef travaille, tout en s’adaptant aux mutations de la cuisine française. « Notre cuisine évolue chaque mois, chaque année, c’est une modulation naturelle. Avec le temps, on essaie d’épurer les assiettes, de concentrer les saveurs, pour mettre en valeur les produits et rendre les assiettes plus lisibles pour les yeux et le palais », explique Gaëtan Gentil. Côté producteurs, ce dernier insiste sur l’intérêt de partenariats fidèles. « Il faut trouver les produits qui correspondent à notre cahier des charges, essentiellement en termes de saveurs, et de démarche environnementale », souligne-t-il. Ce dernier s’adapte aux calibres des produits et à leur production. Le temps reste cependant indispensable à la création de partenariats solides, « pour que chaque partie puisse y trouver son compte », assure-t-il. 

Charlotte Bayon

Gaëtan Gentil et sa compagne Céline Boinon ©Nicolas Villion

Gaëtan Gentil et sa compagne Céline Boinon ©Nicolas Villion
©Nicolas Villion