Convention citoyenne sur le climat
Le rapport très agricole de la Convention citoyenne sur le climat

Mis en ligne par Cédric MICHELIN
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Après neuf mois de travaux, la Convention citoyenne sur le climat a rendu le 21 juin ses 149 propositions au gouvernement, où les enjeux agricoles et alimentaires occupent une grande place. Le rapport avait alors reçu le soutien de 256 députés de la majorité (nationaux et européens). Après les élections municipales (28 juin), l'écologie a été portée à la tête de plusieurs grandes villes, certes avec une abstention record (58,5 %). Les propositions législatives seront traduites en loi d’ici la rentrée a annonce le Président de la République le lendemain.

Le rapport très agricole de la Convention citoyenne sur le climat

Ne cherchez pas le nucléaire, ni bien d'autres secteurs industriels dans ce rapport. Par contre, l’alimentation occupe à elle seule près d’un tiers du rapport final de 280 pages, adopté après neuf mois de travaux par la Convention citoyenne sur le climat, durant la septième et dernière session de la convention le 21 juin. Les propositions, qui ont toutes été votées à plus de 90 %, couvrent l’ensemble du secteur, de la production à la consommation.

On y trouve notamment la reprise des objectifs du plan Ecophyto, une augmentation de la TGAP sur les engrais azotés, l’interdiction des subventions aux élevages qui ne réduisent par leurs émissions, la création d’un label agroécologique pour les consommateurs, ou encore l’élargissement de la loi Egalim à l’ensemble de la restauration collective privée (voir encadré).

« La plupart des mesures sont cohérentes, à part ces histoires de pesticides », commente Lionel Moncla, viticulteur à la tête de 34 hectares dans le Bordelais, et seul agriculteur en activité de la Convention citoyenne sur le climat. Lui ne faisait pas partie du groupe Se nourrir, dont les trente membres se penchaient sur les questions agroalimentaires, mais du groupe Se déplacer, dédié à la réflexion sur les transports.

Car au-delà des sept sessions plénières, une grande partie du travail a été fait dans les cinq groupes thématiques dans lesquels les 150 participants avaient été répartis. « Bien sûr que j’aurais voulu discuter sur les thèmes agricoles, mais le tirage au sort en a décidé autrement, et j’ai pu échanger avec les membres de l’autre groupe », souligne Lionel Moncla.

Les influences

Le rapport de la Convention a émergé à l’issue d’auditions de représentants de nombreuses associations, dont le WWF, Greenpeace, la Fondation Nicolas Hulot, mais également de la FNSEA ou de la Confédération paysanne, ainsi que de la grande distribution, en la personne de Dominique Schelcher, PDG de Système U. L’influence la plus structurante sur le volet agricole demeure cependant, de l’avis même des participants, celle de l’Iddri, un think-tank fondé par Laurence Tubiana, l’une des coprésidentes de la Convention.

Pour autant, les citoyens refusent les soupçons comme ceux d’Arnaud Gossement, avocat et ancien porte-parole de FNE, qui estime que le niveau d’expertise du rapport, « presque technocratique », laisse penser que certaines organisations ont tenu le crayon.

Selon Guy Kulitza, membre influent du groupe Se nourrir, ces accusations viennent de ceux qui avaient des réserves dès le départ sur l’exercice. « On nous a reproché à la fois d'avoir trop de données techniques, et à la fois de ne pas en avoir. Nous avions ce deal avec le Président de créer des mesures détaillées, afin de lui permettre de les passer sans filtre, et c’est ce qu’on a fait. Quelque part, on nous reproche d’avoir trop bien fait notre travail », se défend le retraité d’EDF.

Les phytos en question

Les produits phytosanitaires ont failli semer la discorde au sein de la convention. Car un amendement, porté par Lionel Moncla aux côtés d’autres participants, est venu changer le texte entre la sixième et la septième session. Alors que le groupe Se Nourrir prévoyait initialement d’interdire toutes les molécules en 2040, Lionel Moncla a remplacé cette disposition par celle du plan Ecophyto, une division par deux des utilisations en 2025, assortie d’une sortie immédiate des molécules classées CMR (Cancérigène-Mutagène-Reprotoxique) et d’une interdiction des produits jugés dangereux pour l’environnement en 2035.

« Les CMR, on doit pouvoir y arriver. Pour le reste, on peut diminuer, mais selon les conditions et les attaques ça devient difficile. Nous, en Gironde, cette année, nous nous sommes retrouvés en rupture de traitements », soulignait Lionel Moncla. Ces arguments ont eu peu d’écho auprès du groupe Se Nourrir, qui a accusé en séance plénière l’agriculteur d’avoir « dénaturé » son texte. L'Agribashing a eu le temps d'infuser les esprits depuis deux décennies autour des OGM et pesticides et autres présentés tous négativement dans les grands médias nationaux.

Ces tensions, veut croire Guy Kulitza, sont avant tout issues d’une mauvaise compréhension du mécanisme de révision de texte. « Nous pensions que l’amendement viendrait compléter notre proposition, or il l’a totalement remplacée », explique Guy Kulitza. Comme les dispositions de la convention le permettent, près de 48 participants ont tout de même déposé un « avis alternatif » qui figurera dans la synthèse finale, en reprenant l’objectif initial de suppression.

Les suites de la convention

L'étape suivante pour les conventionnaires était ensuite le rendez-vous avec le président de la République, le 29 juin. Les signaux étaient "au vert" comme en témoignait déjà la tribune signée le 22 juin sur le site du quotidien Le Monde par 256 députés de la majorité (nationaux et européens), emmenés par l’eurodéputé Pascal Canfin. Les propositions de la Convention citoyenne sur le climat « devront être écoutées et largement mises en œuvre, à travers les lois votées au Parlement, à travers notre mobilisation en Europe lorsque la compétence se situe à cet échelon », préviennent les élus marcheurs. Un projet qui devra être adossé à un référendum « à choix multiples pour garantir que la majorité des Français soutienne cette ambition ».

Concernant le référendum, les participants n’ont retenu que trois options parmi les choix qui s’offraient à eux : deux révisions de la Constitution pour intégrer la lutte contre le réchauffement climatique, et la création d’une loi contre le crime d’écocide. Dans un contexte de crise économique, qu’est-ce que les Français penseront de ce choix ? « Il y a un risque d’incompréhension, mais ce sera à nous de le porter dans la place publique, éventuellement avec les syndicats, les politiques et les associations qui voudront nous appuyer », prévoit Guy Kulitza.

Pour assurer ce service après-vente, les citoyens ont constitué depuis le 21 juin une association pour structurer leur "armée verte" : les 150. Environ 110 participants l’auraient déjà rejoint. « La légitimité est désormais au sein de l’association et d’un comité de suivi qu’on souhaite mettre en place », précise Guy Kulitza.

Les huit propositions les plus abouties

Huit propositions de la Convention ont fait l’objet d’une traduction légales précise sur les sujets agricoles. Quatre concernent le renforcement de la loi Egalim, avec une prime à l’investissement pour les établissements scolaires, un bonus pour les petites cantines, une révision de l’arrêté de 2011 sur la qualité nutritionnelle des repas, et l’extension de toutes les dispositions de la loi Egalim à l’ensemble de la restauration collective dès 2025. Côté production, les citoyens ont conservé l’objectif d’une interdiction rapide des produits classés CMR, accompagnée d’une diminution de l’usage des phytos « de 50 % d’ici 2025 » et de « l’interdiction des pesticides les plus dommageables pour l’environnement en 2035 ». Les citoyens proposent également « d’augmenter la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) » sur les engrais azotés. Concernant le plan stratégique de la Pac, enfin, les citoyens plaident pour la cohérence, en suggérant de « mettre en place un mécanisme de suivi et d’évaluation de l’atteinte de la performance climat » du plan.

Les propositions traduites en loi

« Un projet de loi spécifique sera présenté à la fin de l’été qui intégrera l’ensemble de vos mesures qui relèvent du champ législatif », a annoncé Emmanuel Macron aux 150 participants à la Convention citoyenne sur le climat reçus le 29 juin à l’Élysée. Les autres mesures seront discutée au sein du Conseil de défense écologique, portées au niveau européen par la France, intégrées au plan de relance, ou affinées avec les collectivités. « Sur 149, je transmettrai toutes vos propositions, sauf trois », a prévenu le chef de l’État, évoquant les exceptions de la taxe de 4% sur les dividendes, de la réduction de vitesse à 110 km/h sur autoroute, et de la révision du préambule de la Constitution. Concernant l’indépendance alimentaire de l'Hexagone, Emmanuel Macron a estimé nécessaire de « renforcer notre capacité à produire nos propres protéines ». « Dans une France souvent dénaturée par les zones commerciales », Emmanuel Macron annonce qu’il soutiendra les mesures de lutte contre l’artificialisation défendue par les citoyens, dont la « sanctuarisation des espaces agricoles » et le développement des circuits courts. Ce premier rendez-vous post-convention « n’est qu’une étape », a lancé le chef de l’État, invitant les citoyens à participer à des groupes de travail avec les parlementaires concernant la traduction législative de leurs mesures. « Je vous donne un droit d’alerte dans ce suivi », a précisé Emmanuel Macron, dont le gouvernement recevra désormais les citoyens une fois par mois.

Consulter les professionnels

Après qu’Emmanuel Macron a déclaré le 29 juin qu’il reprendrait 146 des mesures proposées par la Convention citoyenne, la FNSEA estime dans un communiqué que « l’heure doit maintenant être à la consultation des professionnels du secteur en vue de confronter les propositions aux réalités techniques ». Le président ayant annoncé 15 milliards d’euros sur deux ans pour accompagner ces propositions, le syndicat majoritaire demande le fléchage de 5 milliards vers la transition agroécologique « afin de financer les besoins conséquents » liés à la recherche, à la formation et au conseil. Les JA, eux, estiment que « la promesse d’une loi foncière, sans cesse ajournée et annoncée comme abandonnée, peut être tenue » dans le cadre du paquet législatif regroupant l'ensemble des propositions des conventionnaires, et annoncé pour l'été par le président. L’Ania (industries agroalimentaires), dans un communiqué du 30 juin, indique, elle, partager « l’ambition du Président de la République d’être à la hauteur des attentes des citoyens »... enfin des 150 citoyens.