Pulvérisateur et traitements
Une soirée fluo pour bien voir

Cédric MICHELIN
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Le 19 juillet dernier au Vinipôle Sud Bourgogne à Davayé, le service Vigne & Vin de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire organisait une manifestation technique "Pulvé - Soirée fluo". L’objectif étant d’évaluer la qualité de pulvérisation de plusieurs types de matériel et de bien maîtriser la dérive.

Une soirée fluo pour bien voir

Les quelques passants ont dû se poser des questions en voyant trois grappes d’une dizaine de personnes rassemblées autour de lampes noires (habituellement utilisées en boîtes de nuit) dans les vignes. Et pourtant, c’est ainsi qu’était révélé le traceur fluo (fluorescine), pulvérisé en fin de journée, qui permet de visualiser la répartition du produit sur le feuillage et sur les grappes. La lecture des résultats était des plus intéressantes et riches d’enseignements.
Mais en attendant la pénombre, Florent Bidaut du Vinipôle faisait un point d’actualité sur la pulvérisation. « L’efficacité est trop souvent ramenée au seul produit alors qu’il y a aussi la météo (hygrométrie…), la pression parasitaire, le stade de la vigne, le matériel de pulvé - son type : pneumatique, jet porté, projeté - et comment il est utilisé… tous ces paramètres jouent », introduisait l’expert pour rappel. Il prenait pour exemple le choix de la pression ou de nouvelles générations de buses à chambres de décompression ou « dans deux-trois ans, des buses à turbulence ».

Un label performance pulvé

Dès lors, il faut toujours trouver le bon compromis entre « efficacité du traitement, gestion de la dérive pour le voisinage et respect de l’environnement ». Le tout avec la réglementation en vigueur, de plus en plus changeante…
Le portrait du pulvé idéal se dessine toutefois : « dans le rang avec des récupérateurs de bouillie, mais ils restent encombrants », expliquait Florent Bidaut qui ne sait pas si ce sera le matériel « qui diminuera » ou la taille des rangs de vignes « qui s’agrandira » pour régler ce problème à l’avenir.
Pour limiter la dérive, à nouveau, tout est question de logique. « De grosses gouttes » au début du stade feuilles étalées pour aller vers « plus de fines gouttes » pénétrant les feuilles jusqu’aux grappes développées.
Florent Bidaut présentait ensuite le label "Performance pulvé" lancé en 2021 (issu du dispositif du même nom développé par l’IFV avec l’appui des chambres d’agriculture dont CA71) qui est basé sur le volontariat des constructeurs pour l’heure. Ainsi, chaque pulvérisateur est comparé sur un lieu unique, l’IFV de Montpellier, à deux stades (début et fin) du développement végétatif pour les vignes étroites. « L’idée est d’orienter les aides à l’investissement ». Une dizaine de matériels est labellisée en vignes étroites, « essentiellement des descentes dans le rang » (www.performancepulve.fr).
Derrière, se cache l’envie des pouvoirs publics de creuser les écarts avec les « mauvais pulvés ». Ces « notes » sur la qualité de la pulvérisation et sur la dérive viendront compléter les règles autour des zones de non-traitement (ZNT) riverains, désormais appelées DSR pour distance de sécurité riverains. Ces DSR seront mentionnées sur les produits et à respecter « peu importe le matériel utilisé ». Benjamin Alban faisait alors un rappel sur l’évolution de la réglementation concernant l’application des produits, notamment aux abords des habitations, avec l’arrêté du 25 janvier 2022 qui précise des distances de sécurité (DSR) en fonction de la nature des produits. En l’absence de DSR, l’arrêté ministériel sur les ZNT s’applique, avec des différences selon les produits utilisés (CMR1, CMR2).

Doses et surfaces foliaires

L’occasion aussi de parler du projet de recherche Pulvétroit qui effectue des essais pour ne plus résonner qu’en litre/hectare, mais demain avec aussi la surface foliaire. « On réinvente la posologie comme pour le Doliprane pour enfants ou adultes », faisait le parallèle Benjamin Alban, chef du service Vigne & vin à la chambre d’agriculture. Ce qui devrait permettre de réduire « efficacement » les doses. « Vous le faisiez déjà instinctivement, ce sera réglementaire ». Des essais ont lieu toujours avec l’IFV car « les traitements par le dessus, par exemple, nécessitent d’être plus précis, sinon, la protection risque d’être parfois limite », surveille-t-il du côté des surfaces foliaires « moyennes qui seront données pour que vous n’ayez pas à faire les mesures foliaires pour un stade 2-3 feuilles par exemple ».
Après un bon « poulet basquaise » de Chez Lolo, la pénombre s’installait, hâtant la visite du Vinipôle. Mathieu Oudot, Florent Bidaut et Guillaume Paire se munissaient alors de lampes noires avec différentes longueurs d’onde permettant d’observer la fluorescence dans les rangs de vignes jouxtantes.

Les résultats entre les cinq turbines "testés"

Cinq pulvés ont été comparés mais attention, en conditions réelles d’utilisation par leurs propriétaires, sans réglages préalables (pressions/orientations…), qui ne reflètent donc pas la performance des pulvés.
• Turbine Solo : fonctionnement en jet porté dans le rang, configuration "originale" avec des diffuseurs au milieu de la végétation.
• Pulvé "Hybride" : 3 descentes face/face en jet porté derrière l’enjambeur, et canon (également en jet porté) sur les côtés. Pour le viticulteur, objectif de faciliter les manœuvres et la maniabilité par rapport à 5 descentes (montage de buse anti-dérive d’un côté).
• Descentes face/face en jet porté classique (Ideal).
• Descentes face/face pneumatique (Bobard Polyjet).
• Descentes face/face en jet porté (Berthoud) + 2 mains aux extrémités (objectif traiter 8 rangs avec 7 descentes + deux moitiés de rang sur les côtés, pour la encore optimiser l’encombrement)
Les pulvérisateurs ont été utilisés en conditions réelles d’utilisation par leurs propriétaires, sans réglages préalables (pressions/orientations…). Les constats qui peuvent donc être faits témoignent autant des pratiques des utilisateurs que des performances intrinsèques des appareils.
En guise de conclusion toutefois, dans l’ensemble, les pulvés présentés ont montré une bonne qualité de pulvérisation, mais quelques nuances ont pu être observées selon les configurations et technologies :
• Turbine Solo : bonne couverture globale, la face inférieure et le cœur du pied sont plutôt bien couverts. Répartition hétérogène de la pulvé, avec presque un sur-dosage au niveau des diffuseurs, et des impacts bien moins nombreux sur le haut du feuillage. Bonne pulvérisation en utilisation tous les 4 rangs (avec recroisements), ne pas chercher à "écarter plus".
• Bonne couverture dessus/dessous/grappes pour les descentes (conforme à ce qu’on pouvait en attendre). Les canons sur les côtés permettent également une bonne couverture, dans la mesure où il y a recroisement (une face touchée à l’aller, l’autre face touchée au retour). L’inconvénient reste la dérive plus importante avec une pression et une vitesse d’air fortes et surtout une distance buse/végétation plus importante. Les buses anti-dérives ont permis des impacts plus "gros", donc des gouttes plus grosses qui potentiellement limitent la dérive, mais celle-ci n’a pas été mesurée par ailleurs.
• Descentes Ideal : bonne couverture, homogène de bas en haut, face supérieure et face inférieur.
• Descente pneumatique : couverture limite, pénétration dans le pied insuffisante. Le passage a été fait à 6 km, qui s’avère être une vitesse de travail trop importante. Ce type de matériel donne habituellement de bons résultats pour des vitesses adaptées (5 à 5.5 km/h).
• Descente Jet porté Berthoud + mains aux extérieurs : très bonne couverture des feuilles et grappes avec les descentes. En revanche, les mains sur les côtés s’avèrent insuffisantes : couverture hétérogène (peu de produits en bas de la végétation et zone des grappes). Cette observation montre la "complexité" de ces diffuseurs qui donnent habituellement de meilleurs résultats, à condition de bien régler l’orientation, la hauteur, le centrage…