Beaujolais nouveaux
La tension monte

Alors que les commandes des beaujolais et beaujolais villages nouveaux sont annoncées en baisse en raison de la crise sanitaire, la campagne de mise en marché a débuté dans un contexte de bras de fer entre la viticulture et le négoce. La cause : des premières offres jugées « indécentes » par l’ODG.

La tension monte

C’était en 2015, déjà un 25 septembre. Sur la place des Arts, devant la sous-préfecture de Villefranche-sur-Saône, plus de 500 viticulteurs exprimaient leur colère et réclamaient un prix à la hauteur pour leurs beaujolais et beaujolais villages nouveaux sur le marché vrac. Banderoles en main, les viticulteurs avaient manifesté dans la rue Nationale pour donner plus de poids à une action qui en entraînera d’autres les jours suivants.
Cinq ans plus tard, l’histoire se répète, ou presque. Alors que les vendanges se sont déroulées sans accrocs majeurs dans le Beaujolais, malgré le risque sanitaire qui pesait sur le déroulement de la récolte, la filière aborde cette fois sa deuxième période d’inquiétude, la campagne des primeurs. Et à la veille de la mise en marché des beaujolais et beaujolais villages nouveaux, elle débute sur fond de tension entre la viticulture et la famille négoce.
Vendredi 25 septembre donc, dès le début de matinée dans un bureau d’Inter Beaujolais, les membres du bureau de l’ODG beaujolais – beaujolais villages (BBV) se sont réunis pour préparer un communiqué, envoyé l’après-midi même à leurs opérateurs et dans lequel ils ont annoncé une demande de blocage du serveur des enregistrements, géré par un prestataire de service, et ce jusqu’à nouvel ordre. « La conséquence de cette décision est l’impossibilité par Siqocert de donner l’agrément à un vin vendu et donc de le retirer dans les caves par l’acheteur », ont complété les responsables de l’ODG BBV dans ce communiqué. C’est la veille, lors d’un conseil d’administration extraordinaire convoqué en quelques heures seulement, qu’ils avaient très majoritairement (1 abstention) décidé de passer à l’action.

« Les vignerons ont déjà beaucoup perdu »

En agissant ainsi, les principaux élus de l’ODG BBV ont mis la pression sur la famille négoce à qui ils reprochent des premières offres à 170 - 180 €/hl et qui « ne vont pas dans le sens du maintien de la valorisation des vins pour les producteurs. Ces prix proposés ne permettent aucunement de couvrir les frais de culture. […] Les vignerons du Beaujolais ont déjà beaucoup perdu, ils ont aussi suffisamment souffert économiquement, physiquement et psychologiquement ces 20 dernières années. Ils souhaitent simplement dégager un revenu de leur travail, il en va de l’avenir du vignoble ». Ils mettent aussi en avant « les nombreux efforts pour présenter des vins de grandes qualités ».
Après cette demande de blocage, l’Union des Maisons de vins de Grande Bourgogne (UMVGB) n’a pas tardé à faire savoir sa position. « On ne peut bloquer comme ça le système d’enregistrement et ensuite réclamer une rencontre. Tant que les locaux seront occupés, on ne discutera pas sur le sujet. Notre position est claire et sans appel », nous confiait vendredi après-midi par téléphone son premier représentant Bruno Mallet qui, dans la matinée, avait déjà pris le soin de prévenir les élus de l’ODG. En réponse, ces derniers ont demandé à la famille négoce l’organisation d’une rencontre, unique condition pour débloquer ce fameux serveur des enregistrements.

Mardi, réouverture du serveur

Passé le week-end, l’ODG a de nouveau convoqué un conseil d’administration extraordinaire ce lundi 8 septembre. Principale décision : le prolongement du blocage du serveur jusqu’à nouvel ordre. Prolongation de très courte durée puisque ce mardi, à l’issue d’un nouveau conseil d’administration de l’ODG, son président David Ratignier a annoncé la réouverture du service d’enregistrement sur le site d’Inter Beaujolais, et ce pour le jour même. « Nous avons tous discuté entre élus et avons redéfini nos coûts de production nécessaires à minima pour des indicateurs de marché. Ils s’élèvent entre 190 et 210 €/hl, selon la qualité des vins et les valorisations environnementales. Ce n’est pas possible pour nous de travailler à des niveaux inférieurs », a-t-il expliqué après ce conseil d’administration, confiant également « qu’il a pris ses responsabilités pour sortir de cette situation de blocage longue et compliquée à gérer. Oui, des personnes ont exprimé leur frustration. En tout cas, nous allons suivre de très près les premiers enregistrements et tireront un premier bilan ce vendredi matin. S’ils ne sont pas dans les clous, on va redemander une mobilisation sur des actions différentes pour faire valoir le respect de la valorisation de nos vins ».
Alors que la FDSEA et Jeunes agriculteurs du Rhône, via un communiqué de presse, ont rapidement soutenu la démarche initiale de l’ODG BBV – « à l’heure de la transition écologique, il n’est plus possible que les modifications coûteuses effectuées dans le vignoble pour arriver sur des labels type HVE par exemple ne soient pas prises en compte dans les coûts de production » - David Ratignier et Jean-Pierre Rivière, son vice-président, ont aussi salué les liens qui se sont recréés dans le vignoble entre les indépendants et la coopération durant cette période de tension avec le négoce. À suivre…
David Duvernay