Vinipôle Sud Bourgogne à Davayé
Changement climatique en Bourgogne : les viticulteurs s’intéressent à leurs besoins en eau en cuverie et en cave

Cédric Michelin
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La qualité du raisin et le rendement qui en découle dépendent étroitement des conditions climatiques, actuellement perçues comme fortement perturbées. La dernière décennie a en effet été marquée par une succession d’épisodes de sécheresse significatifs pour l’ensemble de la population. Ils ont parfois engendré des restrictions d’utilisation de l’eau, créant une certaine contrainte hydrique impactant l’ensemble des productions agricoles de Bourgogne, et notamment viticoles. Retours sur le projet Reach : Réduction des consommations d’EAu dans les CHais.

Changement climatique en Bourgogne : les viticulteurs s’intéressent à leurs besoins en eau en cuverie et en cave

Conséquence directe du changement climatique à l’œuvre, la répartition variable intra-annuelle et interannuelle des précipitations occasionne des pertes de rendement non négligeables, pour la production viticole en particulier. La filière est alors en devoir de préserver l’eau, ressource essentielle et indispensable pour toute activité viti-vinicole, pour diminuer la pression sur le milieu. C’est dans cette démarche que la Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire et le Conseil Départemental ont initié le projet REACH en 2021, avec trois à quatre domaines participant chaque année dans le Sud de la Saône-et-Loire. Ce projet part du constat simple qu’il n’existe que peu de références concrètes des consommations d’eau en cave pour les exploitations viticoles, alors que la connaissance de leur nature est le premier pas pour réduire les besoins en eau, ou les optimiser.

L’objectif est donc d’identifier les principaux postes de consommation en eau dans les chais et ainsi de préconiser des solutions d’atténuation de ces utilisations. (Schéma sur l'historique du projet en illustration)

La viticulture Bourguignonne produit chaque année des vins de qualité de renommée mondiale et cette qualité requiert incontestablement une rigueur dans le protocole d’hygiène à la hauteur des attentes du consommateur. On observe sur le terrain des chais équipés de cuves et récipients vinaires, de matériels de vendanges et de vinifications récents et en quantité suffisante pour pouvoir absorber le coup de feu de la période des vendanges. Cet équipement nécessite logiquement un suivi et une rigueur dans l’hygiène, à l’origine de besoins en eau accrus.

Quels sont alors les principaux postes de consommations d’eau, sur une exploitation type et représentative du schéma viticole Bourguignon ?

Quelles solutions et préconisations mettre en œuvre sans compromettre la qualité du produit fini ni occasionner un investissement ou un temps de travail trop élevé pour le vigneron ?

Même si l’année 2024 permet de réguler, dans une certaine mesure, le déficit considérable en eau sur les précédents millésimes, le dérèglement climatique et l’augmentation globale des températures moyennes devraient, à l’avenir, accentuer le stress hydrique. Économiser et préserver cette ressource est également une question de responsabilité sociétale et d’image qui s’est intégrée, durant les quatre années précédentes de relevés de données, dans une démarche de développement durable.

Des compteurs pour comprendre

Sur les quatre campagnes de mesures déjà réalisées et soutenues par le Conseil Départemental de Saône-et-Loire, ce sont les périodes de pré-vendanges, de vendanges et de vinifications qui ont été ciblées pour évaluer les quantités d’eau utilisées dans les chais. 

Chaque sortie d’eau des chais des exploitations collaboratrices a donc été équipée de compteurs divisionnaires assurant une mesure précise, avant le démarrage des nettoyages pré-vendanges.

Une feuille de relevés a donc été remplie jour par jour par les exploitations pendant près de deux mois.

 

 

L’objectif de ces observations était de constituer une base de données de référence pour analyser les quantités d’eau dépensées selon le volume produit, puis de déterminer pour les domaines leur consommation globale et leurs besoins aux différents postes selon les opérations effectuées.

Le matériel adopté à chaque poste a également été pris en compte, ainsi que les produits employés.

Suite à ces prises de mesures physiques et personnalisées, un diagnostic poste par poste a pu être réalisé par exploitation afin de réfléchir ensemble à des premières préconisations et solutions alternatives pour les années suivantes. La répétition des mesures sur des millésimes très différents a permis une connaissance plus affinée des besoins en eau des exploitations du Mâconnais.

Quelles solutions ?

L’IFV et les Chambres d’Agriculture de Bourgogne et du Languedoc-Roussillon ont fait des premières analyses des consommations d’eau dans les chais il y a quelques années.

Le ratio annuel moyen pour les activités vinicoles - hors embouteillage - est de l’ordre de 2 litres d’eau par litre de vin produit. Néanmoins, il existe d’importants écarts au niveau de cette consommation d’eau entre les diverses exploitations enquêtées par la suite par d’autres organismes : de 0,5 litres d’eau par litre de vin produit pour la plus économe à plus de 5 litres. La production viticole est aussi marquée par une forte saisonnalité des besoins en eau, le pic de consommation s’effectuant logiquement au moment des vendanges :

Pour préciser la nature des usages de l’eau en cave, 70 à 90% de l’eau utilisée concerne les opérations liées à l’hygiène des équipements et le nettoyage des locaux. A l’intérieur de ce chiffre, le prélavage à l’eau et le rinçage, à des débits élevés, sont les plus importants (: eau perdue et fréquence élevée).

La pousse à l’eau, utilisée pour la récupération des vins et comme prélavage, peut constituer 30% des volumes consommés.

Le rinçage après l’application de produits de nettoyage/désinfection peut également être important. Enfin, la stérilisation à l’eau chaude (+85°C) est très consommatrice d’eau.

L’eau peut directement être intégrée aux opérations vinicoles, en dehors du simple aspect de l’hygiène :

- Utilisation de l’eau pour les opérations d’encollage à l’eau pour certains filtres (rotatifs sous

vide, à plateaux), pour rétablir en cours de filtration les performances de l’appareil ;

- Eau de chasse de certaines centrifugeuses ;

- Eau de process pour refroidir les cuves (ruissellement si autorisé, tours aéroréfrigérantes).

 

Sur les domaines suivis dans le Mâconnais, le ratio est d’environ 0,7 litres d’eau par litre de vin produit. Globalement, les consommations journalières se situent autour de 0,5 à 5 m3 d’eau. 

Ces chiffres ont été affinés compteur par compteur et un plan de répartition spatiale des consommations a été réalisé pour chaque domaine afin de cibler et prioriser les zones à enjeux.
Les principaux points de consommations d’eau se situent à proximité des cuves et dans les zones de passage et de positionnement du matériel de vendanges – vinifications. Globalement, les trois postes à enjeux correspondent aux opérations de nettoyage du matériel ; de nettoyage des cuves ; de lavage des sols.

Il est donc important d’utiliser au maximum les outils (jet simple, nettoyeur haute pression, surpresseur, centrale de nettoyage vapeur) et les produits de nettoyage spécifiques à chaque opération pour être efficient. Il est également possible de sectoriser et de spécialiser au maximum les points d’eau à disposition.

Concernant les sols, il est possible d’utiliser les eaux de rinçage des autres opérations de nettoyage et de privilégier un pré-nettoyage à sec à la raclette en journée. L’éventuelle utilisation d’eau chaude sur le dernier rinçage de la journée est un plus pour nettoyer plus rapidement et efficacement.

Le conseil de l’installation d’une cuve de récupération d’eau de pluie est le plus gros enjeu suite à cette étude, celle-ci pouvant permettre l’économie de presque la moitié des consommations sur cette période (notamment dans le cas du lavage du matériel).

De manière générale, il est primordial de sensibiliser l’ensemble de son personnel ; d’adapter la conception de son chai ; de limiter les pertes au maximum et d’optimiser les protocoles de nettoyage.

Pour la suite, l’objectif est de faire évoluer le projet en automatisant les mesures à l’aide de capteurs connectés reliés à un tableau de bord et en intégrant la notion de consommation énergétique de manière plus globale.

Affaire à suivre…

Contact : Marie SPETEBROOT – marie.spetebroot@sl.chambagri.fr ou 07.84.56.03.85