Bussières
David Bienfait, un hors-cadre dans le décor

David Bessenay
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Passionné par la vigne dès son plus jeune âge, David Bienfait a construit un domaine ex nihilo à taille humaine où le respect de l’environnement a pris très vite une place prépondérante.

David Bienfait, un hors-cadre dans le décor
Le domaine de David Bienfait, 39 ans, s’approche de sa vitesse de croisière.

C’est au-dessus du petit étang, en léger surplomb du village de Bussières que David Bienfait a construit son nid, progressivement mais avec une détermination sans faille.

Fils de carrossier et d’une agente de France-Travail, David s’est installé comme « hors cadre familial » comme on dit dans le jargon administratif, « mais je suis originaire de Prissé et mes voisins étaient vignerons » précise-t-il pour justifier sa passion.

Après des études au lycée de Davayé et une escapade en Nouvelle-Zélande, David a fait ses premiers pas de vigneron en 2010, d’abord sur des petites surfaces en double actif (en étant salarié sur l’exploitation du lycée de Davayé en parallèle) puis à plein temps à partir du millésime 2016.

Le domaine, constitué progressivement, s’élève aujourd’hui à 6 ha 40. Il cultive en fermage, en métayage et en propriété du mâcon-villages (dont mâcon-bussières), du saint-véran, du pouilly-fussé dont une partie en 1ers crus. L’exploitation produit donc exclusivement du chardonnay, en partie commercialisée en bouteilles (30.000 à 35.000 bouteilles/an), à des prix situés entre 11 et 25 euros l’unité.

Dans un premier temps, le jeune homme a loué un bâtiment de vinification à Vergisson avant de construire son propre site à Bussières en 2015, et de l’agrandir en 2021, notamment d’un espace de stockage et d’un accueil/dégustation.

2024, label et la sueur

Comme l’ensemble de ses collègues, David sort d’un millésime extrêmement épuisant à la vigne, qui coïncide avec la validation de sa certification AB. « J’ai dû passer 15 fois pour traiter… et puis les labours, les tontes… Au final, je n’ai perdu que 15 % de volumes, principalement à cause du mildiou dans les en bas. J’avais commencé ma conversion en 2021 qui n’était déjà pas une année facile. Et là, 2024… Le rendement est moindre alors que les coûts de production sont plus élevés. Alors forcément, ça amène à se poser des questions ».

Mais pas de quoi pour autant remettre en cause son label fraîchement acquis qui était comme une suite logique à son travail. « Je n’utilise plus de désherbants depuis 2016 et sur la vigne, je n’utilisais qu’un ou deux systémiques, voir aucun si la météo du millésime le permettait. La bascule vers la bio n’a donc pas été un si grand pas ».

Cette préoccupation pour l’environnement est très ancienne pour David. « En année "normale", je fais 8 à 10 traitements. Je suis très attentif aux préconisations de la chambre d’Agriculture qui nous informe quand la pression est réellement là et nous évite de traiter quand ce n’est pas nécessaire ».

Un travail du sol exigeant

L’hiver, il maintient un couvert végétal intégral, et engage son travail du sol au printemps. « Je n’aime pas voir des sols nus, j’aime qu’il y ait de la vie dans mes vignes. Dans les terrains qui ont plus de fonds, j’enherbe un rang sur deux. Ailleurs je travaille le sol partout. Je désherbe mécaniquement sous le cep ».

Et de délivrer ses conseils. « Il ne faut pas rater le démarrage, si on part sale, c’est le bazar toute la saison ! Et il faut être vigilant, ne pas laisser top de concurrence surtout sur les sols caillouteux ».

L’ensemble du travail du sol, 3 à 4 passages quand tout va bien, un peu plus les années difficiles, se fait sur un enjambeur. « Ça prend du temps, mais avec une bonne organisation, ça se fait ».

Gras et finesse

La récolte, où le vigneron vise une maturité optimum, se fait moitié manuellement et moitié mécaniquement. Les fermentations alcooliques se déroulent en fûts (de plusieurs vins) ou en cuves thermorégulées (16 et 18°C) afin de préserver la finesse aromatique. Durant l’élevage, les fûts sont régulièrement bâtonnés en fonction du millésime afin d’apporter richesse et gras au vin. Un assemblage des vins en cuve et en fûts est réalisé avant une légère filtration et la mise en bouteille.

À l’avenir, pas de grande révolution à prévoir sur cette exploitation à taille humaine où David n’emploie que des saisonniers pour les travaux en vert pendant 6 à 8 semaines, le tirage des bois et les vendanges.

Le principal défi à relever dans le futur ? « Développer ma vente directe ! » Pour l’instant, elle se concentre en France chez les cavistes et quelques restaurants et à l’export dans les pays du Benelux, en Grande-Bretagne, en Australie et au Japon.

Réduction des consommations d'eau dans les chais : David, le bon élève
David Bienfait est chargé de relever ses 4 compteurs quotidiennement pour avoir une idée précise des opérations consommatrices d’eau.

Réduction des consommations d'eau dans les chais : David, le bon élève

Sollicité par la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire en 2023 et le Vinipôle Sud Bourgogne, David n’a pas hésité à accepter de participer à l’expérimentation REACH (lire par ailleurs) dans sa cuverie. « Ils sont venus installer les compteurs à mes quatre sorties d’eau et nous sommes chargés de les relever quotidiennement pendant la période de vendanges et de vinification. Bien sûr, c’est une période où l’on consomme beaucoup pour nettoyer le matériel. L’hygiène dans un cuvage, on sait que c’est essentiel, surtout quand on ne veut pas utiliser trop d’intrants chimiques ». Chercher à économiser de l’eau tout en restant irréprochable d’un point de vue hygiénique, voilà donc le défi à relever. Contrairement à certains domaines, David ne dispose pas de puits sur son exploitation. Alors tout au long de l’année, pour les traitements, il utilise l’eau d’un puits collectif à Bussières, d’un autre à Vergisson et parfois de l’eau de son réseau. À la cuverie, où le vigneron dispose d’une batterie de 12 cuves (2 en inox, 3 en polyester et 10 en acier émaillé), toute l’eau utilisée, pour l’instant, provient de son réseau.

Du matériel de nettoyage adapté

À l’usage, d’après les résultats du millésime 2023 (le bilan n’étant pas encore fait pour 2024), il s’avère que David Bienfait est plutôt un bon élève en la matière. Sa consommation d’eau au chai (uniquement durant cette période) s’est élevée à 23,635 m3 pour une production de 370 hl soit un ratio de 0,64 litre d’eau utilisé par litre de vin produit. Précision, le lavage de la machine à vendanger (en prestation) est effectué en dehors de l’exploitation et n’est donc pas pris en compte.

« Honnêtement, je n’avais aucune idée de ma consommation, reconnaît David. 50 hl de ma production sont vendus en moût à un négociant, donc sur ces volumes-là, je consomme moins d’eau, précise-t-il modestement pour justifier ses bons résultats. Et puis je récolte en bac et non en caissettes, donc j’utilise certainement moins d’eau au final pour le nettoyage ». À noter aussi que la régulation thermique des cuves se fait en circuit fermé (avec du glycol). Au total, on dénombre six opérations consommatrices : lavage de cuves (5 opérations), détartrage des cuves (3), lavage extérieur des fûts (2), lavage intérieur des fûts (2), lavage du matériel (18) et lavage des sols (3). Le lavage du matériel est sans surprise l’opération la plus fréquente et la plus consommatrice (14 m3). Vient ensuite le lavage des cuves parfois compliquées à détacher. Les consommations journalières oscillent entre 0,5 et 2,5 m3 par jour.

Si les résultats sont satisfaisants c’est sûrement parce que l’usage de procédés visant à réduire la consommation est déjà bien employé ici constate la chambre d’agriculture dans son bilan. « J’avais déjà des pistolets à tous les postes, ça permet d’économiser de l’eau », relève le vigneron. Au-delà de ça, il possède en Cuma plusieurs matériels spécifiques et adaptés qui lui permettent de travailler avec efficacité : un lave-fûts, un laveur haute pression, un détartreur à vapeur pour les cuves (« ensuite, on rince à l’eau froide et le choc thermique fait tomber le tartre »). Cette étude permet de mettre des chiffres précis sur des pratiques. Ainsi, on apprend que le vigneron utilise 117 litres pour le nettoyage d’un fût (95 l à l’intérieur et 22 à l’extérieur), sachant qu’il en possède une cinquantaine. Concernant les matériels, la centrale vapeur (395,7 l/jour) est plus économe qu’un jet simple (984 l/j) ou qu’un surpresseur (1241,7 l/j).

Récupérer l’eau des toits

David Bienfait devrait encore améliorer ces chiffres à l’avenir : il vient d’installer quatre cuves enterrées, de 5.000 litres chacune, pour collecter l’eau des toits de sa maison et de son garage. « Contrairement aux fûts et aux cuves, il n’est pas nécessaire d’utiliser de l’eau potable pour nettoyer les sols (en béton lisse) », prévoit-il. Dans ses recommandations, la chambre d’Agriculture suggère qu’il utilise aussi l’eau de pluie pour laver le matériel de vendanges.

 

 

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