Voyage d’études à Bruxelles – FDSEA 71
« Rien ne sert d’avoir raison tout seul ! »

Cédric Michelin
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À l’invitation de Jérémy Decerle, éleveur originaire de Chevagny-sur-Guye dans le Charolais et député européen depuis 2019, une délégation de 27 administrateurs et collaborateurs FDSEA s’est rendu au Parlement de Bruxelles les 16 et 17 novembre. Retour sur ces rencontres fondatrices qui pointent toutes vers un risque de polarisation extrême actuellement. Plus que jamais, le besoin de transversalité sur de nombreux dossiers sont le leitmotiv d'un futur commun.

« Rien ne sert d’avoir raison tout seul ! »
Jérémy Decerle (à droite) et Arnaud Danjean (au centre) – eurodéputés originaires de Saône-et-Loire

Il a annoncé qu’il ne repartira pas pour un quatrième mandat le cœur lourd. Pourtant, plus que jamais, Arnaud Danjean témoigne de la nécessité d’avoir une Europe forte et unie. Car l’eurodéputé de Saône-et-Loire sait que l’heure est grave. Il a d’ailleurs livré un constat pessimiste : « Nous sommes dans un monde qui se polarise, il y a des crispations des États sur la scène internationale ». Alors que les élections européennes approchent, il critique ouvertement le jeu délétère des partis à l’échelle de chaque nation : « je trouve que les groupes politiques ont tendance à reproduire ce modèle de polarisation ; même dans cette maison (NB : le Parlement) qui est basée sur la culture du consensus […] ». Et de conclure pour la paix, y compris économique : « Rien ne sert d’avoir raison tout seul ».

Pessimiste sur le contexte géopolitique qui va crescendo dans la mondialisation des conflits (guerre en Ukraine, conflit israélo-palestinien, tension au Proche-Orient), mais lucide, l’eurodéputé de Sornay voit tout de même des conséquences positives pour les institutions européennes dont le marché commun a fait sa force et dont le contexte géopolitique amène dorénavant à réfléchir à d’autres stratégies politiques et de défense. De quoi ramener de la justesse dans certaines politiques trop en avance sur leur temps (Green deal).

Prendre en compte la transversalité des sujets

Député européen roumain ayant fait ses études agricoles en France, Dacian Ciolos - ancien commissaire à l’agriculture et ancien Premier Ministre de Roumanie -, a justement rappelé la nécessaire vigilance de tous sur la nouvelle donne politique de plus en plus influencée par les effets de mode sociétaux. Mais pour cela, « il faut être capable d’avoir un discours horizontal-transversal : alimentation, santé, environnement, occupation des territoires, [..] sinon on n’arrivera plus à se comprendre ». Car il sait que la mère des batailles sera de convaincre nos sociétés, « du rôle des agriculteurs dans l’alimentation ». Une majorité d’urbains ne faisant plus le lien…

Environnement et agriculture liés par la transition en cours

Transversalité. Ce mot est également utilisé par Pascal Canfin – député et président de la commission environnement au parlement - pour qui la transition environnementale des agriculteurs doit être accompagnée. « Aujourd’hui, il manque des outils financiers pour accompagner la transition. Faire une transition, changer ses pratiques, c’est prendre des risques. Cette prise de risque doit être accompagnée financièrement ».

Les limites des « clauses miroir » : exemple du bien-être animal

Thomas Sanchez du Copa-Cogeca (Comité des Organisations Professionnelles Agricoles de l’Union Européenne et Confédération Générale des Coopératives Agricoles) a évoqué au travers de l’exemple du bien-être animal (BEA) les difficultés de prendre des mesures cohérentes sur tous les axes : durabilité, développement économique, Pac. Mais aussi les difficultés de mise en place des “clauses miroir” sur cette problématique du BEA : « vérifier le bien-être animal dans les pays-tiers, c’est impossible et on ne peut pas le contrôler à la frontière ». « Peut-on être pour ou contre le bien-être animal ? Bien sûr que non » mais toute la difficulté, c’est qu’« avant de durcir la règle, on reconnaisse ce qui a déjà été fait sur le bien-être animal. Qu’on essaie d’harmoniser l’application de la règle au niveau de l’Union Européenne et après, on s’assure que des moyens financiers seront disponibles pour accompagner d’éventuelles nouvelles mesures ».

Ces interventions successives ont été l’occasion d’avoir des échanges nourris sur les sujets d’actualité européens et de remonter les problématiques des agriculteurs tels que la revue du statut du loup ; la directive IED en cours risquant de durcir les dossiers d’installation classée pour les élevages, et notamment les élevages bovins qui seraient soumis aux mêmes contraintes que les industries à compter de 150 bovins ; les accords commerciaux en cours de négociation où l’agriculture ne doit pas être la variable d’ajustement ou encore le non-retrait de produits phytosanitaires sans solution.

Un triangle institutionnel à comprendre
Résumé du triangle institutionnel européen

Un triangle institutionnel à comprendre

Cette rencontre a permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’Europe avec notamment son triangle institutionnel : 

- la Commission européenne : organe exécutif de l’Union Européenne, sorte de « gouvernement européen », cette commission est dirigée par un groupe de 27 commissaires et présidée par l’allemande Ursula Von der Leyen ;

- le Conseil répartit selon deux institutions : le Conseil européen d’une part réunissant les 27 chefs d’État, chargé de définir les grandes orientations politiques et le budget pluriannuel (7 ans) de l’Union et le Conseil de l’Union Européenne d’autre part - réunissant 27 ministres - qui négocie et adopte les textes législatifs en lien avec le Parlement, conclut des accords nationaux et adopte le budget annuel en lien avec le Parlement également.

- le Parlement européen composé de 705 eurodéputés élus au suffrage universel représentant les intérêts des citoyens européens à la proportionnelle. Il adopte les textes législatifs et le budget. Les eurodéputés s’associent par groupe politique (ex : Renew = Renaissance/ centre ; PPE = droite ; S&D = partis socialiste et démocrate). Ils travaillent au sein de 20 commissions permanentes dont l’environnement (Comenvi) ou l’agriculture (Comagri). Ces commissions sont chargées de préparer les travaux des plénières (qui se réunissent à Bruxelles ou Strasbourg) et les amendements des propositions de la Commission.

Christian Bajard - Président de la FDSEA 71

Christian Bajard - Président de la FDSEA 71

« Dans nos bocages, ce sera très difficile de co-exister avec le loup. Cette situation est très difficile à vivre pour les éleveurs et leur famille et cela n’encourage pas le renouvellement des installations. Nos systèmes à l’herbe avec un parcellaire morcelé ne permettent pas de protéger efficacement les troupes des attaques. Il faut que l’on puisse réguler le loup ! »

Guillaume Gauthier - Président de la Section Bovine 71

« La directive IED en cours de discussion ne doit pas s’appliquer aux élevages bovins ! Ce serait encore une contrainte et des charges en plus pour nos élevages et cette directive n’a pas de sens par rapport à nos structures. Ça serait condamner nos élevages à taille humaine ! ».