Congrès national de la Coopération agricole
Sortir des entraves

Berty Robert
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Le congrès national de la Coopération agricole, tenu à Dijon les 13 et 14 décembre, fut le moment d'un rappel de quelques fondamentaux, dans un contexte où l'agriculture se demandent parfois si elle est la solution au problème, ou le problème lui-même...

 Sortir des entraves
Marc Fesneau, en compagnie de Dominique Chargé, président de la Coopération agricole (debout) lors d'une rencontre organisé à Dijon, en marge du congrès, avec des jeunes, adhérents de coopératives agricoles de toute la France.

Pour son premier congrès national en province, ce n’est pas par hasard si la Coopération agricole avait choisi Dijon et la Bourgogne-Franche-Comté : c’est ici que sont apparues les premières formes coopératives en agriculture, avec les fruitières. Dominique Chargé, président de la Coopération agricole, le rappelait, en ouverture de l’évènement, qui s’est tenu les 13 et 14 décembre. Il précisait aussi pourquoi le congrès n’était ouvert qu’aux adhérents : « Nous avons fait ce choix parce que nous voulions travailler ensemble sur des sujets qui concernent notre avenir et celui des nouvelles générations […] Nous voulions un temps de réflexion prospective et collective pour mettre en commun nos convictions et nos visions, et être force de propositions pour une France alimentaire, compétitive, durable, attractive et ambitieuse ».

Des attentes exprimées

Une démarche lancée en parallèle des concertations annoncées en décembre 2022 pour l’élaboration du Pacte et de la Loi d’Orientation et d’Avenir agricoles (PLOA). Dominique Chargé a profité de la présence du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, pour rappeler les attentes de la Coopération agricole sur ce PLOA : « nous voulons qu’il soit une boussole et une longue-vue, qu’il nous donne les moyens de naviguer avec sérénité, de faire face aux tempêtes, et de mener le paquebot de la ferme France dans la bonne direction et à bon port. Transitions, compétitivité, souveraineté : sur ces sujets cruciaux, nos coopératives sont vos alliées naturelles ». Au-delà de ce volontarisme affiché, le président ne s’est pas privé de pointer les entraves que les entreprises du secteur rencontrent aujourd’hui :

- la difficulté pour accompagner leurs agriculteurs adhérents face au défi du changement climatique. Dans ce cadre, Dominique Chargé demandait au ministre de revenir sur « cette « vraie fausse bonne idée » de la séparation de la vente et du conseil […] C’est un véritable handicap pour nos agriculteurs qui sont aujourd’hui orphelins d’un conseil en bonne et due forme, pour notre sécurité juridique, pour l’ambition de transformation de nos modèles de production, et pour garantir notre souveraineté alimentaire, alors même que nous avons plus de 10.000 conseillers dans nos coops sur le terrain prêts à s’engager ». Dans le prolongement de ce propos, Dominique Chargé rappelait à Marc Fesneau la volonté de la profession que deux de ses attentes figurent clairement dans le PLOA : inscrire dans le marbre la souveraineté alimentaire comme un principe fondamental, et poser le cadre de l’accompagnement des transitions et le rôle déterminant du conseil délivré par les coopératives auprès des agriculteurs.

- la seconde entrave pointée concernait les tergiversations administratives et gouvernementales sur le sujet de l’eau. Le président de la Coopération agricole appelait à remettre de la raison et à donner les moyens pour irriguer les champs et réutiliser l’eau dans les usines : « nos coopératives sont prêtes à s’engager dans les process de réutilisation des eaux usées et attendent la parution du décret qui les autorise à le faire ».

- troisième entrave : celle faite à la production. Dominique Chargé rappelait que, chaque jour, 27 exploitations agricoles disparaissent en France, faute de repreneurs. « De nombreuses coopératives, soulignait-il, ont mis en place des dispositifs d’accompagnement et de conseil des jeunes agriculteurs, pour les sécuriser sur les plans techniques, économiques, financiers. Ces derniers temps […] de nombreux jeunes ont rejoint les bancs de l’enseignement technique agricole, c’est la preuve qu’il y a dans nos métiers, une envie et du sens qui les attirent. Soyons donc vigilants à ne pas les décourager… ». Le président insistait sur la nécessité de ne pas faire peser uniquement sur l’alimentation, les effets de l’inflation, générant un surcroît de consommation de viandes importées. Comme le gouvernement affiche sa volonté de réviser le cadre des relations commerciales, Dominique Chargé appelait à une révision « à la condition qu’elle soit plus protectrice de la valeur de la production de nos entreprises, qui sont le lien avec les filières agricoles et alimentaires de nos territoires et participent à leur dynamisme et à leur équilibre économique ».

« Autorité stratégique »

Dominique Chargé appelait à une compétitivité retrouvée, condition, selon lui, de la reconquête de la souveraineté alimentaire : « Garantir la souveraineté alimentaire, c’est être en autorité stratégique sur ses chaînes d’approvisionnement dans un monde ouvert et régulé. Ça n’est pas l’autarcie, ou la fermeture des frontières. Bien au contraire, il s’agit également de reconquérir nos parts de marché dans la production mondiale ». En conclusion, le président de la Coopération agricole a formulé, à Dijon, le vœu d’une plus grande cohérence gouvernementale sur les questions agricoles : « il nous semble que chaque ministère joue son propre match, regarde la balle en l’air, sans la saisir et surtout sans qu’aucun arbitre ne siffle la fin de la partie. Ça n’est plus tenable. Aujourd’hui, en fonction de nos interlocuteurs dans les ministères, nous ne savons plus si nous sommes le problème ou la solution, c’est le cas pour le carbone. Alors que nous avons la conviction de pouvoir être les acteurs des transitions dans le cadre d’une planification écologique, agricole et industrielle au service de la souveraineté alimentaire ».

« La souveraineté, d'abord une mise en cohérence des politiques »

Marc Fesneau l'a redit en quittant le congrès de Dijon : « j'ai porté le message de la souveraineté alimentaire, mais cette dernière ne se construit pas en quelques jours. Nous devons nous appuyer sur l'outil de la planification. J'ai parfaitement entendu l'appel de Dominique Chargé sur le fait que la souveraineté est d'abord une mise en cohérence des politiques. Par la planification, on a besoin de montrer qu'on peut produire de la biomasse, réduire les produits phyto, gérer les besoins en eau... ». Pour Marc Fesneau, « les coopératives sont des acteurs majeurs de la rémunération des agriculteurs et de celle de la transformation, au sein d'une chaîne de valeurs qui doit retrouver son équilibre ».