Future Pac 2023-2030
Future Pac grandes cultures : de nombreux facteurs à prendre en compte

Mathilde Schryve, référente Études et Prospective chez CER France BFC, revient pour nous sur les effets possibles de la future Pac en grandes cultures. Dans nos prochains numéros, nous nous livrerons au même exercice pour l’élevage bovin allaitant et l’élevage laitier.

Future Pac grandes cultures : de nombreux facteurs à prendre en compte
Cette illustration permet de comparer une exploitation de grandes cultures, selon la Pac actuelle et son évolution en fonction de la future Pac (Crédit CER France BFC)

Le 1er janvier 2023 marquera l’entrée en vigueur de la nouvelle Politique agricole commune (Pac). Mais les exploitants agricoles doivent se préparer aux conséquences de son contenu dès à présent. Avec Mathilde Schryve, référente Études et Prospective au sein de CER France Bourgogne-Franche-Comté, nous tentons d’y voir plus clair sur les effets que cette nouvelle Pac devrait avoir sur certaines typologies d’exploitations. Nous nous intéressons aux grandes cultures. Un travail qui s’inscrit aussi dans le cadre du Plan stratégique national (PSN) défini par la France (comme pour chacun des pays membres de l’UE). À partir de cet ensemble d’éléments, CER France BFC a pu faire des simulations.

Entrer ou pas dans les écorégimes

La méthode de travail a consisté à se baser sur les montants perçus aujourd’hui en s’appuyant sur les comptabilités des exploitations mais aussi sur les remontées de Télépac ou d’autres sources. « Nous avons choisi les systèmes des plateaux de l’Yonne, précise Mathilde Schryve, parce qu’on y retrouve une grande partie des exploitants spécialisés de la région et nous avons estimé que c’est sur eux que pourraient peser le plus de contraintes pédoclimatiques, ou en termes de structuration économique et de filières. Ils sont aussi assez éloignés des zones d’élevage (d’où la difficulté de développer des synergies) ». Ce système pourrait être le plus impacté par la nouvelle Pac, puisqu’il est le plus susceptible de ne pas rentrer dans les écorégimes. Il pourrait faire partie des grands perdants. « La partie paiements redistributifs (3.400 euros) ne bougera pas pour eux, souligne l’analyste de CER France BFC. Il y a ensuite le paiement vert (16.500 euros) qui est tributaire du fait de pouvoir ou non s’inscrire dans le dispositif des écorégimes, et il y a l’aide de base aux revenus (26.100 euros). Sur ce point, il y a des évolutions que nous n’avions pas forcément anticipées et qui, je pense, ont été un peu sous-estimées par de nombreux acteurs. Il s’agit de l’effet de l’augmentation de l’enveloppe sur les Droits à paiement de base (DPB) et de l’effet convergence. Cet effet sur l’aide de base au revenu est plutôt positif dans notre région sur tous les systèmes parce que ces derniers sont très proches de la moyenne. Ils ne souffrent donc pas de la convergence, quelques-uns pourront même en profiter. En revanche, ils profitent à plein du fait qu’une partie de l’enveloppe du paiement vert sera rebasculée sur l’enveloppe des DPB. Du coup, nous avons 10 euros/ha qui ne sont plus alloués aux écorégimes, mais aux DPB ». Ce gain de 10 euros concernera toutes les exploitations proches de la moyenne.

Trois cas de figure

Avec la nouvelle Pac, le paiement vert disparaît et on va donc se trouver face à trois situations :
- Ceux qui n’ont pas du tout d’écorégimes (32 % des exploitations correspondantes aux critères de la simulation). Selon CER France BFC, ils vont perdre un tiers des montants du premier pilier. « C’est énorme, parce que sur ces systèmes, précise Mathilde Schryve, les aides publiques peuvent représenter 40 à 90 % de l’Excédent brut d’exploitation (EBE) même si c’est très variable d’une année sur l’autre ».
- Ceux avec des écorégimes standards (22 % des exploitations) : le paiement vert est alors remplacé par un paiement de 60 euros/ha et, au bout du compte, la perte est de l’ordre de 15 euros/ha. Il y aurait donc une légère baisse (-2 % sur le montant total des aides du premier pilier), en partie compensée par la revalorisation des DPB.
- Ceux qui parviendraient à s’inscrire dans l’écorégime supérieur (47 % des exploitations) seraient plutôt gagnants (+9 % sur le montant total des aides du premier pilier). « Il y a toutefois un bémol, souligne Mathilde Schryve : dans notre région on a l’impression qu’une grande partie des céréaliers arriveraient à avoir accès à l’écorégime, y compris au supérieur, mais ce n’est pas le cas dans d’autres régions. Ce qui remonte d’autres régions, c’est que le manque à gagner est tellement important en cas d’absence d’écorégime que beaucoup d’agriculteurs vont se débrouiller pour l’obtenir, quitte à changer leurs systèmes. De ce fait, si beaucoup plus de gens accèdent à l’écorégime, il faudra diviser l’enveloppe entre plus de bénéficiaires et le montant baissera ». Si la diversification des assolements qui devrait découler de cette évolution est, dans l’absolu, une bonne nouvelle, en termes de biodiversité et de répartition du risque économique au sein des exploitations, se pose tout de même la question de la solidité des marchés aptes à absorber les productions qui seraient favorisées par ce système d’écorégime, notamment les protéagineux. « Il y aura un équilibre à trouver au niveau des filières et il faut espérer qu’assez vite, au moins au niveau de l’alimentation animale, quelque chose de vertueux se mette en place pour assurer des débouchés » conclut Mathilde Schryve.

Berty Robert

Accèder aux écorégimes, une difficulté ?

Chez CER France BFC, on s’est demandé comment ceux qui, aujourd’hui, ne sont pas dedans, pourraient avoir accès aux écorégimes. « Un exploitant, explique Mathilde Schryve, qui serait sur un assolement blé-orge-colza traditionnel et qui n’aurait que deux points d’écorégime, pourrait passer sur un écorégime standard, seulement en convertissant quelques hectares de blé en jachère. Cela lui permettrait aussi d’avoir accès à la super-conditionnalité. Dans l’assolement type que nous avions donné, si on convertissait 3 hectares de blé en 3 hectares de jachère, cela permettait de gagner deux points de plus et l’exploitant perdrait 2.000 à 3.000 euros de marge, à mettre en balance avec les 12.800 euros d’écorégime qui seraient ainsi gagnés. Il y a aussi l’option de basculer 10 hectares de blé en orge de printemps, 10 hectares de colza en pois et ainsi on gagne trois points, ce qui permet d’obtenir l’écorégime supérieur. Là encore, on perd de 2.000 à 4.000 euros de marge mais on récupère 17.500 euros d’écorégime. Au final, accéder aux écorégimes n’apparaît pas très compliqué ».