Gaec Tissier frères à Marizy
Un silo à ensilage en "Lego" sur du bitume !

Marc Labille
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À Marizy, les frères Tissier ont construit un silo couloir original pour stocker leur ensilage d’herbe. Les murs sont constitués de blocs de ciment qui s’emboîtent comme des "Lego®" et le sol est en enrobé.

Un silo à ensilage en "Lego" sur du bitume !
Le nouveau silo du Gaec Tissier frères a une capacité de 700 mètres cubes d’ensilage stocké.

À Marizy, Dominique et Florent Tissier sont à la tête d’un troupeau de 165 vaches charolaises produisant des broutards d’automne et des femelles pour partie engraissées à l’herbe, vendues sous Label rouge. Dans cette exploitation qui vise constamment l’autonomie fourragère et une optimisation du pâturage, l’ensilage d’herbe est la base de l’alimentation du cheptel. « Quand le silo est plein au 1er juin, on peut voir venir ! », assure Dominique. Les deux frères fauchent chaque année entre 25 et 30 hectares pour l’ensilage qu’ils stockent dans un silo de 700 mètres cubes de capacité. L’ensilage d’herbe est stocké sur le site principal de l’exploitation où sont logées les vaches allaitantes et la moitié des jeunes bêtes.

Un nouveau silo a été construit en décembre 2020. Ce projet parachevait un travail de dix ans sur la conduite alimentaire du troupeau. En effet, depuis 2010 et l’intervention d’un vétérinaire nutritionniste sur la ferme, Dominique et Florent ont complètement révisé l’alimentation de leurs vaches. Ce travail a porté ses fruits mettant un terme à des problèmes sanitaires et de reproduction. Et les deux associés avouent avoir recouvré la sérénité tandis que les résultats économiques ont suivi.

Dans leur nouvelle approche alimentaire, le nouveau silo devait répondre aux besoins d’une mélangeuse acquise pour confectionner les rations intégrant ensilage d’herbe, foin, épeautre, méteils autoproduits, paille, tourteaux, etc. Ce silo a donc été implanté à un endroit stratégique, sur une aire vaste, plane et empierrée, entre les deux bâtiments de la ferme, à proximité du hangar à fourrage.

Made in Saône-et-Loire !

Souhaitant limiter l’investissement, les deux associés envisageaient de construire leur silo eux-mêmes, mais le temps leur manquait. Pour accélérer le chantier, ils ont eu l’idée d’utiliser des blocs de béton préfabriqués qui se montent comme des briques de "Légos" ! Ce type de bloc autobloquant existe sur le marché mais est peu utilisé en agriculture. Une entreprise de maçonnerie située à quelques kilomètres de l’exploitation en fabrique elle-même. Les frères Tissier l’ont sollicitée.

Les blocs en question font 60 cm de largeur et de hauteur. Leur longueur standard atteint 150 cm mais le fabriquant réalise des longueurs inférieures pour les finitions. Le poids d’un bloc standard est de 1,2 tonne. Comme des légos, ces blocs s’emboîtent les uns sur les autres à l’aide de plots. Ce système dispense de colle ou de ciment entre les briques. À Marizy, Dominique et Florent ont limité la hauteur de leur mur à trois blocs, soit 1,80 m. Au-delà, le mur aurait risqué de bouger lors du tassement du silo, confient les deux associés. Le silo fait 10 m de large (9 m intérieur) pour plus de 35 m de long.

De l’enrobé à la place du béton

Ces murs d’un genre particulier ont été montés sur un sol recouvert de bitume. C’est l’autre originalité du projet des frères Tissier. Un voisin avait déjà fait ce choix et le Gaec souhaitait bitumer la cour de ferme. Il a donc fait réaliser des devis de dalle en béton et de sol recouvert d’enrobé. « Les prix se valaient, mais avec l’enrobé, il n’y avait rien à faire », confient Dominique et Florent qui manquaient de temps pour se lancer dans un coffrage… Sans oublier un temps de séchage nettement plus long avec du béton.

Il suffisait de préparer un sol « qui porte bien ». En l’occurrence, les deux associés ont retiré 40 cm de terre qu’ils ont remplacé par de la pierre. Un terrassier est ensuite intervenu pour niveler et aplanir le sol suivant les pentes désirées.

Réalisé par une société de travaux publics, le bitumage a pris une demi-journée lors d’une matinée de décembre 2020. Huit centimètres de bitume ont été déposés à l’emplacement du futur silo ainsi que devant le hangar à fourrage. Dans le sol, un poteau en béton sert de caniveau.

Cinq jours pour poser 160 blocs !

Les frères Tissier ont ensuite posé les blocs de béton directement sur la couche d’enrobé sans ciment ni fixation. Cela leur a pris cinq jours pour poser 160 blocs. Pour l’alignement au sol, Dominique et Florent se sont aidés d’un rail métallique contre lequel ils posaient les éléments. Ils allaient chercher les cubes de béton chez le fabriquant à la Guiche au fur et à mesure des besoins. Une fois le mur terminé, les deux associés ont ramené du remblai contre ce dernier de sorte à empêcher que les blocs ne ripent vers l’extérieur sous la pression de l’ensilage. Sur le mur opposé, ce sont les piliers du hangar qui assurent ce rôle grâce à un système de contrefort maçonné par les intéressés.

Les blocs de la partie supérieure des murs sont dépourvus de plots. Larges de 60 cm, ils permettent aux agriculteurs de se déplacer aisément sur le bord supérieur du silo. Une possibilité que n’auraient pas autorisée des parois en préfabriqué et qui permet aux éleveurs de bâcher et de débâcher dans de bonnes conditions. Le seul inconvénient est le risque de verglas, confient Dominique et Florent.

Le silo est prévu pour recevoir de l’ensilage jusqu’à la hauteur des murs et pas au-delà. En effet, cela limite les pertes que les associés déploraient dans leur ancien silo qu’ils étaient obligés de charger plus haut que les murs. Désormais, le front d’attaque a la même hauteur que les murs et, moyennant un tassement très rigoureux, une bâche de 10 m de large tendue par des boudins suffit pour assurer la bonne conservation du fourrage. Un conservateur est appliqué à l’ensilage à la constitution du silo. Comme les blocs ne sont pas jointoyés entre eux, une bâche sépare l’ensilage des murs. Cela permet aussi de protéger le ciment des blocs qui n’est pas traité contre l’acidité, informent Dominique et Florent.

Moins cher qu’un silo classique

La réalisation du silo et de l’enrobé comprenant une surface devant le hangar est revenue à un peu plus de 32.000 €, indique Dominique. Dans le détail, les blocs de béton ont coûté 15.200 € ; l’enrobé 11.000 ; le terrassement 3.800 ; plus divers frais de dossier et autre d’un montant d’un peu plus de 2.000 €. Le Gaec devrait pouvoir bénéficier d’une subvention à hauteur de 40 %. Au regard des devis que le Gaec avait réunis, leur silo leur est revenu moins cher qu’une construction classique. C’est une certitude s’ils s’en étaient remis à des entreprises. Et en autoconstruction, ils n’en auraient pas eu le temps. Enfin, les deux associés font valoir que les blocs de bétons peuvent à tout moment être déplacés ou démontés et même revendus. Quant au bitume, il est plus souple que du béton connu pour être cassant. L’enrobé est aussi réparable, complètent Dominique et Florent.