Énergie
Agriculteurs producteurs d’électricité : faites durer vos centrales photovoltaïques

Avec la mise en place de tarifs d’achat incitatifs en 2006, des agriculteurs ont franchi le pas et sont devenus producteurs d’électricité*. Les centrales photovoltaïques sur bâtiments agricoles dans lesquelles ils ont investi ont pu, au fil des années, voir leurs performances réduites. Pourquoi et comment redonner une seconde vie à ces centrales ? La question est complexe tant d’un point de vue technologique que réglementaire. Éléments de réponses avec des experts dans ce domaine et le témoignage d’un agriculteur.

Agriculteurs producteurs d’électricité : faites durer vos centrales photovoltaïques
Des outils comme ce scanner robotisé développé par la société Soligest sont utilisés pour déceler les moindres défauts des panneaux. ©Soligest-AMA

« Le photovoltaïque est certes la façon la plus simple de produire de l’électricité, mais ce n’est pas pour autant que la gestion d’une centrale photovoltaïque est simplissime ». C’est l’avertissement qu’adresse Rémi Berthon, directeur général d’Ener-Pacte, à tout exploitant d’une centrale photovoltaïque. Cette société lyonnaise accompagne 150 centrales dont la moitié chez des agriculteurs, en régions Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), Rhône-Alpes et dans le Sud-Ouest. Sa mission : sécuriser et optimiser les centrales photovoltaïques. « Notre activité est née en 2016 du constat d’une sous-performance chronique de ces centrales après les premières années d’exploitation (de l’ordre de 10 à 30 %) et de l’apparition de risques liés au vieillissement. Ce parc en toiture, souvent investi par des agriculteurs ou autres chefs d’entreprises pour assurer des compléments de revenus, représente en France près de 8 000 unités installées entre 2008 et 2013 », estime Ener-Pacte.

Complexité réglementaire

Des unités qui ont souvent « essuyé les plâtres » d’un point de vue technologique comme le confirme Arnaud Maillard, directeur opérationnel de la société Soligest, basée à Montélimar (Drôme), qui accompagne les propriétaires de centrales dans le diagnostic et l’optimisation de leurs installations (114 sites suivis, dont 80 % chez des agriculteurs). « En France, le marché du photovoltaïque a démarré en 2006, rappelle Arnaud Maillard. Les fabricants comme les installateurs débutaient. Certains ont disparu avant même la fin de la garantie sur le matériel ou de la garantie décennale. » Qualité et fiabilité du matériel n’ont pas toujours été au rendez-vous. Dans le même temps, la réglementation qui entourait les premiers contrats de rachat de l’électricité était particulièrement restrictive. Les contrats de type S06 (relevant de l’arrêté du 10 juillet 2006), par exemple, interdisent au producteur de changer les panneaux avant la fin du contrat, indique Rémi Berthon, sauf décision de justice ou preuve apportée dans un cadre très précis que leur maintien induirait un risque (incendie par exemple). « Le producteur, en échange d’un tarif de rachat subventionné, a en effet accepté par ces contrats de subir le “risque technologique” », poursuit-il. Les réglementations suivantes [de la S11 à la S17] ont assoupli ce point - en même temps que les tarifs de rachat diminuaient - et permettent aujourd’hui d’argumenter une baisse de performance pour justifier un changement de panneaux.

Diagnostiquer à temps

Cet exemple à lui seul démontre à quel point devenir producteur d’électricité est complexe. « Sur l’ensemble des centrales que nous avons auditées depuis la création d’Ener-Pacte, 60 % sont en dehors des clous d’un point de vue réglementaire », signale le directeur général. Outre ces questions, Rémi Berthon révèle également que 98 % des centrales auditées présentent au moins un risque critique, « c’est à dire au moins un point qui pose un problème grave qui mérite d’être traité ». « Encore faut-il pouvoir diagnostiquer ces problèmes à temps, avant que le cancer ne métastase », illustre, en une image percutante, Arnaud Maillard. C’est l’un des arguments des sociétés Soligest ou Ener-Pacte : offrir à leurs clients des technologies de pointe pour identifier le plus en amont possible un dysfonctionnement de la centrale. « Plus le problème est identifié et traité en amont, plus on pourra y apporter une solution à moindre coût », argumente Rémi Berthon. Pour ce faire, Soligest a développé un scanner robotisé qui se déplace grâce à des chenilles sur la toiture. « Cet outil réalise des photographies de haute définition pour déceler les moindres défauts des panneaux avant même la survenue du problème et identifier les numéros de série des modules défectueux », explique Arnaud Maillard. Chez Ener-Pacte, on s’appuie sur un logiciel développé avec le CEA-INES** capable de classifier les défauts identifiés sur les chaînes photovoltaïques et d’évaluer les pertes de production associées. « Une centrale est une véritable chaine de production. Il faut pouvoir identifier l’élément limitant, sinon on va juste changer un panneau, induire une dépense supplémentaire, mais par forcément de chiffre d’affaires additionnel », prévient Rémi Berthon.

Compter aussi sur le parc ancien

Pour l’un comme pour l’autre, le message est clair : être producteur d’électricité est un métier à part entière. « Faire perdurer les centrales de première génération est possible, affirme Arnaud Maillard. À condition d’être bien entouré. L’électricité produite sera toujours monnayable même hors contrat ou pourra être autoconsommée ». Et Rémi Berthon de souligner : « le parc photovoltaïque ancien doit être en mesure de prendre toute sa part dans la transition énergétique. C’est une brique indispensable pour atteindre les objectifs de 40 % d’énergies renouvelables d’ici 2030 ».

Sophie Sabot

* Soit en créant une société dédiée à cette activité, soit comme le permet la loi Grenelle II depuis 2010 en incluant cette activité dans les statuts d’une société agricole (Gaec, EARL, SCEA…) pour toute installation ayant pour support des bâtiments dont la société agricole est propriétaire. 
** CEA : commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. INES : institut national de l’énergie solaire. 
Rémi Berthon de la société Ener-Pacte argumente : « Une centrale photovoltaïque est une véritable chaine de production. Il faut pouvoir identifier l’élément limitant ». ©Ener-Pacte