Gaec Carrette-Pocheron à Bray
A Bray, le Gaec Carrette-Pocheron s'est doté d'un site d’élevage fonctionnel et évolutif

Marc Labille
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Il y a 15 ans, Jean-Luc Carrette et Sébastien Pocheron ont créé un tout nouveau site d’élevage fonctionnel et évolutif. En 2019, ils construisaient leur premier bâtiment photovoltaïque avec déjà l’idée d’une extension. Depuis 1 an, leur dernier projet en date est au point mort à cause des déboires de la gestion des dossiers PCAE.

A Bray, le Gaec Carrette-Pocheron s'est doté d'un site d’élevage fonctionnel et évolutif
Jean-Luc Carrette et Sébastien Pocheron dans leur stabulation « Agriconfort » construite au départ pour 65 vaches et rallongée pour 100 vaches.

Jean-Luc Carrette et Sébastien Pocheron sont associés en Gaec sur une exploitation de 240 hectares à Bray, dans le Clunisois. À la production de 6 ha de vignes s’ajoute un élevage bovin charolais d’une centaine de vaches et 35 hectares de cultures. Comme d’autres fermes du secteur, le Gaec a perdu l’ICHN (Indemnité Compensatoire de Handicap Naturel) il y a trois ans – l’équivalent de 16 à 20.000 € de perte par an. L’exploitation a la particularité d’être partagée entre zone de plaine, zone de montagne et zone défavorisée. Une diversité administrative qui reflète bien toute l’absurdité technocratique de ce classement, dénonce Sébastien. Pour pallier la perte des aides et s’adapter aux aléas climatiques, Jean-Luc et Sébastien ont repris un peu de surface supplémentaire pour décharger le troupeau et disposer de davantage de stock de fourrage. Ils engraissent aussi la totalité de leurs femelles qui sont livrées au groupement Feder. Les vêlages ont lieu de novembre à mars et les plus jeunes broutards sont repoussés dans l’hiver.

Nouveau site

Lorsque Sébastien Pocheron a rejoint Jean-Luc Carrette sur l’exploitation en 2004, il y avait alors 50 vaches allaitantes logées dans des bâtiments anciens dont la mise aux normes était à faire. Les deux associés ont donc fait construire une stabulation neuve et un hangar de stockage sur une parcelle excentrée du hameau où se trouvait l’ancien site. Pour ce nouveau bâtiment mis en service en 2008, Jean-Luc et Sébastien ont voulu se doter d’un « outil de travail fonctionnel pour des vaches à veaux ». Efficacité du travail, confort pour les animaux, économie de paille, luminosité, visibilité… : les deux associés reconnaissent ne pas avoir lésiné sur les équipements.

Ils ont opté pour un bâtiment de conception « Agriconfort ». Le bardage est en persiennes acier. Au niveau de la toiture, les tôles ont la particularité d’être espacées les unes des autres de quelques centimètres laissant passer l’air et la lumière. Cette configuration originale assure une bonne ventilation du bâtiment. L’air entre à l’intérieur à travers les persiennes et ressort au niveau du toit à travers les fentes espaçant les tôles.

Raclage automatique

Ce bâtiment est équipé d’un raclage automatique. Un rabot hydraulique cure deux fois par jour l’aire bétonnée comprise entre les cornadis et une aire paillée de 10 m de profondeur. Le lisier est poussé dans une fosse couverte à l’extrémité du couloir. Grâce au raclage, la marche derrière de la stalle d’alimentation n’est que de 17 cm de haut et les vaches évoluent dans un environnement plus propre que sur une litière accumulée. De l’autre côté des cornadis et du couloir d’alimentation, les cases à veaux sont desservies par un large couloir bétonné. La rangée de cases à veaux comprend aussi des boxes de vêlage équipés de cornadis et de barrières à césariennes. Un palan électrique aide les éleveurs à soutenir les veaux lors des césariennes. Le couloir facilite les mouvements d’animaux des cases de vaches vers les boxes de vêlage et inversement.

Extensible à 100 vaches

Le raclage permet une économie substantielle de paille. La consommation quotidienne par vache est d’environ 6 kg (9 kg avec les veaux), font valoir Sébastien et Jean-Luc. Avec un prix de la paille qui a plus que doublé depuis 2008, le surcoût du raclage est largement payé, calcule Sébastien. La fosse à lisier et le racleur avaient pourtant coûté 28.000 €, mais les deux éleveurs avaient d’emblée prévu pour cent vaches alors que la stabulation n’était conçue que pour 64 vaches. La stratégie des deux associés était de prévoir un bâtiment qui puisse être agrandi facilement. De fait, la stabulation a été allongée en 2012 pour accueillir cent vaches. Il en a été de même pour le stockage qui a été prolongé à l’identique.

Opportunité photovoltaïque

En 2019, Jean-Luc et Sébastien ont mis en service un bâtiment pour 65 jeunes bêtes. Pour ce projet, ils ont exploité leur chance d’avoir un transformateur électrique à 70 m du site et d’une situation favorable à la production d’énergie solaire. Le coût de raccordement au réseau électrique pour une toiture photovoltaïque revenait seulement à 7.000 €. Les deux associés ont donc choisi d’investir dans leur propre centrale solaire en couverture d’une stabulation neuve. D’une puissance de 100 kWc, « ce bâtiment a nécessité un prêt 156.000 € avec des annuités de 12.200 € par an pendant 15 ans. Nous vendons entre 12 et 14.000 € d’électricité par an. C’est intéressant », confie Sébastien.

D’abord pour 65 génisses

Conçu avec le fournisseur des panneaux solaires, le bâtiment a un profil typiquement favorable à la captation de l’énergie solaire avec un pan de toiture orienté sud prédominant. Mais cela n’a pas empêché les éleveurs de rester maîtres du choix des matériaux et de l’agencement intérieur. Accompagnés par le GDS et Feder, Jean-Luc et Sébastien ont fait réaliser une étude préalable pour la ventilation, de sorte que la stabulation soit « claire et aérée ». Les bardages ont la particularité d’être constitués de tôles PVC et de translucides perforés (produit Ondex) laissant passer l’air et la lumière. À son extrémité Ouest, le bâtiment est fermé. La porte d’accès au couloir d’alimentation est automatisée comme une porte de garage. Les éleveurs en actionnent l’ouverture ou la fermeture à l’aide d’une télécommande. L’extrémité Est du bâtiment est restée ouverte. Fidèles à leur stratégie, les deux associés avaient prévu une extension de la stabulation et le terrassement a même été réalisé d’avance.

Un projet de 335 kWc…

Très satisfaits de la rentabilité de leur première toiture photovoltaïque, Jean-Luc et Sébastien se sont lancés dans un nouveau projet d’extension de leur parc bâtiment. Comme prévu, ils souhaitaient allonger leur stabulation à toiture photovoltaïque pour pouvoir abriter 120 jeunes bovins femelles. La puissance de la centrale solaire serait ainsi portée à 160 kWc. Le coût d’une telle extension s’élèverait à 196.000 : c’est plus de 60 % plus cher qu’en 2019 pour une construction identique, signale Sébastien. Les frais de raccordement se monteraient à 12.000 €. Mais en couvrant aussi la stabulation des vaches de panneaux photovoltaïques, portant ainsi la puissance totale de production à 335 kWc, le coût de raccordement ne serait que de 15.000 €, fait valoir Sébastien. Cette solution est envisagée par le Gaec, mais cela implique des frais supplémentaires, à commencer par une étude de faisabilité sur la stabulation existante. Il s’agit en effet de voir si la structure peut supporter l’ajout de panneaux solaires en toiture. Cette étude est obligatoire et son coût s’élèverait à près de 5.000 €, indique Sébastien. Malgré ces dépenses à la hausse, le projet reste économiquement intéressant pour le Gaec, à condition de bénéficier de l’aide prévue dans le cadre du PCAE qui devait s’élever à 105.000 €, confie l’éleveur.

Un an de retard…

Car depuis un an, le projet de Jean-Luc et Sébastien est au point mort, la faute à l’incapacité de la Région à instruire les dossiers Feader dont fait partie le PCAE. Malvenu, ce retard agace les deux associés, qui s’étaient donnés comme objectif de se doter d’un outil de travail performant et transmissible. « En un an, on va perdre 1 euro sur le tarif de rachat de l’électricité. Les devis risquent de ne plus être valides. Les taux d’intérêt ont augmenté de 3,5 à 5 % et on a une trentaine de bêtes dehors qui attendent ce nouveau bâtiment », se désolent les deux associés qui auraient besoin aussi de surface couverte supplémentaire pour stocker leur surplus de fourrage… Mais leur situation n’est pas la plus préoccupante, estiment-ils. « À notre âge, si nous ne pouvons pas faire ce bâtiment, ce n’est pas très grave. Nous pouvons encore vendre des génisses », analysent-ils en pensant au cas plus inquiétant de jeunes éleveurs. En l’espace de quatre années séparant leurs deux projets de bâtiments photovoltaïques, Jean-Luc et Sébastien ont aussi noté un alourdissement substantiel des démarches et obligations, toutes coûteuses.