Méthaniseur de Simard
Un projet de longue haleine

Françoise Thomas
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En fonctionnement depuis fin janvier, il faudra encore quelques semaines de réglages au méthaniseur de Simard avant de tourner pleinement. Une dernière période finalement à relativiser au regard des nombreuses années qui se sont écoulées entre le lancement du projet AgriMéthaBresse et sa mise en route. Rencontre avec le président de la SAS, Laurent Boivin.

Un projet de longue haleine
Le site occupe une surface totale de 2,4 ha et est situé quasiment à l’épicentre de l’ensemble des exploitations du collectif d’agriculteurs.

Aujourd’hui le méthaniseur de Simard AgriMéthaBresse est en fonctionnement et cela passe presque inaperçu. Au lancement du concept en 2012, et notamment à partir de 2016, les porteurs du projet ont notamment dû faire face à l’opposition d’une association locale, redoutant surtout les nuisances olfactives et une forte augmentation du trafic. En y regardant de plus près, dans les faits aucune nuée de semi-remorques, mais une dizaine d’allées et venues en tracteurs opérées quotidiennement et la fin des nuisances olfactives lors des épandages à venir, ce qui était justement l’une des motivations des agriculteurs au départ. « Pour ce qui est des odeurs sur le site, il y avait amalgame avec une unité de compostage », déplore le président de la SAS, mais ce point précis a malgré tout fait l’objet d’aménagement spécifique (voir encadré). Petit retour en arrière sur cette véritable épopée qui aura pris près de dix ans à tout un groupe d’agriculteurs, qui ont mené ce projet de bout en bout en plus de leurs activités sur leurs exploitations respectives.

Pour des exploitations dynamiques

Tout est partie d’un groupement d’agriculteurs déjà réunis en une Cuma fonctionnant principalement autour des travaux d’ensilage, Ensil’Vit. Entre les agriculteurs impliqués dans les tout premiers échanges sur le méthaniseur en 2012 et aujourd’hui, il n’y a eu que peu de changements : « depuis 2014, le groupe d’agriculteurs est le même », tient à souligner Laurent Boivin.

« La motivation de la création de ce méthaniseur portait essentiellement sur trois aspects, rappelle-t-il. Tout d’abord, la recherche d’économie d’intrants, et cela, grâce à la valorisation de nos effluents d’élevage, puis l’amélioration de la perception des épandages vis-à-vis du voisinage en éliminant les nuisances olfactives, et enfin la diversification économique pour les exploitants grâce à la vente de biométhane ».

« À travers ce projet et ce collectif, insiste Laurent Boivin, nous voulions surtout conserver nos exploitations à dimensions humaines, qu’elles puissent être reprises par des jeunes cherchant à s’installer, et cela, en dynamisant nos activités agricoles grâce à cette diversification ».

Des déchets valorisables

Chaque unité de méthanisation est élaborée en fonction de ses apports, celle de Simard est alimentée à 80 % par les effluents d’élevage et les Cive (culture intermédiaire à vocation énergétique) produites par les agriculteurs, le reste provient des issues de céréales d’organismes collecteurs, des déchets agroalimentaires et des fauches de bord de route.

Quotidiennement, plus de 50 tonnes de déchets servent à alimenter le digesteur, « en tout près de 20.000 tonnes de déchets vont être valorisés chaque année sur le site », tient à préciser le président de la SAS. Et cette valorisation se concrétise par une injection de 120 m3/h de biométhane.

« Ce méthaniseur subvient donc au besoin énergétique d’une commune comme Saint-Germain-du-Bois, soit 2.000 habitants ».

Mais des 140 jours passés dans le digesteur, on en retire également des déchets sous forme sèche et liquide, véritables matières fertilisantes. « Nous conservons quasiment l’intégralité de nos éléments fertilisants, nous les avons juste valorisés entre temps et rendus disponibles rapidement pour les plantes », rappelle Laurent Boivin. Si les éléments solides sont particulièrement riches en phosphore, les liquides le sont en azote. « Nous sommes devenus quasiment autonomes en phosphore et en potassium et nous économisons plus de 20 % en achats d’engrais azotés ».

Pour la fertilisation avec les matières solides, ce sont les équipements de la Cuma Ensil’Vit qui seront sollicités. Pour l’épandage des matières liquides, la SAS AgriMéthaBresse a choisi de faire appel à une société extérieure : « cette forme d’azote liquide est assez volatile, donc pour qu’il soit correctement valorisé par les plantes, il nécessite d’être enfoui de quelques centimètres dans le sol. Nous n’avons pas voulu investir dans une telle rampe ». La capacité de stockage du site de sept mois permettra aux agriculteurs de faire leurs apports quand les plantes en auront besoin.

La Cuma a juste eu à investir dans un outil spécifique de transfert pour la matière liquide.

Une organisation précise

Le choix des membres de la SAS s’est porté pour un process de méthanisation mésophile, pour laquelle les bactéries nécessitent une température de 40 °C pour se développer. Une chaleur moindre que certains autres procédés, mais qui demande en revanche un temps plus long dans le digesteur : 140 jours (en fait deux fois 70 jours dans chacune des cuves). Et si ce principe nécessite des volumes de stockage plus importants, aucun broyage de la matière n’est nécessaire, limitant les investissements à ce niveau-là.

L’approvisionnement d’un méthaniseur représente une ration à doser très précisément et qui évolue en fonction des apports. « Avec les quatre élevages laitiers, nous avons du lisier toute l’année et de façon générale nos fumiers représentent une part importante de nos apports solides », rapporte Laurent Boivin. Pour autant, avec plus d’animaux en extérieur l’été, le méthaniseur sera alors alimenté avec les pailles produites sur les exploitations. Les cultures intermédiaires auront, elles, toute leur place au printemps.

Tout se met ainsi en place progressivement. Les agriculteurs associés ont convenu de se réunir une fois par mois pour établir le calendrier des apports d’effluents de chacun pour alimenter le site au fur et à mesure. Sur place, la capacité de stockage correspond à 10 jours d’apport.

Le méthaniseur en chiffres

Six exploitations concernées réparties sur sept sites et 14 agriculteurs en tout.

Lancement du projet en 2012 pour une mise en route le 28 janvier 2021.

Une injection dans le réseau de 120 m3/h de biométhane.

Plus de 20.000 tonnes de déchets valorisés chaque année, et 18.000 tonnes épandus sous forme de matière fertilisante.

Parmi les tonnages engagés, on compte environ 450 tonnes de pailles, 650 tonnes de Cive (herbes ensilage) et 1.150 tonnes de maïs dérobés. Seul l’une des exploitations s’est mise à faire des cultures dérobées qu’elle ne faisait pas jusque-là. Certains autres ont légèrement dû faire évoluer les types de dérobés pour s’adapter au fonctionnement du méthaniseur.

Un budget total de 6,4 millions d’euros, avec une participation de l’Ademe et de la Région à hauteur de 1,5 M €.

Un emprunt sur 13 ans. Un contrat d’achat sur 15 ans signé avec la société Save.

Une surface de site de 2,4 ha.

Parmi les principaux partenaires : la chambre d’agriculture 71 pour toute la partie réflexion et montage du dossier, Solagro entreprise associative pour l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, Biogaz Hochreiter pour la construction de l’équipement, etc.

Les exploitations membres d’AgriMéthaBresse

Le Gaec des Deux puits, composé de trois exploitants sur deux sites distincts, avec 207 ha de blé, orge, colza, maïs grain et maïs ensilage et de prairies, 100 vaches laitières et 21 jeunes bovins à l’engraissement.

Le Gaec du Bourg, deux associés exploitant 215 ha d’orge, de blé, de colza, de maïs et de luzerne, 45 ha de prairie, 110 vaches laitières et une production de 1 400 porcs par an.

Le Gaec du Champ de Lux, trois associés et une salariée avec 110 vaches laitières et 299 ha en blé, orge, colza, maïs grain et maïs fourrage, luzerne et prairies temporaires et permanentes.

Le Gaec des Commarets, deux associés pour une surface de 160 ha en blé, colza, orge, maïs et 168 ha de prairies et 360 bovins viande.

L’EARL de Monflin, une production végétale sur 146 ha de pois protéagineux, colza, blé, maïs et orge, dont une partie est autoconsommée et un atelier porcin avec 1700 porcs produits chaque année.

Le Gaec des Vions compte 100 vaches laitières et 141 ha de cultures de vente (blé, colza, maïs) pour une SAU de 252 ha.

Pour ces exploitations, le méthaniseur représente en quelque sorte un épicentre, situé à environ 2 km de chacune d’elles.

Traitement spécifique de l’air
Un bâtiment spécifique contient le biofiltre composé de bruyère séchée assurant un traitement de l’air permanent.

Traitement spécifique de l’air

La question des nuisances olfactives a été au centre des réflexions des agriculteurs. Si pour les épandages, la méthanisation règle de fait le problème, il était important pour les porteurs du projet que le site ne génère pas de gêne. D’où une conception en bâtiment : « les odeurs se dégagent lorsque l’on manipule la matière. Les deux trémies qui alimentent le méthaniseur sont donc en bâtiment fermé ». Et comme il était important aussi que l’air soit respirable pour ceux qui y travaillent, tout un système de filtration a été mis en place. Une gaine traverse ce bâtiment de part en part permettant « un renouvellement de l’air efficace, avec un coefficient de 3,5. Ensuite, cet air est filtré à travers un biofiltre de deux mètres de matière végétale, de la bruyère séchée », explique Laurent Boivin. Enfin de l’eau pulvérisée permet de capter l’azote de l’air pour éviter toute pollution. Le tout est situé dans un bâtiment adjacent de 115 m².

Les emplois générés

La SAS AMB a embauché depuis janvier dernier son directeur de site, Henri Cavard. Celui-ci, après avoir fait un BTS Agronomie et productions végétales en alternance chez l’un des associés engagés dans le méthaniseur, avait suivi un DU Mise en œuvre d’une unité de méthanisation. Depuis 2014 et la fin de ses études, il travaillait pour un groupe agroalimentaire du secteur.

Henri Cavard a donc rejoint le méthaniseur en maitrisant le fonctionnement de l’outil et en connaissant les agriculteurs impliqués.

Désormais, la question se pose pour une nouvelle création de poste. « Mais comme il n’y a pas de besoin d’un second temps plein sur le site, cet emploi serait créé via le groupement d’employeur intégrant nos exploitations, la Cuma et l’unité de méthanisation », précise Laurent Boivin.