Viticulture
Une vigne qui se porte bien est une vigne qui chante

Françoise Thomas
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Quels arbres en lien avec la vigne, pour quels objectifs et à quel budget ? L’ensemble de ces questions et toutes les autres devraient trouver un début de réponse dans les guides qui vont être édités dans un an, à l’issue de la première partie du projet Vitaf. Vitaf, pour viticulture et agroforesterie, est le projet dont le lancement s’est effectué le jeudi 14 avril à l’AgroBio Campus de Davayé.

Une vigne qui se porte bien est une vigne qui chante
L’une des trois parcelles test du projet Vitaf, viticulture et agroforesterie, ici celle du lycée agricole de Davayé. Une « page blanche » sur laquelle vont être replantés vigne, arbres et arbustes.

Vitaf est « un projet ambitieux et pertinent », comme l’a décrit Alain Canet, l’un de ses chefs d’orchestre, lors de sa présentation et de son lancement officiel, le 14 avril dernier au lycée agricole de Davayé. Parmi les partenaires engagés, l’ABC Davayé donc, mais aussi le Vinipôle, l’UPVM, l’ODG saint véran, la région BFC, Arbre et Paysage 32, l’Europe, etc.

Chacun de ces acteurs sera réparti en fonction de ses compétences et de ses prérogatives dans l’une des trois commissions engagées pour plancher pendant un an sur ce projet : le comité de pilotage, le comité scientifique et le comité technique.

Vitaf est un partenariat européen pour l’innovation, un PEI projet, pour lequel un séminaire bilan est d’ores et déjà programmé le 31 janvier 2023.

L’idée est de poursuivre ensuite sur un PEI fonctionnement de trois ans, permettant d’initier véritablement sur le terrain les protocoles élaborés au cours de cette année 2022.

Mais en cette mi-avril, il s’agissait de présenter le projet…

L’urgence d’agir

À l’heure actuelle, plusieurs projets dans différentes filières agricoles visent à redonner une place aux arbres et arbustes. Il s’agit tout autant de trouver des parades aux évolutions climatiques que d’apporter des solutions aux interdictions d’intrants.

Pour la viticulture, Thomas Canonier du Vinipôle a tenu à rappeler les constats faits autour du changement climatique avec « un régime hydrique de moins en moins en corrélation avec les besoins de la plante », avec pour conséquence, « depuis 2003, un impact sur le rendement de la vigne, certes en dent de scie, mais globalement en baisse », et une « typicité des vins qui évoluent beaucoup trop vite, posant un problème pour le vieillissement des vins ». Des variations dans l’atmosphère de concentration de CO2, « s’il y en a toujours eu, là ça s’emballe ».

Retrouver un équilibre

Aussi, un projet comme Vitaf suscite beaucoup d’intérêt, voire, d’espoir chez les nombreux viticulteurs présents. « Personnellement, j’y crois beaucoup », a ainsi affirmé Pierre Beaubernard, le membre du bureau de l’ODG des crus saint véran, prenant pour témoins les rendements de son appellation en forte baisse depuis des années quand les aléas climatiques, eux, sont en augmentation. Les viticulteurs ont pour lui « la responsabilité de maîtriser leurs émissions carbone » …

Le vice-président des vins mâcon, Marc Sangoy, a lui mis en exergue la nécessité de trouver la juste réponse « environnementale, sociale et économique, pour assurer la viabilité de nos producteurs ».

Un équilibre tout à fait dans la ligne de mire d’un projet comme Vitaf n’entendant pas perdre de vue l’aspect rendement et donc rentabilité économique.

Trois parcelles tests

« L’idée est véritablement de créer une dynamique autour de l’agroforesterie (AF) dans la région Bourgogne alors que nous avons peu, voire, aucune référence ! », présente Laura Baptée. « Nous souhaitons partir du Mâconnais Sud Bourgogne, pour ensuite rayonner sur la Saône-et-Loire et pourquoi pas la Bourgogne toute entière », poursuit la cheffe de projet.

Trois parcelles vont servir de zones de tests pour cette première année. L’une est sur le site même du lycée de Davayé. Les deux autres sont à Lugny. Chacune avec son passé et ses spécificités pédoclimatiques.

Ainsi, la parcelle de Davayé a eu été plantée de vignes. Mais depuis sept ans désormais, ce sont des céréales et du fourrage qui y sont cultivés.

Une « page blanche » donc, sur laquelle implanter ceps, arbres (trognes) et arbustes de différentes hauteurs et pour différents objectifs : brise-vent sans bloquer les flux d’air, réserve à auxiliaires pour limiter les intrants, apport de matière organique, maintien de la fraîcheur sans impacter sur les rendements, etc.

Du côté de Lugny, l’agroforesterie sera beaucoup implantée en intraparcellaire mais aussi parfois pour remplacer les pieds de vigne manquants.

Avant toute chose, Alain Canet a rappelé les grands principes qui doivent régir ce genre de "collaboration" avec les arbres : « gérer l’existant ; laisser pousser les plus adaptés ; planter et avoir recours au semis très ponctuellement ». En observant les vignes du Mâconnais bordées de bosquets et de haies, il s’est montré plutôt optimiste « il ne manque vraiment pas grand-chose, tout est là ! ».

Les grands principes

Le fondateur de l’association Arbre et Paysage 32 a rappelé que « la vigne et les arbres, c’est une longue histoire ». Ainsi, pour Alain Canet, « une vigne qui se porte bien, c’est une vigne qui chante », témoignant de la présence d’une biodiversité utile. Alain Canet a par ailleurs bousculé pas mal de concepts et de pratiques, tout en se voulant rassurant : « en agroforesterie, l’arbre est un outil », un support qui est là pour assurer la mission qu’on lui a octroyée. Ainsi « quand un arbre n’est pas/n’est plus à sa place, on le coupe »…

Ces végétaux-là ne seront donc pas pensés pour apporter un quelconque revenu, il n’en faut que le nombre nécessaire et ils seront taillés et gérés pour ne pas gêner. Il faut remettre tous les végétaux d’une même parcelle en symbiose, les interconnecter. Une « boîte végétale » présente également pour absorber les chocs (climatiques notamment) en premier, à la place de la vigne.

Pour déterminer les espèces à privilégier, il ne faut pas chercher trop loin : « observez les essences qui poussent autour de la parcelle, ce seront celles-ci les mieux adaptées ». Appliquant en cela la technique du « végétal local ».

De même, et cela est actuellement un concept encore moins intuitif à appliquer, « il va falloir apprendre à se passer du travail du sol… ». Alain Canet poursuivant : « la meilleure technique de désherbage est un sol toujours couvert ».

Pendant un an, les différents professionnels de la vigne et du vin, les experts, etc, vont élaborer des solutions pour faire face aux problématiques actuelles car « il ne s’agit pas de faire le procès du passé mais bien d’écrire l’avenir ensemble ».

Vitaf concrètement

L’enveloppe du PEI projet est d’un peu plus de 100.000 €, d’après des financements européens et régionaux.

Cette première phase du projet est portée par trois comités : un comité de pilotage intégrant le lycée de Davayé, le Vinipôle, l’UPVM, l’ODG saint véran, la DDT et le PETR Mâconnais sud bourgogne.

Le comité scientifique regroupe Arbre et Paysage 32, le référent en matière d’agroforesterie, Bio Bourgogne, l’IFV, Alterre, Agroof, le CPIE, vignerons engagés, HVE, etc. un comité qui devra fixer la stratégie globale du projet avec tous ses prérequis, et veiller à la cohérence du rendement économique en fonction en regard à l’intérêt écologique.

Enfin le comité technique composé de viticulteurs, des caves coopératives partenaires, etc. est chargé de l’écriture du protocole dans le cadre fixé par le comité scientifique et de l’étude de la faisabilité technique et économique.

Ainsi pour cette première année, le calendrier établi prévoit une phase préparation avant plantation sur mai/juin ; une mise en place des arbres et arbustes en octobre/novembre ; une phase gestion et valorisation post-plantation en novembre/décembre.