Coûts des chantiers fourragers
La taille du matériel dilue-t-elle les coûts des chantiers fourragers ?

Marc Labille
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Dans un contexte inflationniste, les coûts de chantier de fenaison méritent d’être regardés de près. Comme le montrent les données présentées par les Cuma à Ferm’Inov le 23 avril dernier, des engins performants et une utilisation annuelle en conséquence peuvent permettre de diluer significativement les postes. 

La taille du matériel dilue-t-elle les coûts des chantiers fourragers ?
Le débit de chantier accru permet de diluer significativement la main-d’œuvre.

Le matériel a subi de plein fouet l’inflation post Covid. Le tarif d’une faucheuse-conditionneuse portée de 3 mètres a pris entre + 6 et + 10 % par an depuis 2018. Affichée à 13.200 € en 2018, la même faucheuse vaut près de 20.000 € aujourd’hui, indique Fabrice Maitrot, de la fédération des Cuma. Et dans le même temps, le prix du carburant et des tracteurs en a fait de même.

D’après les éléments comptables des Cuma (pour une utilisation moyenne de 185 ha par an), le coût d’entretien d’une faucheuse hors conditionneur augmente régulièrement jusqu’à 4-6 ans avant de se stabiliser à partir de cet âge. Ce coût est de 2,77 €/ha jusqu’à 2 ans et il atteint 4,88 €/ha vers 6-8 ans.

D’après les données des « coûts des opérations culturales 2023 », l’expert a comparé les coûts de chantier (traction, carburant main-d’œuvre inclus) pour différents équipements de faucheuses-conditionneuses. Quatre ensembles ont été comparés : faucheuse-conditionneuse portée de 3 m/tracteur de 100 CV ; faucheuse-conditionneuse traînée de 3,5 m/tracteur de 120 CV ; équipement combiné avec frontale 3 m et portée arrière 2,5 m/tracteur de 150 CV ; combiné avec frontale 3 m et traînée 3 m/tracteur de 150 CV.

De 48 €/ha à plus de 71 €/ha

Dans ce comparatif portant sur des faucheuses-conditionneuses neuves, les coûts de chantier vont de moins de 48 €/ha à plus de 71 €/ha pour une surface annuelle proportionnelle à la largeur de l’outil. Les meilleurs chiffres reviennent aux plus gros équipements (6 m – 150 CV) qui se révèlent les plus économes sur des surfaces adaptées en conséquence (250 – 350 ha). La conditionneuse portée de 3 m par un tracteur de 100 CV génère le coût de chantier le plus élevé sur 100 ha. À l’opposé, le combiné de 6 m/150 CV, équipement le plus cher à l’achat, se révèle pourtant le plus économe à l’usage pour une surface de 350 ha.

Le montant d’investissement par mètre linéaire est l’un des indicateurs de la maîtrise des coûts de chantier. Dans le comparatif réalisé par les Cuma, il est le plus élevé pour la faucheuse traînée de 3,5 m pour laquelle atteint 10.000 €/ mètre linéaire. Les valeurs les plus avantageuses vont aux solutions portée 3 m et combiné frontale/portée 3 + 2,5 m. Le débit de chantier joue aussi. Ils sont très variables selon la vitesse d’avancement, la forme de la parcelle, les obstacles… Dans l’étude, les débits de chantier retenus vont de 1,2 ha/heure pour la portée de 3 m à 3 ha/heure pour le combiné de 6 m

Utilisation plus efficiente de la puissance

L’utilisation d’un outil frontal permet une utilisation plus efficiente de la puissance et du gabarit d’un tracteur, souligne Fabrice Maitrot. Dans le cas des deux équipements combinés de 5,5 et 6 m de largeur, la puissance par mètre linéaire descend à 27 et 25 CV contre 34 CV pour les faucheuses traînées de 3 et 3,5 m. Le même constat est fait pour le carburant qui passe d’une douzaine d’euros par hectare à une dizaine d’euros par hectare. Le débit de chantier accru permet de diluer significativement la main-d’œuvre dont le coût passe de 12-15 €/ha à 6-7 € avec les gros combinés.

Le coût caché du transport

Il ne faut pas négliger l’impact du transport et de l’éclatement parcellaire sur les coûts de chantier réels, pointe Fabrice Maitrot. « En intégrant le coût caché des déplacements, l’ensemble des postes traction, carburant, main-d’œuvre atteint 50 à 70 % du coût total ! », révèle l’expert qui ajoute qu’en moyenne un tiers du temps de travail est consacré à ces temps morts de déplacement, attelage, dételage, etc.

Sur ce point, il faut faire attention au surdimensionnement du matériel. Une solution tentante pour compenser le temps de déplacement et compenser par une surface annuelle travaillée supérieure. Car si les ensembles larges peuvent tendre à réduire les coûts de chantier en parcelle, les gains potentiels sont impactés négativement par trois effets engendrés par le transport : une augmentation de la puissance du tracteur sans débit de chantier supérieur, une sur-consommation de GNR et une majoration des coûts de main-d’œuvre.

Pour l’andainage et le fanage, les mêmes phénomènes de dilution des coûts de chantier sont constatés, mais l’effet est moins fort que pour la fauche et la maîtrise des coûts n’est pas aussi cruciale, confie Fabrice Maitrot (voir tableaux).

Presser un maximum de bottes !

Concernant le pressage, « si le volume annuel de bottes est le principal facteur dans le coût de chantier, selon les machines et les conditions, il y a une grosse variabilité du nombre de balles réalisées par heure », fait valoir l’expert. Les chiffres retenus sont de 20-30 balles par heure pour une presse à chambre fixe 120x120 ; 30-40 pour une presse à chambre variable 120x160 avec pick-up large ; 40-50 pour une presse haut de gamme 120x180 avec liage filet.

Toujours selon les données « coûts des opérations culturales 2023 », le coût de chantier des presses à balles rondes peut aller de 7 à 4 €/balle selon les machines. Quand la presse chambre fixe 120x120 de 37.000 € tirée par un tracteur de 90 CV réalise 1.000 bottes par an, il en faut 3.000 pour une presse haut de gamme animée par un tracteur de 150 CV et d’une valeur de près de 60.000 €. Mais à la différence de la fauche, pour le pressage, « les postes traction et carburant n’ont pas un impact aussi important », résume Fabrice Maitrot qui conclut : « au-delà de la fenaison et de manière générale, il est recommandé de maîtriser le bon dimensionnement de la puissance du tracteur à la largeur des outils, en plus d’intensifier son usage annuel. Un autre surcoût à éviter est d’avoir un tracteur sur puissant seulement parce qu’un seul des outils (plus large) le justifie ».

 

6 m 40 de coupe, 130 CV, 4 ha/heure…

6 m 40 de coupe, 130 CV, 4 ha/heure…

Lors de la « rencontre Ferm’Inov » du 23 avril dernier à Jalogny, le concessionnaire Claas de Mâcon est venu réaliser une démonstration de fauche. Le fourrage récolté était destiné à de l’ensilage d’herbe dont le chantier était en cours à la ferme de Jalogny. L’ensemble était composé d’un tracteur Claas de 130 CV (moteur 4 cylindres, 4,5 litres turbo), équipé d’une faucheuse frontale de 3 m (7 assiettes) et d’une faucheuse portée de 3,4 m (8 assiettes). Les modules de fauches étaient dotés d’un système de rappuie au sol « Activ Float ». Il permet de régler la pression au sol », commentait le démonstrateur Eric Moreau. Les deux blocs de fauche étaient dotés du montage rapide des couteaux. Pour ajuster la hauteur de fauche, des patins de 30 et 60 mm peuvent être ajoutés sous le lamier, signalait le démonstrateur. Ce dernier a piloté l’engin à une vitesse de 12-13 km/h. A cette vitesse et 6,40 m de largeur de coupe, le débit de chantier atteignait en moyenne 4 ha/heure. Se révélant très performant et sans tomber dans la débauche de puissance et le gigantisme, cet ensemble de fauche était assez représentatif de la tendance du moment. En effet, le concessionnaire confiait vendre de plus en plus de faucheuses sans conditionneur. « On ne vend presque plus de faucheuse-conditionneuse traînée », ajoutait-il. Avec des tracteurs de plus en plus puissants, la tendance favorise les combinés de fauche frontal et porté pour une grande largeur de coupe.