Elections régionales en Bourgogne Franche-Comté
Les candidats sont prévenus

Cédric MICHELIN
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À l’invitation de la FRSEA et des JA BFC, les candidats aux élections régionales avaient rendez-vous le 1er juin à Cordesse, non loin de la Nièvre et Côte-d’Or, pour parler de l’agriculture et de la viticulture régionales. L’occasion pour la profession de passer des messages forts : des prix rémunérateurs au renouvellement de génération, en passant par la gestion de la Pac et le loup.

Les candidats sont prévenus

Premier constat, alors que les têtes de liste aux élections régionales avaient - toutes et tous - été invitées, beaucoup s’étaient fait représenter. Certes bien souvent par des agriculteurs de métier sur les différentes listes. Travaux de saison obligent, les agriculteurs n’étaient pas non plus au rendez-vous. Chacun a donc pu s’exprimer sans interruption.
Le président de la FRSEA Bourgogne Franche-Comté, Christophe Chambon, débutait en dépeignant la région agricole forte encore de 26.500 exploitations et 2,557 millions d’ha. « Cette France à petite échelle, avec ses territoires diversifiés, doit voir son agriculture se développer, prospérer et des jeunes s’installer pour maintenir au même niveau ces chiffres ». Illustration parfaite de ces défis, sur leur Gaec à trois associés, Patrice Brocard, avec sa femme et son fils, élèvent jusqu’à 150 vaches charolaises sur 256 ha dont 70 labourables « pour essayer d’être autonomes en paille », eux qui le sont en aliments (45 ha) avec du blé, triticale, orge… et 24 ha de prairies temporaires. Vendant leurs broutards principalement vers l’Italie et engraissant (pas cette année avec la sécheresse) leurs vaches de réforme, un atelier de 55 mères en ovin a permis d’installer Thomas en vendant agneaux et autres moutons aux boucheries alentours. « Sauf que je crains que les chiffres de l’installation de notre fils ne correspondent plus du tout, avec des prix de vente qui plafonnent et le coût des intrants qui augmente de 30 % », alerte Patrice Brocard. Le décor d’une agriculture familiale à pérenniser était ainsi planté.

Un mur générationnel

Le président des JA BFC, Florent Point, rebondissait justement sur l’installation avec « moitié moins de projets en bovins allaitants », passé de 20 % des porteurs à 12 %. « Il y a urgence à redorer le blason de l’agriculture », appelait-il car « dans cinq à sept ans, en France comme en Bourgogne Franche-Comté, environ 50 % des agriculteurs partiront à la retraite ». La présidente des JA71, Marine Seckler, chiffrait ces données en Saône-et-Loire : « soit 1.400 agriculteurs dans cinq ans alors qu’on installe en tout 100 porteurs par an. Ça ne va pas aller ». Alors la profession agricole listait ses propositions et remettait à chacun une plaquette. « Ne vous gênez pas pour la reprendre dans vos programmes agricoles », invitait sur le ton de l’humour, Christophe Chambon. Le président de la FDSEA de Saône-et-Loire, Christian Bajard, résumait les propositions ainsi : « il faut nous donner du temps pour nous adapter aux changements - climatiques, techniques, diversifications, circuits courts… - et promouvoir autant l’export (vins, céréales, broutards…) que le local (restauration collective, marques de territoire…). À la Région d’investir dans les deux, via notamment des outils de transformation et des filières collectives ».

Des agriculteurs dans les listes

Prenaient alors la parole tour à tour : Olivier Jacquand représentant Denis Thuriaud pour la liste LREM, céréalier en Côte-d’Or sur 260 ha, avec une entreprise de travaux agricole en plus et lieutenant de louveterie ; Marie-Guite Dufay, présidente de Région sortante, accompagnée de Fabrice Voillot, maire et éleveur à Charbonnat, et de Christian Morel, éleveur laitier en Comté ; Claire Mallard pour la Saône-et-Loire représentait Stéphanie Modde pour EELV, accompagnée de Jean-Baptiste Pierre, maire de Sommant ; Laurent Miremont représentait Bastien Faudot pour le "rassemblement politique de gauche" sous la bannière du "Temps des Cerises" ; Daniel Prieur, agriculteur dans le Doubs, représentait Gilles Platret pour un "rassemblement à droite" LR, Debout la France et alliés. Lutte ouvrière et le Rassemblement national n’ont pas donné suite à l’invitation.
La semaine prochaine, vous retrouverez notre dossier spécial élections régionales avec les principales lignes directrices agricoles des partis en lice. Les débats à Cordesse étaient toutefois déjà instructifs et quelques différences de politique pointaient ici ou là.

Eau, loup… des positions à confirmer

Les agriculteurs les poussaient à prendre des positions claires sur des dossiers marquants : gestion de l’eau, plan Loup, outils de proximité (abattoirs…), énergies renouvelables… Aucun n’éludait les questions et chacun gardait ses positions, parfois tranchées. La question des alliances entre les deux tours viendra-t-elle rebattre les avis de certains ? Tous sont néanmoins pour une production locale de qualité. Le vice-président de la FDSEA 71, Luc Jeannin, attirait néanmoins leur attention sur des « incohérences » : « l’élevage allaitant est en train de perdre la bataille de la prochaine Pac alors même que nos élevages extensifs respectent la qualité, la biodiversité, le bien-être animal, n’utilisent pas d’intrants, ont un bilan carbone bas… ». Florent Point concluait : « L’avis des citoyens est certes important mais ce sont les agriculteurs qui sont soumis aux lois de la nature. Vous, dirigeants, devez vous reposer sur les avis scientifiques pour régenter et orienter les lois et faire preuve de cohérence dans vos décisions », notamment par rapport aux accords de libre-échange et les distorsions de concurrence avec d’autres pays, européens ou non.