Conseil de l’agriculture de Saône-et-Loire
Des questions qui posent le débat des législatives

Cédric MICHELIN
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Le 1er juin à Blanzy, le Conseil de l’agriculture de Saône-et-Loire invitait les principaux candidats et partis politiques se présentant aux législatives dans notre département à venir expliquer leur programme agricole et viticole. Autour du « Manifeste pour une ruralité vivante », l’occasion d’élargir les débats sur l’attractivité des territoires.

Des questions qui posent le débat des législatives

Il y a parfois des questions qui sont davantage de véritables messages adressés aux élus de la République. Ces questions n’amènent pas forcément de réponses immédiates mais permettent de poser les jalons de réflexions futures, en vue de prochaines lois, négociations budgétaires, accompagnements publics…
Autour de la FDSEA et des JA de Saône-et-Loire, le Conseil de l’agriculture départemental avait justement bien l’intention de démontrer, à toutes et à tous les futur(e)s candidat(e)s aux législatives, élu(e)s ou non en juin, toute l’étendue des questionnements, des problèmes et des raisonnements qui sont déjà sur la table de l’agriculture, de la viticulture et de la ruralité. Le Manifeste pour une ruralité vivante a été remis à chaque candidat et un film était projeté dans la salle des fêtes de Blanzy pour rappeler les propositions et revendications du Conseil de l’agriculture française (le Caf) et des 40 organisations agricoles et rurales associées.
Pas question à Blanzy de faire le jeu d’un candidat ou d’un parti politique. Les règles étaient rappelées à tous d’emblée : 40 minutes de paroles dont 10 minutes libres à la convenance du candidat. L’ordre de passage avait été tiré au sort pour les partis ayant réalisé plus de 4 % de votes aux dernières élections présidentielles. Se succédaient ainsi Reconquête, Les Républicains (LR), la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), le Rassemblement national (RN) et Ensemble.
Le président du Conseil de l’agriculture de Saône-et-Loire, Christian Bajard, « plantait le décor » en introduction, rappelant le souhait partagé « de mettre les Hommes et Femmes au cœur des projets agricoles », surtout à l’heure d’un important besoin de renouvellement des générations, ajoutait Marine Seckler, présidente JA71. Ce défi s’accompagne d’autres tout aussi majeurs : changement climatique, besoin en eau, attentes sociétales, bien-être animal, souveraineté alimentaire… « les organisations professionnelles accompagnent les exploitations sur tous ces volets technico-économiques mais aussi, sur la nécessité d’une juste rémunération du travail agricole », sujet qui fait l’objet de travaux permanents avec les filières et les pouvoirs publics.

Première salve

Avant de revenir dans notre prochaine édition sur les prises de paroles des candidats, voici déjà quelques-unes des questions que pose la profession aux partis politiques. Pour la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, son président Bernard Lacour interrogeait les candidats sur leur approche d’un « zéro artificialisation nette en 2050. Alors que depuis des décennies, les villes ont pris les terres planes de bonne qualité agronomique, quelle gestion des centres-villes derrière ? ». Autre question concernant toujours la gestion du foncier, mais cette fois-ci en lien avec la « décarbonation des énergies » et en particulier pour développer les énergies renouvelables. « L’agriculture est sollicitée : méthanisation, éolien, photovoltaïque sur toits et maintenant agrivoltaïsme. Par contre, il existe de vraies distorsions entre exploitations plus ou moins éloignées des points de branchement électrique. Quelles positions adopter entre production alimentaire ou production d’énergie et artificialisation des terres ? »

Deuxième salve

N’allez pas croire que les premiers à passer furent désavantagés par rapport aux suivants qui auraient eu tout loisir de mieux préparer leurs réponses. Ces dernières devaient être de plus en plus précises au fil de la matinée ce 1er juin. Car évidemment, tous les candidats sont pour un meilleur revenu agricole, tous sont pour plus de services publics dans les territoires ruraux, tous sont pour une agriculture respectant l’environnement, tous sont pour le renouvellement des générations… et les membres du Conseil de l’agriculture avaient bien l’intention de pousser les réflexions des candidats au-delà de ces banalités.
« Nos métiers rencontrent de vraies difficultés à être rémunérés à leur juste valeur. Mais il y a aussi la question du pouvoir d’achat des Français. Quel arbitrage choisir entre Bercy ou le ministère de l’Agriculture ? », relançait Christian Bajard pour la FDSEA. « La moitié des agriculteurs est à renouveler en dix ans. Comment attirer des hors cadres ? Comment améliorer la productivité des exploitations alors que les jeunes cherchent de la valeur ajoutée sans agrandir ? », voulait savoir Marine Seckler.

Troisième salve

Au fur et à mesure, les candidats étaient questionnés toujours plus précisément, les obligeant à dévoiler les limites de leurs programmes. Sur la question du changement climatique, le président de la Fédération des caisses locales Groupama de Saône-et-Loire, Luc Chevalier, rappelait « les aléas climatiques qui grèvent l’avenir des exploitations et le budget des assureurs et de l’État en complément de la prise en charge tripartite dans la future réforme sur la gestion des risques climatiques », leur demandant implicitement s’ils sont prêts à voter des budgets de plus en plus conséquents pour défendre la souveraineté alimentaire. S’enchaînaient aussi des questions sur la « fiscalité des successions », « les faibles retraites agricoles », « l’élevage en bâtiment ou en plein air », « les subsides dans les zones environnementales », « la protection du foncier », « sur la lourdeur administrative »… et parfois même, des questions opposées sur les lois actuelles comme sur ÉGAlim 2 et la contractualisation. « Il faudrait déjà faire appliquer la loi ! Sinon, quelles sanctions ? », réclamait Michel Joly, pour la section bovine FRSEA. « Il ne se fait pas de contrats. Éleveurs et négociants n’en veulent pas. Changez la loi », plaidait Paul Pacaud, président du Syndicat des commerçants en bestiaux de Saône-et-Loire.
Après quatre heures de réponses (dans notre prochain numéro), Christian Bajard concluait. « On travaille et on retravaillera avec vous, députés élus. Cette matinée, fort constructive, reste frustrante tant il y a de sujets que nous n’avons pas pu aborder : gestion de l’eau, régulation des loups, agribashing et communication positive sur l’agriculture, développement du bio, formation agricole… », listait-il encore. Son dernier message n’était cependant pas une question mais cette fois, une affirmation : « L’agriculture et la viticulture sont de réelles forces pour la Saône-et-Loire et nous travaillons avec tous les élus pour tirer le meilleur possible de nos territoires », concluait le président du Conseil de l’agriculture, appelant tous les citoyens à voter, « tellement important pour notre démocratie, surtout lorsqu’on voit les régimes dans d’autres pays ».

La ruralité a aussi plein de questions

La ruralité a aussi plein de questions

« La France a l’agriculture la plus durable au monde, contribuant à l’attractivité de nos territoires. Mais ces efforts discrets ne se voient pas, la société ne le ressent pas, pire, certains médias et politiques entretiennent le soupçon permanent sur les phytosanitaires, les antibiotiques… », débutait Luc Jeannin, vice-président de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, réclamant des mesures pour restaurer une image positive car cela rejaillit, entre autres, sur « les déserts vétérinaires. Les élèves choisissent de soigner les chiens-chats en ville. Quels cursus, schémas et que faire demain pour soigner nos animaux ? »
Une question qui résonnait à l’oreille du vice-président de CERFrance 71 sous une autre forme : comment « déjà faire envie de devenir agriculteur, gagnant bien sa vie, et qui peut embaucher derrière », ou faire appel à des services.
Siégeant à la région Bourgogne Franche-Comté pour l’emploi agricole et viticole, Bernard Moreau, responsable départemental de cette section à la FDSEA, se posait la question du « solde résiduel des chômeurs », à près de 5 millions en France (2,9 en catégorie A ; 2,2 en B et C). « En Saône-et-Loire, 2.000 salariés (ETP) travaillent principalement en viticulture. Les allocataires RSA peuvent cumuler sans perte avec les vendanges. Pourtant, seulement 70 sur 20.000 l’ont fait en Côte-d’Or. Pôle Emploi n’a pu fournir que 100 vendangeurs en Saône-et-Loire l’an dernier. Faut-il s’étonner de voir les entreprises de travaux agricoles et des travailleurs étrangers venir toujours plus nombreux ? »
Pour le réseau éducatif Cneap, Rémy Guillot élargissait aux emplois ruraux : « qu’attendez-vous des formations agricoles et des services en milieu rural ? Faut-il condamner nos anciens à partir en hospices car les services à la personne faillissent ? »
Président de l’Union des maires des communes rurales (UMCR 71), Jean-François Farenc allait plus loin sur la « fiscalité rurale » et notamment sur « les zones de revitalisation rurale. Que prévoyez-vous alors qu’arrive l’échéance des avantages fiscaux et sociaux dans 18 mois ? » La présidente de la Fédération des chasseurs, Évelyne Guillon critiquait le fait que la « ruralité est la grande oubliée des politiques publiques passées », questionnant sur le retour d’un ministère pour l’aménagement du territoire.
Enfin, président de la Propriété privée rurale de Saône-et-Loire, Bruno Keller interrogeait sur le « long terme. Quelle ruralité voulons-nous à 20 ans ? Nous sommes des apporteurs de capitaux stables au service de l’agriculture. Comment en attirer de nouveaux ? »