INTERVIEW
Philippe Juven : « Remettre en place des poules et réalimenter la production »

Mortalité élevée en poules pondeuses et poulettes, pertes importantes en canards et canetons, la grippe aviaire a provoqué un raz-de-marée chez les éleveurs dont certains auront du mal à se relever. Retour sur l’épidémie avec Philippe Juven, président du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO).

Philippe Juven : « Remettre en place des poules et réalimenter la production »
Philippe Juven, président du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO). ©DR

Quelle est la particularité de cette épizootie pour les éleveurs ?

Philippe Juven : « C’est une crise inédite par son ampleur et sa durée. La seconde vague d’influenza aviaire qui a commencé en février a eu un impact considérable pour les élevages. Les couvoirs ont été particulièrement touchés ce qui a affecté très durement la filière. Selon les chiffres du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog), en 2021 et 2022, 3,5 millions de canards - notamment dans le Sud-Ouest - ont été décimés et 5 à 6 millions de canetons vont manquer sur le marché national. »

Comment l’interprofession a-t-elle travaillé avec les pouvoirs publics ?

P.J. : « D’après nos estimations, la région des Pays de la Loire possède un couvoir représentant 40 % de la production française. Avec les pouvoirs publics, nous avons dû relever le défi de le désinfecter entièrement. Pour ce faire, nous avons privilégié la connaissance des bâtiments et la mise en place des élevages sous haute surveillance sanitaire. Nous avons aussi multiplié les tests sur les poules pondeuses et les poules reproductrices. Grâce à des protocoles d’accord, nous avons pu limiter l’impact de cette crise. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les services de l’État au niveau régional et national. »

Quel est l’impact de cette crise sur la production d’œufs ?

P.J. : « Les effets de cette crise sont conséquents avec une baisse de 9 % de la production nationale d’œufs. Pour cette année, il y aura un faible impact pour les œufs de consommation. L’approvisionnement en œufs coquilles sera assuré dans les circuits de distribution, en GMS et hard-discount. Mais pour l’industrie et la restauration, il manquera des volumes importants d’œufs. Nous travaillons avec les interprofessions et les organisations pour remettre en place des poules et réalimenter la production. Le ministre de l’Agriculture s’est engagé à soutenir la filière avicole, et des acomptes seront versés aux éleveurs. Les pertes sont en cours d’évaluation, le montant du préjudice sera connu en septembre 2022. »

Certaines filières auront-elles plus de difficultés à se relever ?

P.J. : « Sans doute, oui. Je pense à la filière palmipèdes (canards pour le foie gras), la plus touchée par le virus dans le Sud-Ouest, où l’on constate d’ores et déjà de gros dégâts sur le terrain. Cela devrait avoir une incidence forte sur la production de foie gras. En mai, on constate déjà, selon l’Itavi, une baisse d’approvisionnement en canards de 50 % pour la région Auvergne-Rhône-Alpes. Cette filière aura du mal à repartir. Il sera difficile de remettre en place une chaîne avec des poussins. »

Peut-on estimer les dégâts en matière d’emploi dans ces filières ?

P.J. : « Il y a déjà des entreprises qui ont baissé ou ralenti leur volume d’activité. Elles vont devoir compenser par des importations européennes en œufs. Nous constatons déjà des conséquences sociales sérieuses au niveau des élevages, notamment dans la filière ponte. »

Propos recueillis par Pierre-Louis Berger