Éco-régimes dans la future Pac 2023-2030
Régimes secs !

Cédric MICHELIN
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Alors que les négociations autour de la place de l’environnement dans la future Pac 2023-2030 sont au cœur de tous les débats, que se cache-t-il vraiment derrière les éco-régimes, également nommés eco-schemes (prononcé écoskime, NDLR) ? Voici une tentative pour comprendre ce qu’il en sera demain pour les agriculteurs de Saône-et-Loire.

Régimes secs !

Des pratiques plus vertueuses pour l’environnement. Voici la promesse que chacun formule à son niveau. Reste que comme beaucoup de définitions en agriculture, ceci ne va pas de soi. Qu’est-ce que l’agriculture paysanne ou industrielle ? Est-ce plus écologique de faire des hauts rendements ? Qu’est-ce qu’une pratique vertueuse, traditionnelle ou innovante ? Etc. Personne n’a de réponse, ni la même réponse, y compris dans des cahiers des charges officiels AOC, Labels, AB ou HVE.
C’est pour ramener un peu de raison, et de concret surtout, que le conseil d’administration de la FDSEA de Saône-et-Loire a demandé au directeur de la FRSEA de Bourgogne Franche-Comté, Alex Sontag, de venir faire une présentation sur le thème des futurs éco-régimes lundi 14 juin à Lugny. Si son exposé était clair et bien construit, tout ce qui touche à la Pac est forcément complexe et à tiroirs administratifs, alors que les négociations allaient encore bon train à Bruxelles qui venait de voir achopper un premier super-trilogue (lire aussi en page 3).

Trois voix d’accès, deux niveaux de paiement

Première chose à savoir pour une exploitation, les éco-régimes seraient accessibles via trois voies. Soit via des pratiques agricoles en place où à mettre en place sur votre exploitation. Soit via des certifications, ce qui revient au même mais évite de multiplier les déclarations. Soit via des itinéraires agroécologiques qui sont d’ailleurs également pris en compte dans les deux premières voies d’accès.
Voilà pour l’accès à ces aides à des pratiques environnementales « vertueuses ». Mais qu’en est-il des paiements ? L’Europe prévoit deux niveaux de paiements : niveau 1 et niveau 2, le plus élevé. Si l’on reprend à l’inverse des voies d’accès, les exploitations avec plus de 10 % de leur SAU avec des pratiques agroécologiques (IAE pour infrastructures agro-environnementale dans le jargon bruxellois) auront accès au plus haut niveau, le 2. Les exploitations comptant moins de 10 % de leur SAU en IAE, ne pourront prétendre qu’au niveau 1 des aides.
Maintenant, côté de la voie d’accès via une certification. La certification HVE (niveau 3) ou AB donne accès au niveau 2 des aides. Les autres certifications environnementales ou HVE (jusqu’au niveau 2+) ne donnent accès qu’au niveau 1.
Enfin, la voie d’accès via les pratiques agricoles est différente selon qu’il s’agit de surfaces en terres arables, s’il s’agit de prairies permanentes ou s’il s’agit de cultures permanentes. Pour ces dernières, type vignes chez nous, si 95 % des inter-rangs sont enherbés, elles atteignent le niveau 2. Côté des prairies permanentes, ce même niveau 2 n’est accessible dès lors que 90 % ou plus de ces surfaces sont non-labourées.

Des points pour les terres arables

Pour les terres arables, la mécanique se complexifie encore un peu plus. Des points seraient attribués selon les grands itinéraires et l’assolement. Le niveau 1 des aides est atteint à quatre points. Le niveau 2 est atteint à cinq points. Il faut additionner les pratiques pour cumuler des points. Des pourcentages de surface et des plafonds entrent toutefois dans le calcul (voir tableau).
Bien que toutes les règles des éco-régimes ne sont pas encore pleinement connues, la FRSEA de Bourgogne Franche-Comté a réalisé une enquête pour tenter de simuler « l’accessibilité » aux aides éco-régimes, dans un premier temps, des exploitations en l’état dans la région. Faute d’avoir assez de réponses, les simulations ne sont pas encore assez fiables. L’enquête n’est pas terminée et chacun peut se rapprocher des services de sa FDSEA pour remplir le questionnaire. L’impact financier sur les aides ne peut donc pas non plus être évalué à ce stade, ni les conséquences techniques et économiques à long terme.

Adieu colza-blé-orges !

Cependant, au vu des répondants en élevage ou en polyculture élevage, 100 % entreraient au minimum au niveau 2 avec, cependant, des différences de points cumulés, en fonction des surfaces labourées, des prairies permanentes, des rotations de cultures, des jachères… Pour l’heure, seule une minorité des exploitations en polyculture-élevage de Bourgogne Franche-Comté semblent néanmoins promises au niveau 1 des éco-régimes : des exploitations avec prairies permanentes et avec céréales d’hiver et de printemps mais sans légumineuses, soja, colza, tournesol.
Car c’est bien du côté des exploitations faisant 100 % de cultures que les éco-régimes sont le plus inquiétant pour obtenir les anciens montants des aides du premier pilier de la Pac. Une exploitation en grandes cultures avec une rotation classique colza-blé-orges n’obtiendrait que deux points seulement et serait donc exclue des éco-régimes. Il lui faudra nécessairement intégrer des cultures fixatrices d’azote ou des prairies temporaires pour récupérer des points et espérer obtenir des aides éco-régimes et encore de niveau 1.

Assouplissements régionaux ?

À ce stade donc, les questions sont encore plus nombreuses que les réponses. La profession continue de faire pression pour qu’un maximum d’exploitations et d’itinéraires déjà vertueux de Bourgogne Franche-Comté puisse entrer dans ces dispositifs. « Les éco-régimes auront des incidences sur les exploitations agricoles. Les responsables professionnels se mobilisent pour prendre en compte les spécificités agricoles de la région comme la polyculture élevage ou les règles pour les prairies permanentes », précise Luc Jeannin.

Ne pas oublier les mesures agro-environnementales du deuxième pilier 

« Dans le cadre de la simplification prévue des MAEC, ces mesures sont appelées à évoluer », annonce Alex Sontag. À l’heure actuelle, elles représentent quand même une enveloppe de 87 millions d’€ en BFC sur sept ans (des derniers PDRR), avec notamment des MAEC « localisées qui ont des enjeux importants pour certains territoires ». En parallèle, l’administration française et régionale est déjà en train de consulter la profession pour rédiger ces nouvelles mesures, afin « d’être prêt dès 2023, pour éviter le retard au démarrage comme avec le précédent logiciel » fourni aux DDT et Régions.
La FRSEA et les FDSEA se préparent à apporter leurs visions et des « amendements » au projet, avec la création de la MAEC zones intermédiaires.
Les nouvelles règles environnementales du premier pilier conduisent à modifier celles du deuxième. Dans ce cadre, certains animateurs de MAEC jouent à la surenchère en demandant l’interdiction de la fertilisation, sans compter celles demandées par le niveau national comme le diagnostic agroécologique, les formations obligatoires, etc. La FRSEA demande des « assouplissements », car il faudra prendre en compte les effets du changement climatique.

PSN : un catalogue de 24 MAEC

Les services de la DGPE (ministère de l’Agriculture) ont envoyé fin mai aux parties prenantes leurs propositions concernant les mesures agro-environnementales (MAEC) de la future Pac, dans le cadre de la déclinaison française du Plan stratégique national (PSN). Il s’agit d’un catalogue de 24 MAEC, avec pour chacune jusqu’à trois déclinaisons possibles. En accord avec la grille d’évaluation de Bruxelles, ces mesures seront réparties en quatre catégories : eau, sol, climat/bien-être animal et biodiversité. Les MAEC localisées à la parcelle concerneraient principalement la dernière catégorie. En grandes cultures, les seuils retenus pour la MAEC Eau seraient renforcés : le niveau 2 serait obtenu en-dessous de 30 % de l’IFT de référence, contre 50 % précédemment. Comme par le passé, les MAEC systèmes seront réservées aux zones définies par les programmes agro-environnementaux et climatiques (PAEC). Les organisations professionnelles agricoles doivent désormais se prononcer sur la copie ministérielle.