Témoignage
Le « bio » dans les faits

Françoise Thomas
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Les jeunes témoignent d’une vraie attente en matière d’engagement des sociétés sur leurs pratiques environnementales. Ils reportent ainsi cette responsabilité sur leurs ainés. Comment s’emparer de cette problématique quand on est à la tête d’un domaine. Éléments de réponse avec Jean-Luc Vitoux, directeur Château de la Commaraine, des Parcellaires de Saulx et du Domaine Belleville et membre de la commission marchés et développement du BIVB.

N’y a-t-il pas un aspect contradictoire entre les attentes sociétales des jeunes et leur manque de confiance dans les labels qualité, dont le label bio ?

Quand on lit l’étude, il n’y a pas de contradiction absolue. Ce qui ressort c’est que pour les millennials la notion de label bio est vague. Ils ne savent pas ce qu’il y a dedans. Pour cette génération qui va très vite, il faut donc développer une approche plus pragmatique, plus précise en expliquant ce que l’on fait de façon pratique. On a commencé dans nos actions et dans notre communication avec une réduction du poids des bouteilles, des approches de biodiversité dans nos vignes, en arrêtant le brûlage des serments, entre autre. Ainsi au lieu de se contenter de dire qu’on est en bio, il faut que l’on explique ce que cela signifie, quelles sont nos démarches concrètes et aller au-delà de ce qui est contenu dans la certification bio.

Comment adapter ce discours ?

Nous devons adapter certes un peu nos pratiques mais surtout notre communication vis-à-vis des jeunes de façon générale, mais aussi de façon plus commerciale, en changeant notre approche. Le domaine de Commaraine s’est bien évidemment lancé sur les réseaux sociaux, en faisant passer des messages plus concrets. On faisait déjà tout un tas de truc, mais on ne communiquait pas dessus. On peut donc parler de notre système de récupération d’eau de pluie par exemple, même si ce n’est pas toujours facile sur Instagram !

Nous développons ainsi toute une communication vers l’ensemble de notre clientèle à laquelle on explique ce que l’on fait dans les vignes, à la cuverie, en distribution. Quand on fait un traitement à base de corne, on explique pourquoi, le message devient plus éducatif.

Mais cette évolution de la communication pour fournir des explications pratiques nécessite aussi de revoir notre mode de distribution. Dans la chaine de distribution classique, le message est moins lisible et se perd. À nous donc de nous engager plus dans un process de vente directe, où nos explications et notre message pourront plus se faire au cours de l’échange commercial que l’on va avoir avec le client.

Cette étude a interpelé l’ensemble de la profession sur ces fondamentaux ?

Il est clair que toute l’interprofession a été sensibilisée par cette étude exhaustive et passionnante, qui remet en cause nos prérequis et qui nous montre à quel point il est nécessaire de se rapprocher de nos consommateurs de demain. Cela dit, il faut bien se rendre compte de la rapidité avec laquelle les choses évoluent. Et qu’à l’intérieur même de ces millennials, les différentes générations n’ont pas les mêmes visions, leurs exigences sont différentes. Donc nos consommateurs de demain ne sont pas nos consommateurs d’après-demain, etc. Nous devons être dans une dynamique d’adaptation permanente notamment en travaillant sur d’autres moyens de distribution. Nous n’en sommes encore qu’au prémices, mais nous réfléchissons à de nouveaux vecteurs type blockchain, systèmes d’achats dématérialisés, etc.