Union viticole
Réunion pré-vendanges : faire face aux problèmes de main-d'oeuvre

Florence Bouville
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Le 27 juillet, l’Union viticole 71 a organisé une journée dédiée à la préparation des vendanges, axée sur les volets administratif et réglementaire. Deux rendez-vous étaient donnés : le matin au Vinipôle de Davayé pour le secteur Mâconnais Beaujolais et l’après-midi à la cave de Buxy, à destination des viticulteurs du Couchois et du Chalonnais. Dans un timing serré, plusieurs intervenants ont, tour à tour, pris la parole ; évoquant principalement les problématiques de l’emploi (recherche de main-d’œuvre, attractivité, prérequis…).

Réunion pré-vendanges : faire face aux problèmes de main-d'oeuvre
Le 27 juillet, adhérents et non adhérents de l'Union viticole 71 étaient conviés à une réunion pré-vendanges, le matin au Vinipôle de Davayé, l'après-midi à la cave de Buxy.

Acteurs et partenaires sont nombreux à traiter de la thématique pré-vendanges : MSA, Pôle emploi, chambre d’agriculture, service emploi FDSEA… Toujours dans l’optique qu’avec « tout le monde on est plus forts », comme le soulignait en introduction Patrice Fortune, président de l’Union viticole.

Prestations de service versus ETT

Cinthia Bounouar, inspectrice du travail à la Deets (Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités), est revenue sur les différences clés entre Entreprise de travail temporaire (ETT) et prestataire de services. Ici, on laisse donc de côté les groupements d’employeurs, très répandus dans le secteur agricole, régis par une autre réglementation et assurant des avantages bien spécifiques.

En faisant appel à une prestation de service, l’exploitant agricole doit savoir qu’il n’a pas à fournir le matériel de travail. Il s’engage par contre à ce que les prestataires ne soient pas mêlés aux autres salariés. En effet, ils ne font pas partie de la même équipe ; leurs missions demeurent indépendantes. « Vous n’avez pas à chapeauter leurs travaux », précise Cinthia Bounouar. Normalement, cela ne pose pas de problème, dans la mesure où la prestation répond à un besoin de savoir-faire spécifique. Par contre, lorsque la prestation intervient lors d’un trop-plein d’activité, typiquement pour les vendanges, les conditions peuvent sembler plus difficiles à respecter, faisaient remarquer les viticulteurs. À noter, par ailleurs, que la rémunération du ou des prestataires se traduit toujours par « une somme forfaitaire ». Si jamais un coût horaire figure dans le contrat, il ne faut pas le signer ! Attention également pour tout ce qui entre dans le cadre d’une Prestation de service internationale (PSI). Est notamment requise une demande de déclaration préalable de détachement. En sachant que tous les documents doivent être demandés en français ; la traduction étant à la charge de l’entreprise étrangère. La liste complète des documents destinés aux travailleurs extracommunautaires est consultable sur le site de la Dreets. Cinthia Bouanar en arrive finalement à la conclusion que beaucoup partagent : « la prestation est-elle vraiment adaptée aux vendanges ? ». Pas sûr, mieux vaut un groupement d’employeurs.

D’autre part, en optant pour une ETT, l’idéal est de loger salariés et intérimaires sous le même toit. Les coûts ne sont, toutefois, pas les mêmes. La FDSEA se bat pour obtenir le droit de loger les vendangeurs sous tente, compte tenu du réchauffement climatique et des vendanges en août plus souvent. La limite nord étant fixée au Rhône voisin pour l’heure.

Problèmes de main-d’œuvre : personne n’a LA réponse

Christophe Gay, directeur départemental à Pôle emploi, est bien conscient des difficultés que rencontrent les viticulteurs et vignerons du territoire pour trouver des vendangeurs. Il insiste sur le fait que « plus on multiplie les canaux de recrutement, mieux c’est ». En effet, Pôle emploi n’a « pas la volonté d’avoir l’exclusivité, au contraire », ajoute-t-il. D’ailleurs, pour rappel, la plateforme VITA Bourgogne et les sites plus généralistes tels qu’Indeed, transfèrent directement les offres renseignées à Pôle emploi. Des données permettant de quantifier les besoins et ainsi permettant d’appuyer le besoin d’aides futures de l’État.

Passé ces précisions, plusieurs personnes présentes ont directement interpellé le directeur. Les années précédentes, malgré les efforts fournis, les équipes n’affichaient pas complet. Chaque année le même problème revient. Même la mise en place de navettes quotidiennes n’avait pas suffi. En sachant également que les jeunes étudiants ne peuvent pas travailler le week-end ; « cela empêche un jeune de travailler qui en aurait pourtant vraiment envie », a fait valoir une viticultrice. Les participants n’ont ainsi pas caché leur ras-le-bol. « Aujourd’hui, on accepte tout le monde », résume Patrice Fortune. L’an passé, il avait embauché trois travailleurs percevant le RSA. Ces derniers pouvant tout à fait cumuler les deux sources de revenu, grâce à la dérogation renouvelée du Département.

Concernant la date des vendanges, pour ceux qui produisent du chardonnay et du pinot peu chargé, « mieux vaut se préparer dès la dernière semaine d’août », indique Patrice Fortune. Le nord vendangeant avant le sud ses vins tranquilles. Les autres cépages seront a priori récoltés à partir de la première semaine de septembre.

Santé de la vigne

Santé de la vigne

Benjamin Alban, directeur du Vinipôle et chef du service vigne et vin de la chambre, a fait état de la progression des maladies (cryptogamiques et autres) dans le secteur. Depuis janvier 2023, chaque mois de l’année a vu ses températures mensuelles au-dessus de la normale ; soit +1,5°C si l’on parle de climatologie par rapport aux dix dernières années. Du côté de la pluviométrie, le déficit jusqu’en février a laissé la place à des orages et pluies depuis mai-juin, sans oublier les orages et dégâts de grêles et vents. Résultats, une « grosse pression mildiou avec des pertes sur grappe, jusqu’à 50 % de pertes par endroits, plutôt dans le Mâconnais », estime Benjamin Alban. Idem pour l’oïdium qui devrait occasionner « quelques pertes ». « Et la messe n’est pas complètement dite », regrette-t-il alors que les derniers traitements ont eu lieu. Espérons que la protection tienne. La « bonne nouvelle » fut cette campagne du « peu de black-rot » et « pas trop de dégâts de ravageurs (cochenilles, manges bourgeons…) ».

Cette année, la pression du mildiou est très forte, ce qui a surpris tout le monde. Le mildiou est donc à l’origine de dégâts importants, notamment sur la commune de Sologny, où l’on compte d’ores et déjà 50 % de pertes. Globalement, les pourcentages annoncés tournent plutôt autour des 10-15 %, dans le Mâconnais. Concernant l’oïdium, les pertes demeurent moins élevées ; la maladie touche actuellement davantage le Nord Mâconnais. Bonne nouvelle tout de même, le black-rot, ciblant historiquement le Beaujolais, est mois agressif que prévu. Alors que la situation d’alerte avait été prononcée, on déplore peu de dégâts. Patrice Fortune explique ensuite que toutes analyses issues de prélèvements "flavescence" sur les communes de Saint-Amour, La Chapelle-de-Guinchay et Romanèche-Thorins, se sont révélées positives. Il invite ainsi les viticulteurs à couper les pieds (sans les arracher) sans attendre les prélèvements et analyses supplémentaires. Même s’il peut s’agir de jaunisse, mieux vaut intervenir le plus tôt possible. D’où l’intérêt grandissant des prospections. Du côté des ravageurs, les vignes du Sud Mâconnais sont toujours peuplées de cochenilles, et aucune solution technique ne semble pour l’instant pouvoir y répondre.

Petit point sur les phytos, Benjamin Alban rappelle enfin l’obligation de recourir à un Conseil stratégique phytosanitaire (CSP), délivrant une attestation nécessaire au renouvellement du Certiphyto. Démarche obligatoire sauf pour les producteurs bios et HVE (niveau 3). Pour plus d’informations, n’hésitez pas à contacter vos conseillers chambre.

Le dispositif d'immersion en entreprise

Dispositif peu connu, pourtant utile : la PMSMP. Acronyme quelque peu barbare désignant une Période de mise en situation en milieu professionnel. Cette immersion passe par la signature d’une convention en commun, entre un potentiel futur travailleur, un entrepreneur et Pôle emploi. Il s'agit d'une convention entre Pôle Emploi et la personne pour une mise à disposition sur une période variable, allant d'un jour à un mois maximum. La personne n’est ainsi pas salariée. Un dispositif permettant de voir si la personne est intéressée par le métier. Un dispositif plutôt destiné à recruter des salariés plutôt que des vendangeurs.

Il est important de préciser, en l’appliquant au secteur agricole, qu’une fois accueillie sur l’exploitation, la personne garde son statut actuel (demandeuse d’emploi par exemple). Au cours de la période d’immersion, variant entre un jour et un mois, la couverture sociale ainsi que la rémunération du "travailleur en découverte" sont entièrement supportées par Pôle emploi. Cette période est renouvelable une fois et peut très bien être suivie par une formation, dans ce cas-là sous le statut de stagiaire. L’exploitant n’aura toujours rien à verser de sa poche. Tout accident devra être signalé à Pôle emploi dans les 24 heures qui suivent.

À l’heure où les réorientations professionnelles et les expériences de "vis ma vie" se multiplient, la PMSMP permet de « montrer ce qu’il ou elle est capable de faire dans le métier », explique Christophe Gay. « Nous, cela nous intéresse mais eux ? », questionne justement une viticultrice. Ce à quoi le directeur départemental Pôle emploi lui répond que si, notamment « pour les jeunes et les personnes en reconversion. En insistant sur la découverte », ajoute-t-il. Même si ce dispositif ne peut être utilisé lors des vendanges – cela reviendrait à prendre quelqu’un uniquement pour la période des soldes – il n’en demeure pas moins intéressant. Au bilan, il « donne de très bons résultats, le plus difficile est de trouver des candidats ». On retombe sur l’éternelle question de la main-d’œuvre disponible et mobile.