Grandes cultures en Saône-et-Loire
La "cata" en orge, soja et maïs !

Cédric MICHELIN
-

Ce 29 septembre à la coopérative Bourgogne du Sud à Chalon Sud, la section céréalière de la FDSEA de Saône-et-Loire s’est réunie pour faire un premier bilan des moissons, mesurer l’impact de la sécheresse, réclamer des mesures d’aides (dégrèvements TFNB, calamités, etc.) et envisager les solutions à l’avenir. Sécheresse, irrigation, plan protéines, puits de carbone, Pac, zones intermédiaires…, nos céréaliers se trouvent à la croisée des chemins et le pas de temps s’accélère.

La "cata" en orge, soja et maïs !

D’abord, ne leur parlez pas de l’obligation de semer leurs SIE « dans du sec » au risque de les voir s’énerver tout net après l’été le plus sec de l’histoire de France : « faire de la paperasserie pour devoir justifier que cela n’allait pas pousser, c’est ridicule. C’est pénible aussi de devoir attendre une dérogation pour une sécheresse que tout le monde voit ». Alors quand vient le bilan des moissons, où il est donc question des cultures de printemps qui ont été « à la peine », c’est du même acabit : « c’est la cata en maïs et en orge. Et encore, en orge, on ne compte pas dans la moyenne tout ce qui s’est retourné ou a été détruit. Il ne restait que les "moins pires" ». Ou encore du tournesol resemé à la place de colza… Bref, l’année 2020 a fait le yoyo entre des cultures d’automne « dans la moyenne » et des cultures de printemps dont la fourchette des rendements va « du simple au triple ». La moyenne ne voudra donc rien dire sur l’année. La situation doit être appréciée à l’échelle de chaque exploitation, de chaque secteur, de chaque parcelle.

Symbolique TFNB

Dès lors, la section céréalière de la FDSEA et les JA ont demandé des dégrèvements d’impôts fonciers (auprès de la DGFIP). Une tournée « pré-calamités » s’est rendue dans le Chalonnais et la Bresse notamment avec la DDT. « Mais l’administration doit comprendre que nos estimations ont été divisées par deux en un mois pour le soja ». Une façon de dire que l'État doit entendre le caractère exceptionnel de cette année 2020. La demande porte sur les prairies et vaut aussi pour les terres arables. « Ce dégrèvement TFNB est un geste limité financièrement mais ô combien symbolique pour nous ». La FDSEA met donc la pression et a déjà rencontré plusieurs parlementaires de Saône-et-Loire ainsi que le préfet.

Quelle gestion de l’eau ?

Forcément, après trois années de sécheresse, la situation à plus long terme interroge. « Le sujet de l’assurance récoltes est sur la table de la Pac 2022 avec celui des aides pour les zones intermédiaires », rappelait Lionel Borey, le président de la section. Mais les choses s’accélèrent en local. Ainsi, un projet d’arrêté de la préfecture de Région pourrait venir modifier la gestion départementale des comités sécheresse qui débattent des restrictions d’eau. La gestion pourrait devenir « inter-départements et liée au bassin des rivières », provoquant dès lors de nouveaux centres de décision. 54 secteurs sont déjà cartographiés pour la région. Si des dérogations automatiques seraient possibles (semences, maraichage…), par contre des plages horaires d’interdiction d’irriguer seraient rallongées, avec interdiction les weekends notamment. Pour Emmanuel Buisset, ce sujet est prioritaire. « Il nous faut anticiper et être force de proposition pour savoir quels types d’irrigation ou d’arrosage on met en place ? ». Car comme l’avait fort justement remarqué, Cédric Gautheron, « arroser une culture est parfois pire, si l’eau est coupée et que les racines ne sont pas descendues en juillet ». Benoit Regnault va donc programmer avec le CSEA du Grand Chalon une nouvelle réunion sur l’eau avec Bertrand Dury et Antoine Villard de la chambre d’agriculture. Pour Stéphane Bernolin, la « Bresse est une ancienne zone à étangs. On a déjà les digues. Il nous faut garder notre eau en hiver plutôt que la retrouver à Fréjus pour arroser des massifs de fleurs ». Les « casiers » contre les inondations le long de la Saône et d’autres pourraient également servir. La réunion répondra dans un premier temps aux questions réglementaires que chacun se pose avant d’envisager de recenser les besoins locaux et ouvrages possibles.

Des paradoxes à éclaircir

« Nos zones intermédiaires ont connu de rudes années. Il nous faut pousser un renforcement de l’assurantiel pour la future Pac », qui pourrait prendre un tournant vers une « assurance revenu », pour contenter les productions « sols » et « hors-sols ». Autre piste de travail sur laquelle avance la FDSEA de Saône-et-Loire, les « compensations carbones » (lire page 2). Les agriculteurs sont porteurs de solutions pour « des industriels, des entreprises » qui vont devoir compenser leurs « productions et services polluants ». Mais là encore, il faut « s’inscrire correctement » dans la démarche nationale pour que les agriculteurs de Saône-et-Loire puissent en bénéficier au final. Rien n’est gagné et les trois administrateurs (AGPB, AGPM, FOP) regrettaient la fin d’Orama (union qui fédérait les trois associations spécialisées) qui aurait pu porter ce dossier « transversal », expliquait Philippe Couzon. Et faire entendre la voix de la Saône-et-Loire car derrière se cache des « paradoxes entre agriculture extensive et stockage de carbone des cultures intensives ; avec priorité au bio ; fin du glyphosate et du non-labour ; mais aussi le fait de manger moins de viande et avoir plus de prairies… ».
Dernier dossier : le plan Protéines inscrit dans le plan de Relance face au Covid-19. « La réactivité sera nécessaire pour proposer des projets économiques pour améliorer la production et la consommation en local, tant pour l’animal que pour les humains ». Derrière tous ces changements, c’est tout l’assolement qui pourrait s’en trouver bouleversé à long terme.