Charolais de Bourgogne
La restauration collective changerait-elle enfin sur les produits de qualité ?

Marc Labille
-

Jusqu’alors, les viandes sous signes de qualité peinaient à percer dans la restauration collective. Changer les habitudes d’un secteur encadré par les règles de la commande publique, c’est possible, sont venus témoigner les intervenants de la table ronde organisée par Charolais de Bourgogne fin septembre à Paray-le-Monial.

La restauration collective changerait-elle enfin sur les produits de qualité ?
Pour la députée Josiane Corneloup, une évolution du code des marchés publics, des améliorations à la loi ÉGALIM, le déploiement des plans alimentaires territoriaux sont autant de pistes pour améliorer la prise en compte des signes de qualité dans la restauration collective.

Le 22 septembre dernier, l’IGP Charolais de Bourgogne organisait une conférence débat sur la place des signes officiels de qualité dans la restauration collective. Comme le présentait en ouverture le président Régis Taupin, sur les 800 tonnes de viande bovine absorbées par la restauration collective en Bourgogne, le Charolais de Bourgogne en fournit à peine 70… Un constat amer pour la filière née il y a vingt ans et qui compte aujourd’hui 850 élevages adhérents dont 400 rien qu’en Saône-et-Loire. En Allemagne, la restauration collective consomme 70 % de produits locaux ou sous signe de qualité alors qu’en France, ce taux de pénétration est de seulement 30 %, déplorait Régis Taupin. Agréé IGP depuis 2017, Charolais de Bourgogne a connu une montée en volume atteignant 356 tonnes en 2019. « Mais le Covid-19 vient de nous donner un coup de frein terrible ! », regrettait le président. Une situation d’urgence qui motivait cette table ronde à Paray-le-Monial en présence d’acteurs de la restauration publique.

Faire avec le code des marchés publics

L’échange débutait par le témoignage de la responsable de la cuisine centrale de l’hôpital de Paray-le-Monial, Isabelle Lagoutte. La structure réalise 1.840 repas par jour pour un total de 480.000 couverts par an, présentait l’invitée. Malgré ces chiffres et leur dimension industrielle, la cuisine centrale de l’hôpital de Paray-le-Monial parvient à pratiquer une restauration « maison », assurait-elle. Pour ses approvisionnements, la cuisine centrale est « soumise au cadre réglementaire régissant les achats publics », confirmait Isabelle Lagoutte. Cela impose dans les appels d’offre de rédiger « des critères techniques neutres ». Autrement dit, il est exclu d’imposer une origine géographique telle que « Bourgogne ». Mais le critère « viande charolaise » n’est pas interdit, faisait remarquer la responsable qui révélait par la suite que sa cuisine s’approvisionne malgré tout auprès de Charolais-Viande, l’abattoir de Paray-le-Monial situé à moins de cent mètres.

Car si « le code des marchés publics interdit de spécifier une denrée particulière ou une provenance géographique, la commande publique ne fait pas obstacle à la proximité », confirmait la députée Josiane Corneloup. En clair, il existe des « stratagèmes » pour composer avec ce cadre légal. Ce que parvient à accomplir la cuisine centrale de l’hôpital de Paray-le-Monial quand elle privilégie des viandes charolaises de qualité fournies par l’abattoir voisin.

Moins de gaspillage, plus de qualité

Autres préjugés battus en brèche par la cuisine centrale parodienne, les lois ÉGAlim et anti-gaspillage font partie de ses préoccupations quotidiennes. L’objectif affiché est que l’économie réalisée en réduisant le gaspillage soit affectée à une augmentation de la qualité des matières premières, révélait Isabelle Lagoutte. Aujourd’hui, sont jetés 170 g de produit par repas servis, indiquait la responsable. Sur cette problématique, la cuisine centrale de Paray est engagée dans une expérimentation nationale soutenue par les interprofessions. « La réduction du gaspillage passe par une augmentation d’achats plus durables, qualitatifs, de proximité… », estimait Isabelle Lagoutte qui assurait préférer « payer plus cher pour une viande qui ne va pas diminuer de volume à la cuisson ou un melon français plus gros qui fera plus de portions ou encore des tomates de pleine terre qui, plus goûteuses, ne finiront pas à la poubelle… ». Sans compter que de meilleurs repas évitent de devoir financer des compléments alimentaires aux patients qui rechignent à manger des plats insipides, a-t-on constaté à la cuisine centrale de l’hôpital de Paray.

Rompre les habitudes

Autour de la table, le président du Conseil départemental André Accary annonçait que d’ici la fin 2020, les 51 collèges publics dont il a la charge adhèreraient à la plateforme d’approvisionnement Agrilocal. Mais le président ne cachait pas que la démarche n’avait pas été aussi rapide qu’il l’aurait souhaitée. Si quelques collèges pratiquaient déjà des commandes directes auprès de producteurs locaux et que « l’aspect budgétaire n’était pas le problème puisque c’est le Département qui attribue la dotation », André Accary reconnaissait que la difficulté avait été de rompre avec les habitudes. La prochaine étape sera les 91 Ehpad que compte la Saône-et-Loire, annonçait-il, avec un potentiel total de 2,2 millions de repas par an…

Du côté des fournisseurs de collectivités, on ne démentait pas une aspiration à plus de qualité et de valeur dans la restauration collective. Une demande de plus de proximité et de traçabilité se confirme du côté de leurs clients. Mais les représentants de Sodexo ou de Pomona ne niaient pas que « l’équation était difficile à résoudre entre injonctions gouvernementales, exigences parentales et impératifs économiques… ».

Pour Jean-Luc Coltat, responsable des ventes du groupe Pomona, les porteurs de produits de qualité tel Charolais de Bourgogne ont « un devoir d’aller rencontrer les coordonnateurs des groupements d’achats : les identifier, aller leur parler de vos produits, dire qui vous êtes… ». L’intervenant ajoutait aussi que « le nerf de la guerre, c’est la logistique ; être capable de gérer des volumes, avec la délicate question de l’équilibre matière », pointait-il.

« On parle enfin du prix ! »

Les Projets alimentaires territoriaux (PAT) que s’apprêtent à mettre en place les intercommunalités sur leurs territoires sont un autre motif d’espoir pour les produits de qualité dans la restauration collective, confirmait Isabelle Desclozeaux, responsable PAT au groupe Sodexo. « On a enfin tous les acteurs autour de la table et la question du prix et de la rémunération de l’éleveur est enfin posée de manière frontale », rapportait la représentante de Sodexo. Ces PAT interrogent : « est-ce que ma politique agricole de territoire est en adéquation avec la qualité de viande que je veux voir en restauration ? », analysait Isabelle Desclozeaux.

« Cette prise en considération du prix, les éleveurs sont heureux de l’entendre ! », se réjouissait Michel Joly, président de la FRB. « Car sans un déclic sur ce prix, la production de viande bovine, dont la rentabilité commence à faire fuir les jeunes, est condamnée d’avance ! », alertait-il. Aussi, la profession, l’interprofession bovine sont-elles « prêtes à vous aider pour promouvoir nos viandes de qualité », assurait en conclusion Michel Joly.