Après des mois de préparation et un premier report, la journée technique autour du travail des chevaux dans la vigne a pu se tenir le vendredi 16 octobre à l’AgroBio Campus de Davayé. L’occasion de présenter, ou rappeler, les multiples avantages de la traction animale dans le vignoble et les besoins de la filière.

Une technique d’avenir !
Le travail avec un cheval est certes plus lent qu’avec un tracteur, mais plus précis et plus efficace et avec au final moins d’intervention par la suite !

N’allez pas leur dire que cette pratique est désuète et le fait de nostalgiques. Ceux qui ont fait revenir les chevaux dans leurs vignes ont toute une liste d’arguments contraires à vous opposer.
Pour autant, tous les intervenants qui se sont exprimés lors de la journée technique organisée par la filière cheval de la chambre d’agriculture ont conscience des limites de l’exercice et ne les ont pas cachés. Et il n’était pas question pour eux d’opposer chevaux et tracteurs en remisant définitivement ces derniers au hangar. Il était plutôt question, vendredi au sein du lycée viticole de Davayé, de dérouler l’ensemble des avantages que représente la traction animale …. Et de trouver et former des futurs meneurs car la demande est là… et leur nombre actuellement trop limité !

Une meilleure qualité

Certes, l’approche est dans « l’air du temps » comme l’a reconnu Bernard Moreau, le responsable filière équine à la chambre d’agriculture en introduction de la journée. Mais le travail dans les vignes grâce à la traction animale correspond bien à la demande sociétale, et des professionnels aussi d’ailleurs de plus en plus, autour de la réduction des produits phytosanitaires, de la recherche d’alternatives, de la préservation des sols.
Parmi les principaux arguments mis en avant par les pro traction animale : la qualité du sol, la précision du travail effectué et au final la qualité du vin.
Frantz Chagnoleau, viticulteur à Pierreclos, a testé une première parcelle en travail à cheval en 2013.  « Je constate une dynamisation du sol et un meilleur rendement sur les parcelles labourées avec le cheval, a-t-il témoigné. Le temps de pioche a été divisé par deux voire par trois, cela baisse donc le coup de la main-d’œuvre. Le travail spécifique avec un tracteur coûte cher, donc en parallèle le coût du cheval est vraiment à relativiser et je pense qu’il est rentable sur le long terme ».
Même constat pour Christophe Cordier, viticulteur à Fuissé, qui a pris la suite de son père en 2018. « On gagne en souplesse du sol et en vie du sol. Il y a moins de casse avec le cheval et le travail est plus précis ».

Valorisation possible

Le sol, non tassé par le passage des roues du tracteur, est mieux drainé. Le meneur, situé à l’arrière de l’outil et non devant comme avec un tracteur, travaille au plus près des pieds, sans les endommager (même si parfois quelques-uns y passent…).
Mais les viticulteurs-meneurs ou ceux passant par un prestataire de services l’ont reconnu : ils ne travaillent pas 100 % de leur domaine avec les chevaux. Ils ciblent certaines parcelles en fonction de la configuration des lieux. Et cela peut servir d’argument commercial : Christophe Cordier par exemple pratique des prix légèrement plus élevé sur les bouteilles de vins issues de ces parcelles. Sans pour autant « rechercher la rentabilité à tout crin », il souhaite ainsi « mettre en avant un état d’esprit ».

Former meneurs et chevaux

Les deux viticulteurs qui sont ainsi venus témoigner ne sont pas meneurs et font donc appel à des prestataires de service.
Et il y a là un véritable marché, très porteur en ce moment, tant l’offre de prestation est bien en dessous des demandes. Caroline Parizet, viticultrice, meneuse et prestataire de service, a plaidé pour son métier : « il y a une vraie demande à laquelle nous ne pouvons pas répondre. Il faudra donc vraiment que certains élèves en filière équine se réorientent sur ce créneau ! »
Surtout quand on sait que les formations en équitation attirent chaque année de très nombreux candidats, pour au final, peu d’élus qui arrivent à travailler en tant que moniteur en centre équestre.
Cependant, les professionnels présents ont bien insisté sur la vigilance à apporter à la formation des hommes et des chevaux : « la qualité est indispensable, tant le recours à des chevaux ou des meneurs mal formés ne pourraient que nuire à l’activité », ont-ils plaidé.
Et la formation à mettre en place devra aussi proposer des modules sur la gestion générale du cheval, des soins à l’alimentation, en passant par la maréchalerie. Et au-delà : « connaître le cheval n’est pas suffisant, est intervenu Simon Pierre meneur, éleveur et dresseur, il faut aussi connaître l’agronomie et la viticulture ».
Vaste programme donc, mais riche et plein d’avenir !

Nécessité de se structurer

L’activité de meneur peine par un manque de structuration de la filière. Ainsi, Laurent Maly de l’IFCE l’a constaté avec l’étude Dogeset menée depuis trois ans et tentant d’établir des données techniques et économiques de la traction animale, dont le "système vigne" : « les clients ne savent pas où trouver un prestataire, ni si une qualification est nécessaire et laquelle ! »
Équivigne, seconde étude autour de cette activité, cherche à déterminer qui sont les viticulteurs qui font appel au travail à cheval et pourquoi, pour au-delà tenter de mieux caractériser les itinéraires techniques associés à la traction animale : « nous souhaiterions pouvoir évaluer les performances technique, environnementale et économique pour mieux savoir sur quel type de parcelles intervenir », a ainsi expliqué Clémence Bénezet, en charge de l’étude.
D’où la volonté générale de la création d’un réseau permettant de collecter l’ensemble de ces données et de mieux structurer la filière.

La question du bon cheval

La question du bon cheval

Quelle race, quel cheval privilégier ? C’est une question qui est revenue plusieurs fois au cours de la matinée et qui est récurrente d’après les professionnels. Pourtant ceux-ci sont les premiers à ne pas avoir de réponse toute faite. Car au-delà de l’aspect physique « c’est le caractère qui fait tout » a insisté Simon Pierre.
Pour l’éleveur et préparateur de chevaux de vignes dans l’Autunois, « le choix se fait selon le tempérament du cheval… et la race de prédilection de chacun ! ». Ainsi, un fan de comtois ne jurera que par eux, quand un pro-ardennais trouvera toujours dans cette race le cheval idoine. Simon Pierre, lui, élève et prépare des Auxois.
Si ces dernières décennies ont vu le nombre de poulinières de trait baisser drastiquement quelle que soit la race, « le vivier est malgré tout toujours là », a insisté Bernard Moreau, et peut trouver là un débouché intéressant. Daniel Lagneaux, le délégué territorial Est de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) en a d’autant plus profité pour mettre en parallèle les berceaux régionaux des races auxoise, ardennaise et comtoise avec les vignobles de l’Est depuis la Bourgogne jusqu’en Alsace, en passant par la Champagne et le Jura, suggérant ainsi la corrélation à (re)créer entre ces deux univers.
Il y a aussi le créneau formation du cheval à ne pas négliger, les meneurs présents ayant tous fait part de leur manque de temps pour préparer leurs prochains chevaux. Un cheval bien dressé au travail dans les vignes se négocie de 4.500 à 6.000 €.