Millésime 2021 en Bourgogne
D’ici 2022, « affinez vos offres »

Cédric MICHELIN
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Dimanche 21 novembre, à l’occasion de la vente de charité des Hospices de Beaune (lire notre édition précédente), les représentants de la filière des vins de Bourgogne ont fait un point sur la situation économique, sur le millésime et sur l’actualité (OIV et Cités des vins notamment).

D’ici 2022, « affinez vos offres »
Pio Marmaï a permis de battre des records à la vente aux enchères... mais les vignerons bourguignons battent eux aussi tous les records de vente.

« La Bourgogne n’a jamais vendu autant de bons vins et produit aussi peu de vins », résumait d’emblée Frédéric Drouhin, président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB). Si l’Interprofession ne fait plus d’estimation de la récolte avant vendanges, le BIVB mène un sondage auprès des producteurs après, en attendant d’avoir les chiffres définitifs des déclarations de récolte. Le total ne s’est pas amélioré depuis les premières estimations de septembre se situant toujours entre 900.000 et 950.000 hl. « Une fourchette car l’hétérogénéité est grande » parmi les répondants, selon le vignoble, les zones et à « l’intérieur même d’une région comme Mâcon », prenait-il en exemple. De manière générale, les blancs de Côte-d’Or et de la Côte chalonnaise sont « particulièrement affectés », déplorait-il. Les rouges « s’en sortent mieux » d’une manière générale, « mieux dans la Côte de Nuits que de Beaune ». À comparer à la moyenne des cinq derniers millésimes pour une production bourguignonne d’environ 1,4 million d’hectolitres. Il faut remonter à 1985 pour retomber à une récolte inférieure à un million d’hl (46 hl/ha). Ces 900.000 hl de 2021 ont été en plus produits sur des surfaces plus grandes, ce qui réduit encore le rendement aux alentours de 30 hl/ha ! « À Nuits, c’est bien, mais à Chablis, c’est moitié d’une récolte », expliquait-il. Il comparait donc plutôt 2021 à 1981 avec le famélique 21 hl/ha de moyenne.

Des marchés dynamiques

Les chiffres des ventes sur les marchés sont à l’inverse largement positifs. « L’amont est particulièrement dynamique car porté par le millésime 2020 ». Le volume des transactions 2020-2021 (869.141 hl) croît de +12 % par rapport à la même période 2019-2020 (et de +5,3 % sur la moyenne quinquennale). Les sorties de propriété de la campagne 2020-2021 (1,63 million d’hl) sont également en hausse de +10,9 % par rapport à la campagne 2019-2020. Toutes les couleurs profitent de cette belle dynamique : les vins blancs (+12 %), le crémant de Bourgogne (+25 %) et même les vins rouges (+1,8 %), malgré un volume en légère baisse sur le millésime 2020 (-1,7 % par rapport à celui de 2019).

Ne pas snober la France

D’habitude plus prompt à mettre en avant les exportations vers les pays tiers, le négociant « rappelait que la France est le premier client de la Bourgogne ». Certainement un effet Covid à rechercher ici quand 2020 avait vu une partie des exportations restées un temps à quai. « La grande distribution, les cavistes et les restaurateurs français restent notre premier marché » faisant que les Français étant « restés chez eux », l’année 2020 aura été une année forte en termes de consommation intérieure de vins de Bourgogne (+5 % en volume et +8 % en valeur). Des hausses qui ont bénéficié à « toutes les appellations ». Si pour le marché cavistes et restaurations, il n’existe pas de statistiques précises, des sondages sont menés sur des panels et Frédéric Drouhin affirmait qu’il suffit de constater « que les tables sont pleines, sur réservation et avec des bouteilles de vins sur chaque table », souriait-il.

Un milliard d’€ à l’export

L’export - cette fois-ci – n’est pas en reste avec une progression de +22 % en volume et +26 % en valeur. « On va dépasser à nouveau le milliard d’euros de chiffres d’affaires à l’export. C’est bien », se contentait-il presque de dire. Et ce notamment grâce à la suppression de la taxe Trump que lui préfère nommer « litige Airbus-Boeing », temporairement suspendue en avril provoquant un effet « aspirateur » malgré les difficultés à trouver des containers pour l’export. L’administration Biden semble encline à « reporter at vitam aeternam » cette taxe. Au final, sur le marché américain, l’année 2021 finit à +14 % en volume et +11 % en valeur, évoquant des hausses « à trois chiffres pour les crémants de Bourgogne », faute de disponibilité du côté de la Champagne, croyait-il savoir.
Le président du BIVB mentionnait également la Corée qui a signé un traité de libre-échange, supprimant les taxes, et dopant les exportations vers ce pays.

L’effet de joie mais…

Frédéric Drouhin se permettait donc une analyse : « on ne peut que constater l’effet de la reprise intense de la consommation, l’effet de joie, la joie de revivre, la soif de consommer, de se retrouver et de partager nos bonnes bouteilles de Bourgogne ». Mais pas que. Il signalait la « série de très bons millésimes : 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 à vendre ». Pas question donc pour lui de voir demain la Bourgogne « se replier » sur elle-même, lui qui constate que tous les opérateurs au contraire « se bougent après des Zoom tastings virtuels en envoyant les échantillons pour garder le lien avec nos clients ». Reste quand même la question de l’avenir car « à date, la Bourgogne a 18 mois de stocks en cave pour moitié au négoce et pour moitié à la propriété ». Il mettait donc en garde qu’avec la « très faible récolte » 2021, « il va falloir un pilotage très fin dans les deux années qui viennent. Nous sommes tous suspendus à la récolte 2022 », reprenait-il ainsi les mots de Thiébault Huber, président de la CAVB. Il concluait donc par un message important à destination de la filière : « le BIVB n’a pas vocation à gérer le commercial mais le mot d’ordre aux opérateurs est de garder le lien, occuper le terrain et affiner vos offres », concluait-il.

Une, deux, trois... quatre Cités et l’ONU !

François Labet, président-délégué du BIVB, se réjouissait de l’arrivée à Dijon de l’OIV, « que nous appelons l’ONU du vin ». Projet cette fois porté par le BIVB, ce grand propriétaire à Vougeot évoquait ensuite les projets des Cités, les deux ou quatre en parallèle selon : la Cité de la Gastronomie à Dijon « dès le printemps 2022 » avec l’implantation de l’École des vins de Bourgogne et « pour le projet qui nous tient à cœur, le réseau de Cités de vins et Climats de Bourgogne », les travaux à Beaune, Chablis et Mâcon avancent aussi. « Le message aura la même structuration dans les trois sites : comment expliquer la viticulture de terroir qui trouve son accomplissement dans le concept des Climats, sachant qu’un terroir n’est pas un Climat ». La filière apporte ses financements à travers le BIVB et du mécénat « silencieux » « pour 1,5 million d’€ » donné par de nombreux Américains et autres partenaires. « Nous attendons maintenant que nos amis asiatiques nous rejoignent » en vue d’une campagne de mécénat plus large en 2022. Ouvertures prévues « de tous les sites au printemps 2023 » mais dès la vente des Hospices 2022 pour la Cité de Beaune.