APICULTURE
Plan pollinisateurs : les derniers arbitrages qui fâchent

Le plan pollinisateurs a été officiellement publié le 21 novembre. Parmi les modifications de dernière minute : un délai de huit mois accordé aux producteurs, qui leur évitera de devoir respecter les nouvelles mesures pour la campagne qui s’ouvre. 

Plan pollinisateurs : les derniers arbitrages qui fâchent
Un délai dérogatoire de huit mois a été introduit, durant lequel les traitements pourront être réalisés « à condition que la température soit suffisamment basse ». ©Unaf

Les négociations ont duré plus d’un an mais l’enjeu était de taille. L’arrêté « abeille » remontant à 2003 devait être révisé à la suite des avis de l’Anses de 2014 et 2019 recommandant d’interdire l’ensemble des traitements diurnes sur les cultures mellifères en fleurs. En décembre 2020, après la dérogation accordée aux néonicotinoïdes sur betterave, une première version de l’arrêté avait été dévoilée par le ministère de la Transition écologique. Un texte qui avait suscité une telle levée de boucliers à la FNSEA que le ministère de l’Agriculture avait repris la main sur les négociations. Une première version de l’arrêté et du plan « pollinisateurs » a été soumise à la consultation en juin 2021. Le plan a finalement été publié le 21 novembre au Journal officiel, à la surprise des principaux concernés : les apiculteurs. « On est dans un mépris total, avec un manque de compétence et de respect à tous les niveaux », s’agace Franck Aletru, président du Syndicat national d’apiculture (SNA).

De dérogations en dérogations

La consultation publique a reçu 17 000 contributions, un chiffre « colossal », reconnaît-on dans les cabinets du ministre de l’Agriculture et de la Transition écologique. Pourtant, « nous n’avons pas revu l’architecture du plan, ce ne sont que de petites modifications à la marge », assure-t-on. Le texte final retient la mesure phare : les traitements phytosanitaires sur des cultures mellifères en fleurs devront être réalisés « dans les 2 heures qui précèdent le coucher du soleil et dans les 3 heures qui suivent le coucher du soleil ». Un délai dérogatoire de huit mois a finalement été introduit, durant lequel les traitements pourront être réalisés « à condition que la température soit suffisamment basse ». Un geste salué par la FNSEA dans un communiqué du 21 novembre et qui « doit permettre aux scientifiques de finaliser leurs travaux sur les mesures apportant des garanties équivalentes ». Autrement dit, ce délai facilitera la mise en œuvre des autres mesures dérogatoires prévues par le texte réglementaire. Car l’article 3 de l’arrêté prévoit que la contrainte horaire pour les traitements pourra être « adaptée ou supprimée » grâce à différentes technologies dont les outils d’aide à la décision, « notamment en vue de permettre des traitements le matin ou sous un seuil de température ». Comme le prévoit le ministère, la liste détaillant l’ensemble de ces méthodes devrait être publiée « au début de l’année 2022 ».

Les apiculteurs demandent déjà la réécriture

Les apiculteurs ont été déçus, eux qui réclamaient un rendez-vous avec le Premier ministre dans l’espoir de parvenir à ajouter un critère de température aux contraintes horaires. L’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), dans un communiqué du 23 novembre, demande déjà que l’arrêté « soit réécrit ». Tout en rappelant l’avis de l’Anses que « le Gouvernement a choisi de ne pas suivre sous la pression des syndicats agricoles majoritaires ». Seul point salué par la profession apicole : les produits ne bénéficiant d’aucune dérogation d’usage devront dorénavant afficher la mention « Dangereux pour les abeilles ». Au total, le plan sera doté « d’au moins » 115 millions d’euros sur cinq ans selon le ministère de l’Agriculture. Une enveloppe qui proviendra « de la Pac, du plan Ecophyto, et d’appels à projets de l’Agence nationale de la recherche », détaille le Ministère. Le volume semble cependant déjà faible face à l’ambition de l’ensemble des six axes qui prévoient, outre la nouvelle réglementation sur les épandages, des travaux sur la sélection du cheptel apicole, des mesures pour lutter contre le frelon asiatique, ou encore des recherches sur les pollinisateurs sauvages. Ces interrogations sur le financement sont pour l’heure le seul point sur lequel l’ensemble des acteurs se mettent d’accord. Comme le résume l’association Pollinis dans un communiqué du 22 novembre : « Ce plan ne s’inscrit dans aucun projet à grande échelle visant à accompagner techniquement et financièrement les agriculteurs dans un processus de transition. » Christian Pons, président de l’Unaf, reste lui prudent : « Nous resterons vigilants quant aux actions mises en place par ce plan et à son financement ».

IL