Lait et céréales
Un contexte qui appelle à la prudence

Françoise Thomas
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Cerfrance a organisé ces deux Fermoscopies 2022 à Charolles le 22 novembre (dans notre prochaine édition) et, le 24 novembre, à Saint-Germain-du-Bois. Cette seconde cession était plus spécifiquement consacrée aux filières céréales et lait. Des productions qui n’échappent pas elles non plus à « une hausse historique des cours et à des prix payés aux producteurs qui s’envolent ». Reste à vérifier que ces prix soient rémunérateurs.

Un contexte qui appelle à la prudence
Les deux cessions Fermoscopie (ici à Saint-Germain-du-Bois) ont permis de faire le point sur les filières bovins viande, lait et céréales.

Année atypique se résumant surtout en une perte de repères, 2022 est marquée par un retour de l’inflation consécutive de la crise Covid et de la guerre de la Russie en Ukraine. Conflit voyant s’affronter deux grandes puissances agricoles…

Évolution hors norme

Se basant dans un premier temps sur les chiffres, il ressort que pour les exploitations en grandes cultures, 2022 est en nette augmentation par rapport à 2021.
Une hausse du côté du produit COPJ (pour céréales, oléoprotéagineux, jachères) passant de 1.620 € à 1.947 € et une marge brute par ha de COPJ passant de 1.073 € à 1.276 €, soit « une évolution hors norme », a retenu Émilie Golin.
Le profil moyen des exploitations de céréales, c’est 1,29 d’unité de main-d’œuvre (UMO), 163 ha de SAU, 394.000 € de capitaux engagés par Unité de travail agricole familial (Utaf) et un résultat courant par Utaf de 88.400 € (quand il était de 71.900 € l’an passé).

Se baser sur le rendement

De l’analyse de ces chiffres, Émilie Golin note que la « mécanisation reste le talon d’Achille » de ces structures, que leur autre difficulté est de ne « pas pouvoir valoriser directement » leur production. Pour autant, la conseillère Cerfrance souligne que le fait d’être sur des cycles à rotation courte permet de la réactivité et de travailler sur l’assolement, enfin, la réforme de la Pac, axant notamment sur l’assolement et les intercultures, devrait « redonner un peu d’amortisseur ».
Cerfrance table sur un prévisionnel d’EBE de 151.000 €, soit d’environ 900 €/ha, « un retour bienvenu de la rentabilité ». Cependant, reprenant l’idée d’une « gestion en bon père de famille », la conseillère insiste sur le fait que cette bonne année doit surtout servir à « garder de la sérénité pour la suite […] puisque les turbulences actuelles vont continuer en 2023 ».
Sans surprise, les différentes projections de Cerfrance prévoient une augmentation des charges à moyen terme, entraînant « un impact conséquent dès que le rendement décroche ». Ce qui fait que le rendement « est un paramètre important à sécuriser », et qu’il ne faut « pas engager des charges déconnectées du niveau de rendement ».

Des fondamentaux bousculés

Du côté des productions laitières, avec des prix de marchés qui s’emballent depuis 2021 et qui ont désormais plus que doublé, toute la filière doit elle aussi s’adapter à une perte de repère, « tous les fondamentaux sont bousculés », présente Pascale Laurain.
Le profil de la ferme moyenne, d’après les données Cerfrance, est une exploitation avec 92 vaches laitières, vendant 70.000 litres de lait, un atelier céréales occupant les deux tiers de la surface, la revente d’une partie de ces céréales, selon les besoins d’autonomie alimentaire.
Ces fermes embauchent 2,54 UMO dont 2 Utaf, le capital investi est de 401.000 €, « un niveau notamment dû aux robots de traite ». Cette filière reste confrontée à la problématique renouvellement de génération et contrainte des astreintes.
Les prix s’emballent à 450 €/1.000 litres, un montant qui couvre le prix de revient (calculé à 402 €) et qui fait augmenter de plus de 30 % en un an le revenu des éleveurs laitiers : celui-ci atteint 46.000 €/ Utaf.

Conserver de la souplesse

Mais l’analyse des conseillers montre que si le revenu s’accroît, la rentabilité plafonne car « sous le poids des charges, il n’y a pas d’efficacité économique ».
La prudence est de mise au final, car même si 2022 est synonyme de hausse généralisée des charges, il faut s’attendre à ce que ce ne soit pas fini. Il faut plus que jamais « conserver de la souplesse dans la trésorerie ». De leur côté, les laiteries sont d’ores et déjà confrontées à la flambée des prix de l’énergie et des emballages.

Pierre Thorel, directeur général de Cerfrance, a tenu au final à tirer parti de ce contexte de crise, qui permet selon lui « des opportunités qui font jour ». Et si l’agriculture est la première touchée, elle propose aussi « des solutions concrètes ». Ainsi, il appelle les filières à « profiter de la conjoncture pour améliorer la résilience », la réforme de la Pac devant aider à servir d’amortisseur.