Troubles de voisinage
« Nous avons à cœur de mieux sécuriser les agriculteurs »

Dans le cadre de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels, le législateur cherche à clarifier la procédure de responsabilité pour troubles anormaux de voisinage. C’est dans ce contexte que la FNSEA se mobilise pour que cette proposition ait un réel impact pour les agriculteurs en prenant en considération la réalité de leur activité. Interview de Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA.

« Nous avons à cœur de mieux sécuriser les agriculteurs »

L’Assemblée nationale examine, le 4 décembre, une proposition de loi sur les troubles anormaux de voisinage ? N’existe-t-il pas déjà des textes et une jurisprudence en la matière ?

Luc Smessaert : Les principes fondant la responsabilité civile reposent sur des articles du Code civil, datant de 1804, demeurés pratiquement inchangés. C’est la jurisprudence qui a fait évoluer ces règles en créant, dans les années 80, le principe de responsabilité sans faute bâti sur la démonstration d’un trouble anormal de voisinage. Apprécié au cas par cas par les magistrats, le caractère anormal du trouble varie selon le contexte et fait l’objet d’une abondante jurisprudence trop souvent contradictoire et qui constitue, de ce fait, une véritable source d’insécurité pour les agriculteurs.

Malheureusement, ces situations sont loin d’être isolées ou anecdotiques. Parmi les centaines d’affaires de dossiers qui concernent les agriculteurs, les tribunaux judiciaires écartent trop souvent dans leur appréciation l’approche économique de l’activité agricole et les nuisances normales qui en découlent. Et les conséquences de ces procédures judiciaires dirigées contre des agriculteurs par leurs propres voisins sont considérables et parfois irréversibles tant d’un point de vue économique - certaines condamnations pouvant se chiffrer à plusieurs centaines de milliers d’euros -, que d’un point de vue moral en générant un véritable mal-être chez des agriculteurs pointés du doigt alors même qu’ils n’ont, en réalité, commis aucune faute ou négligence.

S’inscrivant dans cette démarche de reconnaissance de la ruralité et des activités qui s’y développent, nous avions salué l’adoption de la loi du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes. Elle prévoyait la mise en place d’inventaires régionaux répertoriant les sons et odeurs caractéristiques de l’identité culturelle de chaque territoire. Ces inventaires n’ont, à ce jour, malheureusement pas encore vu le jour alors qu’ils devaient servir de guide pour les magistrats dans leur appréciation de la normalité d’un trouble en zone rurale. Cette loi, pourtant votée à l’unanimité, est une coquille vide : il est urgent de lui donner corps.

L’antériorité inscrite dans le Code civil

Quelle est la genèse de cette proposition de loi ?

LS : Tout a démarré avec la visite du garde des Sceaux, Eric Dupond Moretti, au Salon de l’agriculture, le 3 mars dernier, sur le stand de la FNSEA. Alors que nous le sensibilisions aux difficultés que rencontrent les agriculteurs confrontés à l’arrivée de néoruraux qui n’acceptent pas les nuisances de l’activité agricole, il avait répondu qu’il « ne fallait pas qu’on em… ceux qui travaillent », puis « si on n’aime pas la campagne, on reste en ville et si on va à la campagne, on s’adapte à la campagne qui préexiste », en promettant de légiférer et d’éviter aux agriculteurs de faux procès quand leur activité dérange le voisinage. Nous y sommes ! La proposition de loi qui vient en discussion est portée par la majorité et elle a recueilli le soutien de nombreux députés issus d’autres horizons.

La proposition de loi est-elle satisfaisante ?

LS : L’avancée est, pour l’heure, historique, car elle modifie le Code civil. En effet, cette proposition a le mérite d’intégrer le principe posé par le Code de la construction et de l’habitation au Code civil, interdisant toute action à l’encontre d’une activité préexistante. En revanche, elle ne répond pas aux troubles liés à l’évolution de l’activité, fussent-ils la conséquence d’une mise aux normes, en particulier en matière agricole. Notre préoccupation, à ce stade, est d’améliorer le texte et de proposer un amendement susceptible de prendre en compte cette situation. Cela permettra de donner une meilleure visibilité et de mieux sécuriser les agriculteurs qui veulent entreprendre et se développer dans les campagnes.

Haies/forêts : pour protéger les oiseaux, les ETA proposent plutôt d’attacher chiens et chats 

Haies/forêts : pour protéger les oiseaux, les ETA proposent plutôt d’attacher chiens et chats 

À l’occasion d’une conférence de presse le 21 novembre, le président de la Fédération des entreprises de travaux agricoles et forestiers (FNEDT), Gérard Napias, a fait part d’une « saturation la plus complète », en particulier dans le secteur forestier, face à l’interdiction de tailler les haies ou les forêts à certaines périodes, pour éviter la période de nidification, que la réforme de la Pac a avancé de quelques semaines, du 16 mars au 15 août, depuis cette année. « Entre les interdictions administratives, les restrictions pour risque incendie et les intempéries hivernales, comment travaille-t-on ? », s’interroge Philippe Largeau, vice-président. À l’occasion d’un Conseil supérieur d’orientation (CSO) forêt/bois, cette semaine, la fédération proposera « l’interdiction totale des chiens et chats en forêts s’ils ne sont pas attachés », a annoncé Gérard Napias. « Ce sont eux les plus grands prédateurs des oiseaux ». Selon une étude commandée par la LPO en 2018, les chats domestiques tueraient environ 75 millions d’oiseaux chaque année. « C’est regrettable, mais les réglementations nous montent les uns contre les autres », se justifie Gérard Napias, qui demande, pour le secteur agricole et forestier, de « minimiser les périodes » réglementées, notamment en les modulant à l’échelle régionale.