EXCLU WEB : Le Plan de relance peut-il réduire la “fracture alimentaire” ?

Lors de la deuxième session des 3e rencontres de l’alimentation qui se sont déroulées fin janvier, les nombreux intervenants se sont interrogés sur la manière dont le volet agricole du Plan de relance pouvait réduire les inégalités alimentaires françaises. Si l’intention existe, atteindre cet objectif reste compliqué à mettre en œuvre. 

EXCLU WEB : Le Plan de relance peut-il réduire la “fracture alimentaire” ?

« La crise sanitaire a aggravé dramatiquement les inégalités alimentaires », a d’emblée indiqué Marie-Stéphane Maradeix, déléguée générale de la Fondation Carasso, organisatrice de ces Rencontres. En effet, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a « augmenté d’un million pour atteindre aujourd’hui 10 millions de personnes », a souligné Audrey Pulvar, adjointe à la mairie de Paris, en charge de l’alimentation durable, de l’agriculture et des circuits courts. D’ailleurs plus de 4 millions de personnes ont recours chaque année à l’aide alimentaire, à travers le tissu associatif : Restos du Cœur, Armée du Salut, etc. De plus, un Français sur cinq a du mal à se nourrir sainement, a renchéri Marianne Faucheux, directrice adjointe à la Banque des Territoires (BdT). Cette crise a aussi rebattu les modes de consommation, avec « le développement du e-commerce alimentaire (+55 % entre le printemps 2019 et celui de 2020 ndlr) et le plébiscite des circuits courts », a ajouté Julien Fosse, chargé des questions d'agriculture, d'alimentation et de biodiversité à France Stratégies.

 
Un levier

Certes le Plan de relance agricole doté d’1,2 milliard d’euros prévoit une enveloppe de 200 millions d’euros consacré à l’alimentation (lire encadré) mais il se situe « plus dans une logique d’aval que d’amont », a affirmé Cédric Prévost, sous-directeur de la politique de l’alimentation au ministère de l’Agriculture. Il faut voir ce Plan de relance comme un levier, a dit en substance Julien Fosse quand Marianne Faucheux l’inscrit dans une logique d’investissement et d’accompagnement. À ce titre, la Banque des Territoires peut apporter son expertise sur l’amorçage d’une réflexion stratégique territoriale, sur la déclinaison d’un Plan alimentaire territorial (PAT) ou encore sur la structuration d’une plateforme logistique alimentaire comme elle l’a fait avec le Pôle d’équilibre territorial et rural du plateau de Langres. 


Course à la neutralité carbone

Cependant, il ne faut « pas perdre de vue les défis de long terme » comme la réduction des gaz à effet de serre (GES), lutter contre les gaspillages alimentaires qui représentent 5 % des GES, a rappelé Julien Fosse. Comment, par conséquent, nourrir plus et en qualité tout en réduisant l’empreinte carbone ? « Le Green Deal sera un moment clé de la transformation de nos systèmes agricoles et alimentaires », a affirmé Sébastien Treyer, directeur général du think-tank Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Si la transition écologique doit passer par le numérique, elle s’accompagnera également d’une « reconversion de nombreux secteurs d’activités », notamment l’agriculture, a-t-il poursuivi. Il met en garde sur la stratégie à adopter pour que cette transition soit économiquement viable, annonçant que la course à la neutralité carbone est déjà engagée au plan européen. En effet, les éleveurs danois de porc et de lait se sont fixés d’atteindre cette neutralité dans leur production en 2040. Ce qui pourrait, à terme, leur donner un avantage concurrentiel en termes de débouchés auprès des consommateurs. Mais les effets de cette démarche restent aujourd’hui difficiles à évaluer. En effet, quel sera le prix à payer par l’agriculture, pour atteindre tous ces objectifs ?

Le volet alimentation du plan de relance agricole

Les mesures “alimentation” du Plan de relance agricole ont pour ambition d’accélérer la transition agroécologique « au service d’une alimentation saine, durable et locale pour tous les Français », a indiqué Cédric Prévost. Doté de 200 millions d’euros, ce fonds est réparti de la manière suivante : 50 millions d’euros (M€) sont consacrés au plan de soutien des cantines scolaires des petites communes ; 80 M€ vont au partenariat Etat/collectivités au service des projets alimentaires territoriaux (PAT) dont 77 M€ à l’investissement dans les Plans alimentaires territoriaux déjà avancés et 3 M€ pour soutenir la création de nouveaux PAT. Par ailleurs 30 M€ sont alloués aux “paniers fraîcheur” et la même somme à l’initiative des « Jardins partagés ». Enfin l’opération “1000 restaurants durables” se voit dotée de 10 M€.