Export
Le BIVB à l'heure anglaise

Ariane Tilve
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Bienvenue dans les backstages* d’une dégustation de vins de Bourgogne organisée à Londres par le BIVB. L’objectif est de promouvoir nos appellations au royaume de Charles III et cela marche puisque plus de 200 visiteurs, 47 exposants et quelques grands noms de la presse britannique, à l’instar de Jane MacQuitty pour The Times, ont fait le déplacement au Lindley Hall mercredi 10 janvier.

Une dégustation "so british" au Lindley Hall de Londres.
Une dégustation "so british" au Lindley Hall de Londres.

Cette dégustation fut un avant-goût de la Bourgogne Week** de Londres 2024 durant laquelle une quinzaine de dégustations dédiées au millésime 2022 ont été organisées. Si Londres est si férue de vins de Bourgogne, c’est que la capitale britannique en est l’un des principaux marchés d’exportations. Le BIVB a donc tenu à ouvrir la saison des évènements viticoles sur la scène internationale.

Le marché britannique

C’est en effet le second marché en volume et en valeur des vins de Bourgogne avec 9,6 millions de bouteilles exportées (- 3,2 %) sur neuf mois de 2022, pour 173,70 M€ (+ 10,4 %). 76 % de ces exportations sont des vins blancs et 51 % du chiffre d’affaires. En 2023, les vins de Bourgogne poursuivent leur valorisation et affichent une cinquième année consécutive de croissance en chiffre d’affaires en Grande-Bretagne, malgré un recul en volume. Cela tient essentiellement au délai nécessaire à un retour sur les marchés de nos vins, après une récolte historiquement basse de 2021. Les vins rouges progressent également en chiffre d’affaires : + 11,8 millions d’euros sur la même période. Parallèlement, là aussi, le volume exporté baisse de - 5,6 %, impacté par le repli de l’appellation bourgogne (- 17,4 % / 9 mois 2022), qui reste l’appellation la plus exportée en Grande-Bretagne. Sur les neuf premiers mois 2023, cela équivaut à 7,29 millions d’équivalent 75 cl (- 5,2 % / 9 mois 2022), pour 89 millions d’euros (+ 3,9 % / 9 mois 2022). Cet incroyable essor sur la période s’explique par la forte présence de trois groupes d’appellations : les AOC chablis, mâcon et bourgogne donc.

La montée en puissance de l’AOC Mâcon outre-Manche

L’AOC mâcon fait un retour remarqué sur ce marché, avec une double croissance de 12 % en volume, soit près de 1,7 million de bouteilles et +19,4 % en chiffre d’affaires (près de 10 M€). Elle figure ainsi en deuxième place en volume, avec 24 % des vins blancs de Bourgogne exportés. Suite à leur montée en gamme, les mâcon villages connaissent logiquement, eux aussi, un ralentissement des ventes qui régressent de 18,6 %, mais dont la valeur prend + 6 %. L’AOC bourgogne représente, elle, 14 % des volumes de vins blancs exportés sur ce marché et 14 % du chiffre d’affaires de la période avec un niveau de valorisation qui bondit de 30 %, du jamais vu sur ce marché. Idem pour le crémant dont les exportations reculent de -3,4 % en volume (265.000 bouteilles eq. 75cl) mais le chiffre d’affaires bondi de +68 %.

Ludovica Pilot, responsable des ventes chez Swig, intermédiaire britannique d’exportation compte plusieurs centaines de clients et de nombreux fournisseurs de Saône-et-Loire dont le domaine Guillemot Michel de Viré Clessé, le Château de Messey ou encore, un peu plus au nord du département, le domaine Henri et Gilles Buisson à Saint-Romain (21). « Nous sommes spécialisées dans les vins d’Amérique du Sud, d’Italie et de France - environ 25 % de nos ventes -, mais nous proposons des références d’un peu partout dans le monde depuis près de 25 ans. En raison de ce catalogue, si large, nos ventes de Bourgogne ne représentent qu’environ 10 % de nos ventes ». Le public britannique en général, et londonien en particulier, aime tester une très large gamme de produits. Restaurants, pubs, clubs et autres lieux de dégustation ont donc tout intérêt à disposer d’un important choix pour attirer la clientèle. Une opportunité pour les petits et moyens producteurs qui peuvent se faire une place sur ce marché avec une valorisation optimale due notamment au mode de consommation, au verre le plus souvent. Swig a également une liste de clients particuliers, des collectionneurs de vins, mais aussi de simples amateurs, qui ne reculent pas devant le tarif d’un excellent cru. « Le Mâconnais est un nom très connu des palais britanniques qui s’intéressent tout particulièrement aux producteurs en bio ou similaire, une façon plus moderne de fabriquer le vin ».

Pourquoi faire le déplacement à Londres ?

C’est la question que pourraient se poser les viticulteurs qui n’ont pas encore franchi le pas. Parce qu’à l’évidence, ceux qui l’ont déjà fait semblent y prendre goût. Si les frais de déplacement, d’hébergement et l’aspect chronophage de la chose en rebutent certains, les exposants qui jouent le jeu ont quasiment tous noué d’excellents liens de travail dans ce genre d’évènement. Cavistes, sommeliers, restaurants, GMS (lire notre encadré), intermédiaires et autres prescripteurs sont au rendez-vous de ces dégustations londoniennes et permettent aux viticulteurs de trouver le client qui leur faut, que ce soit en termes de qualité, de valorisation ou de quantité. D’autant plus que « le Brexit n’a pas entraîné trop de problèmes au niveau des formalités, estime le directeur de la Fédération des syndicats de négociants éleveurs de Bourgogne (Fneb), Pierre Gernelle. Une nouvelle réglementation oblige officiellement les importateurs à mettre leur nom sur l’étiquette, que ce soit la filiale ou le producteur. Une réglementation qui n’est pas très surveillée. C’est une souplesse qui, il me semble, devrait perdurer, parce qu’ils savent que c’est mauvais pour le business ». Effectivement, les Anglais ont souffert de la crise économique et de l’inflation qui ont suivi le Brexit « mais cela n’a pas eu trop d’impact sur les exportations, pas comme lors de la crise des subprimes en 2008 », se rappelle le directeur de la Fneb. Seul bémol, l’augmentation des droits d’assises, bien réel, mais qui n’empêche pas les producteurs de bourgogne de continuer à faire des très bonnes affaires outre-manche.

Jean-Pierre et Quentin Michel, producteurs à Viré-Clessé, ont eux la volonté de venir trouver un nouveau marché ici en Grande-Bretagne, et pourquoi pas à l’internationale. « Nous avons un produit de niche puisque nous avons fait le choix de pratiquer des récoltes tardives. Il nous faut donc trouver la clientèle adaptée, sachant qu’actuellement nos exportations ne représentent qu’environ 3 % de nos ventes ». Pour eux, le jeu en vaut la chandelle. Jean-Pierre le sait, grâce à son expérience, ce genre d’évènement est l’occasion de nouer des relations avec de futurs clients qui peuvent changer la donne. Et à en croire le père et le fils, la journée fut prolixe. Affaire à suivre pour eux comme pour le Domaine de Cardon, le Domaine des Roches ou encore les Vignerons des Terres secrètes qui avaient fait le déplacement pour cette journée de dégustation" so british".

*Coulisses, en anglais.

**Semaine dédiée aux vins de Bourgogne au Royaume-Uni. Un évènement qui existe depuis plusieurs années.

 

 

 

Au cours des neufs premiers mois 2023, la Bourgogne a commercialisé près de 3,6 millions de bouteilles de vin tranquille en Grande Distribution (- 5,7 % / 9 mois 2022), pour un chiffre d’affaires de 39,98 millions de Livres (- 1,6 % / 9 mois 2022). Les ventes de vins blancs de Bourgogne en Grande Distribution (72 % des volumes de vins de Bourgogne) ont baissé de - 4,7 % en volume sur les neuf premiers mois 2023. Selon le président de la Fneb, Pierre Gernelle, « la grande distribution représente 30 à 40 % du marché, en entrée de gamme essentiellement ».