Grêle - Arelfa Bourgogne t
L’Arelfa Bourgogne tente de s’adapter au changement climatique

Ariane Tilve
-

Le dispositif antigrêle installé en Bourgogne et dans le Beaujolais a plus que jamais été sollicité en 2022. Un dispositif qui peine à répondre aux phénomènes météorologiques d’une ampleur inhabituelle qui ont frappé la France l’année dernière

Thiébaut Huber, président de l'Arelfa Bourgogne
Thiébaut Huber, président de l'Arelfa Bourgogne

L’Association régionale d’étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques en Bourgogne (Arelfa) a tenu son assemblée générale pour le secteur Saône-et-Loire/Sud et Rhône/Nord, jeudi 16 février dans le Beaujolais, sachant que l’association couvre notre département sur deux secteurs avec la zone Bourgogne et Saône-et-Loire/Nord. Le président de l’Arelfa, Thiébault Huber (également président de la CAVB), a d’abord présenté le bilan financier d’une année particulièrement difficile devant une dizaine d’adhérents.

Un bilan financier à l’équilibre, doté d’une réserve d’environ 200.000 € en cas de coup dur. L’occasion de faire baisser la cotisation à 6 € / hectare pour un total de 265.210 €, contre 307.222 € en 2021, alors que l’association ne bénéficie plus de subventions des deux Régions.

Deux fois plus de déclenchements qu’en 2021

Pourtant, les charges ont pratiquement doublé, passant de 88.503 € à 165 867 € en raison notamment de l’augmentation de la consommation de la solution acétonique qui a coûté cette année 85.680 € contre 20.400 en 2021. En effet, plus il y a d’alertes, plus on consomme cette solution essentielle au dispositif antigrêle. Or l’alerte a été déclenchée à 22 reprises en 2022, contre 12 fois en 2021. En cause, des phénomènes météorologiques de plus en plus violents et récurrents qui s’étalent sur une période de l’année plus importante. En 2022, l’Arelfa a enregistré cinq alertes de grêle au mois de septembre, du jamais vu depuis la mise en place du système régional. Jusqu’en 2021, les dernières alertes de l’année étaient données fin août.

Autre phénomène, la violence particulière des chutes de grêle. En témoignent deux vignerons présents lors de cette assemblée générale. Le premier a vu son vignoble détruit à près de 95 % le 23 juin à Saint-Julien. « Lorsque l’orage est arrivé, nous n’avons même pas eu le temps d’ouvrir la porte de la voiture pour nous protéger. Nous nous sommes réfugiés derrière le véhicule pour assister, impuissants, au phénomène. Il n’aura fallu qu’une dizaine de minutes pour voir la quasi-totalité de notre récolte détruite ». Un autre, basé dans les Pierres dorées, raconte les trois chutes de grêle qu’il a affronté en 2022 et interroge sur l’efficacité des générateurs.

Des phénomènes météos plus violents

Thiébaut Huber insiste sur le fait que l’Arelfa n’a jamais prétendu pouvoir empêcher la grêle de tomber. Le principe de ces générateurs (voir encadré) est de minimiser l’impact de menaces météorologiques en réduisant la taille des grêlons. Autre avantage, dit-il, « les assureurs réduisent de 48 % les indemnisations dans les secteurs où il n’y a pas de protections anti-grêle ». Si l’Anelfa (association nationale) continue à défendre l’efficacité de son système, donné à 50 % d’efficacité, elle reconnaît que ces phénomènes météorologiques « deviennent plus violents étant donné le changement climatique », insiste Gérald Monamy, technicien du réseau qui s’étend de Villefranche-sur-Saône à la Nièvre, est largement revenu sur les impacts de ce changement avec des évènements orageux extrêmes rarement observés en France. « Entre le début du mois de mai et la fin du mois de juin, à 1.400 mètres d’altitude, les températures étaient supérieures de 10° à 20 °C ». Un phénomène qui a engendré la création de supercellules orageuses au cœur desquelles se forme, potentiellement, une chute de grêle de taille parfois importante.

Sur les six dernières années, il était rare d’en observer. En 2018, trois supercellules successives se sont formées à 30 minutes d’intervalle, du jamais vu en France. Le 23 juin 2022, un train de huit supercellules, d’environ 60 km de diamètre chacune, a traversé la France sur un axe sud-sud-ouest/nord-nord-ouest, du jamais vu en France avec les conséquences que l’on connaît. « Dans ce cas, l’alerte de l’Arelfa fonctionne et les générateurs sont allumés. La première supercellule aspire les particules d’iodure d’argent et relâche de la grêle plus fine. Une demi-heure plus tard, la seconde supercellule arrive, alors qu’il faut une heure et demie pour que le dispositif fonctionne, la grêle est un peu plus dense. Idem pour la troisième, mais cette fois les générateurs n’ont plus la capacité d’agir ».

Autre phénomène, toujours plus inquiétant, la cellule mésocyclonique à moteur droit de 100 km de diamètre qui a traversé la France et notamment provoqué deux tornades majeures qui est passée sur Lyon, sous Tarare puis Ambérieu-en-Bugey avant de continuer sa route. Une cellule de ce type est si puissante qu’elle s’autorégénère et peut durer dix heures, contre trois ou quatre heures pour une supercellule et une heure environ pour une cellule orageuse normale. Le changement climatique impacte tout particulièrement la Vallée du Rhône, jusque dans l’Yonne. En 2019, l’office mondial de la météo a déclassifié toute cette zone qui est passée de climat tempéré en climat subméditerranéen.

 

Juste une mise au point


Parti de ce constat climatique, le technicien de l’Arelfa a voulu faire une mise au point en rappelant, notamment, « que le système, tel qu’existant, n’empêchera jamais des chutes potentielles de grêle. Sa fonction est de réduire, autant que faire se peut, la taille de la grêle. Le fait qu’un, ou plusieurs générateur(s) n’ai (en) t pas fonctionné lors d’une alerte ne remet pas en cause la protection des zones à proximité ». Ce qui compte, selon lui, c’est la quantité de générateurs en fonction et, donc, un pourcentage suffisant pour ʺsaturerʺ l’atmosphère en noyaux glaçogènes. Le président de l’Arelfa Bourgogne rappelle que 170 Bénévoles, dont une moitié de vignerons, sont mobilisés sur le Beaujolais pour couvrir plus de 20.000 hectares de vigne. Des bénévoles particulièrement sollicités en mai et en juin, ces deux mois ont concentré 65 à 72 % des alertes de la campagne 2022. Ils ont en outre dû répondre à quatre alertes de nuit… Impensable il y a encore quelques années. Pour répondre à ces nouvelles alertes nocturnes, mais aussi pour pallier quelques oublis et/ou problèmes techniques, l’association teste des systèmes d’arrêt automatique. Les premières remontées montrent une certaine efficacité pour gérer la consommation de produit afin, notamment, d’éviter les oublis d’extinction en fin d’alerte. Pour rappel, le fonctionnement non justifié d’un poste la nuit, durant 15 heures en moyenne, en gendre un surcoût de 100 €.

Comment ça marche ?

Lorsque la différence de températures entre l’air au-dessus du sol et le sommet de la troposphère (vers 12 km d’altitude) est trop élevée, et lorsque les basses couches de l’atmosphère sont riches en humidité, des nuages de convection transfèrent vers le haut le surplus d’énergie. Au sein de ces nuages s’opère une condensation de la vapeur d’eau en grêle à l’aide de particules solides présentes naturellement dans l’atmosphère (pollen poussière, résidus de pollution…). Lorsqu’il y a peu de noyaux de congélation dans l’air, les cristaux de glace sont rares, les grêlons deviennent assez gros pour tomber à grande vitesse jusqu’au sol. Le principe de la lutte contre la grêle mis au point par l’Anelfa consiste à introduire artificiellement dans les nuages des noyaux glaçogènes d’iodure d’argent afin d’augmenter le nombre de cristaux de glace. Objectif : réduire la dimension des grêlons pour qu’ils tombent moins vite et fondent en totalité, ou en partie, avant de toucher le sol.