Union des producteurs de vins Mâcon
« Ne pas céder » aux demandes du négoce

Cédric Michelin
-

Le 26 mars au Parc des expositions de Mâcon, l’Union des producteurs de vins Mâcon (UPVM) avait la bonne idée de tenir son assemblée générale à l’ouverture du salon VinEquip. L’occasion de faire le point donc sur l’année écoulée et celle à venir. Après deux belles récoltes, les stocks sont reconstitués, les marchés restent bien orientés mais le négoce fait pression à la baisse.

« Ne pas céder » aux demandes du négoce
De g. à d., Michel Barraud, Isabelle Meunier, Jérôme Chevalier, Thiébault Huber, Marc Sangoy et Blandine Guerrin.

Et pour mettre les choses au clair, le vice-président de l’UPVM, Michel Barraud commençait par présenter les statistiques de la récolte 2023. Avec 4.363 ha, le viticulteur de Sologny adressait directement un premier message au directeur de la Fneb, Pierre Gernelle qui avait fait le déplacement, sur le fait que « l’augmentation des surfaces n’est que de + 0,6 % par rapport à 2022, soit une augmentation lente et maîtrisée », rappelant que les variations s’expliquent davantage certaines années par les revendications ou non en crémants de Bourgogne. Après le choc de 2021 ayant vu la récolte plongée à 161.293 hl, la récolte 2022 a atteint 258.539 hl (4.388 ha) et presque 272.000 hl pour le millésime 2022, soit une hausse de +22 % en moyenne pour les 797 déclarants de récolte habilités. Comme ses collègues, Michel Barraud voit là une nouvelle preuve du dérèglement climatique et des aléas qui peuvent frapper à tout moment, avec des courbes en « W ». C’est pourquoi « l’assurance » que constituent les VCI est indispensable. Tous les VCI avaient d’ailleurs été « consommés » après 2021. Si 2022 avait permis d’en « refaire », l’UPVM avait demandé à la CAVB de porter « une dérogation au dépassement exceptionnel du rendement butoir » au Comité régional INAO. Demande acceptée, après négociation avec l’ODG bourgognes, pour « arriver à 77 hl/ha » en mâcon blanc, de quoi constituer 39.000 hl de VCI en stock. Un « plus haut » - avec les 22.000 hl de VCI 2022 - certes mais « ce n’est que 16 % d’une récolte », minimisait Michel Barraud.

Année rock’n’roll

Deuxième vice-président à enfoncer le clou, Marc Sangoy pour la commission technique cette fois. Malgré les mécontentements que cela génère, seuls 30 ha de plantations nouvelles ont été accordées, comme l’année précédente, alors que 96 demandeurs envisageaient de planter 107 ha à la base sur la campagne 2023-2024, soit 30 % de surfaces en plus demandées que sur la précédente. Toujours dans l’optique de maîtriser le potentiel de production, la commission technique « limitera encore à 30 ha pour la campagne 2024-2025 », expliquait Marc Sangoy à destination des vignerons, mais également des négociants. Au final, sur la campagne 2022-2023, 71 ha de mâcon ont été plantés. Avant de passer au bilan des contrôles de vignes, Marc Sangoy revenait lui aussi sur les conditions de productions 2023 qui a donc vu le rendement de base en AOC mâcon villages passé à 66 hl. « Nous en avons débattu avec l’ODG bourgognes qui souhaitait baisser encore plus. Choix a aussi été fait de ne pas laisser 2 hl de différence avec les mâcons rouges ». Aucun VCI n’a été constitué en 2023 en mâcon rouge alors qu’il est désormais possible réglementairement d’en faire si l’année le permet. Mais encore une fois, la météo a été « perturbée et perturbante », voire carrément rock’n’roll, après un nouvel hiver « doux », un printemps mitigé, un été entre pics de chaleur, orages et fraîcheurs pour finir sur des vendanges commencées encore une fois en août, sous une canicule inédite.

Modifications du cahier des charges

Face à ce dérèglement climatique, l’ODG a donc décidé de faire une demande à l’INAO pour modifier son cahier des charges pour 2024, « en lien avec les autres ODG pour les replis (Bourgogne, Viré-Clessé), y compris les Pouilly ». Désormais voté lors de cette assemblée générale, l’UPVM va donc demander de pouvoir avoir des cépages accessoires, aligoté, pinot gris et pinot blanc. La possibilité aussi d’abaisser la densité à 5.000 pieds par hectare (déjà en AOC bourgognes). Marc Sangoy anticipait et précisait, « pour les vignerons qui le veulent », rappelant donc que ce ne serait pas obligatoire. Mais finalement, ce qui faisait le plus réagir l’assemblée était la demande de pouvoir utiliser des copeaux de bois pour l’élevage des mâcons rouges et mâcon avec dénomination, ainsi qu’en mâcon blanc et coteaux bourguignons.

Autres demandes, pour évaluer de possibles futurs cépages tels que le sacy et le melon. Une opération d’évaluation des opérateurs qui le demandent qui se fait en lien toujours avec les ODG viré-clessé et bourgognes. « Ne le faites pas seul dans votre coin », prévenait Marc Sangoy. Enfin, dernière demande notable, l’UPVM aimerait obtenir le droit de stocker des VCI à la hauteur de « la moitié des rendements » en blancs comme en rouges. « Face au changement climatique, il ne faut rien s’interdire, mais ne rien s’obliger non plus. On peut rester 100 % gamay ou chardonnay, mais mieux vaut aujourd’hui, ne pas se fermer de portes, ou avoir trop peur que la Bourgogne se transforme », rassurait le président de l’UPVM, Jérôme Chevalier, « on ne mettra jamais 100 % d’autres cépages ».

Inacceptables cours et ventes en moûts

Ce qui l’inquiète plus, ou plutôt l’énerve, c’est le rapport de force engagé par les négociants. « La récolte 2023 est semblable à celle de 2018, 272.000 hl. Ces volumes doivent permettre de regagner les parts de marché perdues. Pour cela, nous devons travailler avec un négoce fort et pas au détriment des vignerons. Les cours enregistrés au BIVB en ce moment sont inacceptables et vont à l’encontre de la profession. Je connais le discours des négociants, mais nous aussi, nos charges et nos contraintes augmentent », soulignant que le rapport qualité-prix des vins mâcon « n’a jamais été autant reconnu » de par le monde. Jérôme Chevalier appelait donc à ne « pas céder aux discours de certain car il en va de la survie de beaucoup d’exploitations » derrière.

Quitte à être sur les sujets qui fâchent, Jérôme Chevalier poursuivait sur sa lancée avec les ventes en moûts. « Je les respecte, mais ce qui me dérange vraiment, c’est d’enregistrer des contrats sans prix. Là aussi, nous devons prendre nos responsabilités et nous mettre autour de la table pour interdire cela dans l’intérêt de tous », façon aussi de faire pression sur le négoce.

Le président des vins Mâcon concluait sur sa vision pour gérer ces délicats équilibres technico-économique dans un monde incertain climatiquement, « pas forcément en baissant le rendement de base […] mais en maîtrisant les plantations. Depuis 2018, la demande de limitation de plantations nouvelles de 30 ha me paraît suffisante et respecte le choix des viticulteurs. Ne cédons pas à la demande insistante du négoce pour augmenter cette limitation », concluait-il en guise de dernière pique à l’adresse de la famille des négociants. Les crises des autres vignobles français, « distillant ou arrachant », prouvent que les marchés peuvent vite être déstabilisés.

Demandez le programme 2024-2025

En charge de la commission communication, Blandine Guerrin détaillait le programme chargé « en 2023 et 2024 » pour faire la promotion des vins Mâcon. À commencer par la nouvelle coupe Perraton, « plus imposante et représentant mieux l’importance » des mâcons blancs au concours de la Saint-Vincent Mâconnais-Beaujolais de janvier. Les 10 ans du festival musical Mâcon Wine Note ? a connu un « gros succès » en 2023, avec 5.000 entrées sur les deux jours. Il revient les 17 et 18 mai pour une des premières sorties des vins sélectionnés lors de la distinction Saint-Vincent qui s’est une nouvelle fois tenue à Hurigny. En revanche, les vins Mâcon ne seront plus partenaires des « Vendanges de l’humour », faute d’avoir suffisamment de visibilité et mobilisant beaucoup de bénévoles. À la place, l’UPVM a participé au Grand bourgogne tour à Marseille. Toujours avec le BIVB, des vidéos (en Français et Anglais) ont été réalisées. En 2024, le programme promotionnel se trouve renforcé avec la participation au congrès CNAOC à Beaune, ainsi qu’au départ du Tour de France et au congrès national des Pompiers toujours à Mâcon. Blandine Guerrin annonçait même une « opération export Asie » en 2025. Quinze entreprises « maximum » iront à Singapour et Taïwan en février, à tarif préférentiel grâce à des aides FranceAgriMer. La trésorière de l’UPVM, Isabelle Meunier « envisage sereinement ces actions », à l’image des comptes de l’UPVM.