La révolution des selfs collaboratifs
La marge d’Egalim est dans le gaspillage

Cédric Michelin
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A l’inverse de la conférence précédente, celle de Stéphane Bazoud n’a pas provoqué de débats mais plutôt une envie immédiate de tester « ses selfs collaboratifs ». Ce conseiller pour le Département du Puy-de-Dôme forme régulièrement les salariés de la cuisine centrale officiant pour 52 collèges « autogérés ».

La marge d’Egalim est dans le gaspillage

À l’inverse de la conférence précédente, celle de Stéphane Bazoud n’a pas provoqué de débats, mais plutôt une envie immédiate de venir voir pour vite tester « ses selfs collaboratifs ». Ce conseiller pour le Département du Puy-de-Dôme forme régulièrement les salariés de la cuisine centrale officiant pour 52 collèges « autogérés ».

L’objectif est de les passer tous de « self à self collaboratif ». Il en expliquait le principe et détaillait plusieurs variantes, selon la taille du lieu ou le personnel. Tout est parti de réflexions sur le gaspillage en 2011. « On ne savait pas grand-chose », d’où la mise en place de gaspillomètres, pour que chacun puisse prendre conscience de l’ampleur. Finalement, outre les élèves, ce sont les cuisiniers et gestionnaires qui se posèrent le plus de questions. En 2012, ils décident de tester le premier self collaboratif dans un collège faisant 200 couverts par jour. « On a loué le matériel pour voir et cela a très bien marché ». Désormais, ce sont 25 collèges qui l’ont mis en place.

Plus de salades et des plats chauds… chauds

Stéphane Bazoud explique le nouveau parcours pour un élève arrivant au self. Le jeune prend un plateau et une assiette vide. Il se dirige vers le buffet à « double-flux » pour se servir « en vrac » en yaourts, compotes… pour sa fin de repas donc. « Un agent assure le rôle éducatif », pour éviter les abus, peu nombreux et souvent les premières fois, a-t-il observé. Le jeune choisit sa table et pose alors son plateau. Il peut maintenant aller au buffet « sans rampe » pour se servir autant qu’il veut en hors-d’œuvre. « Par contre, il devra finir son assiette pour avoir la suite ». Là encore, hormis quelques rappels sur la charcuterie, les jeunes consomment « beaucoup plus de salades et de loin ». Ils peuvent se resservir d’ailleurs. « Les jeunes aiment gérer leur sauce, l’acidité les gêne, et ils se responsabilisent sur les aliments gras/sucré ». Ayant généralement comblé leur principal sentiment de faim, ils peuvent se relever pour aller au point chaud. Là encore, ils se servent comme ils veulent en « garniture » mais c’est le chef cuisinier qui les sert en viande. « 20 % n’en prennent pas ; ou pas tous les jours comme des flexitariens. 20 % ne prennent qu’une demi-part ». Revenant à leur table, ils mangent un plat chaud, « qui colle moins à l’assiette » que s’ils l’avaient pris sur une rampe de self classique beaucoup plus tôt.

Moins de gaspillage

Résultats : « ils mangent tout : moins de gaspillage et une plonge plus facile », consommant moins d’eau. Ceux qui ont plus de travail sont dès lors, les surveillants de la vie scolaire (AED) « car ils doivent être dans la salle et pas sur leur téléphone », leur rappelle-t-il lors des réunions préalables à un self collaboratif. « L’adolescent n’aime pas se lever donc il se sert bien dès la première fois », rigole-t-il. Globalement, il n’y a donc pas de chahut et même « les temps à table ont augmenté. Il faut parfois demander aux élèves de sortir ». Les classes tournent donc pour que ce ne soit pas toujours les mêmes « à la fin qui ont moins de choix ».

Au final, le gaspillage est passé de 135 g à 31 grammes. Il a même été divisé par huit en salle et par deux en cuisine (18 g). « La marge de manœuvre est dans nos poubelles pour respecter ÉGAlim », lançait fièrement Stéphane Bazoud qui se réjouit de voir les économies permettre l’achat de produits de qualité. « On jette moins, on gaspille moins mais ils mangent mieux et celui qui a faim, il mange à sa faim. Ceux qui ont moins faim, prennent demi-part ». Le prix « matière » pour un repas est passé de « 1,93 € à 1,86 € en un an, alors que les prix alimentaires étaient en hausse », relativise-t-il, sachant que les charges de structure et de personnels composent le reste du vrai prix repas, dont une bonne part est prise en charge par les collectivités.

Les frites ? non, céleri-pomme granny

Fort de ces résultats, il a aussi mis en place des selfs collaboratifs hybrides, si la place ou le lieu n’étaient pas adaptés à la base. Compter là, « entre 100 € et 40.000 € d’investissement », ne pouvait-il pas chiffrer précisément, en fonction des équipements présents en salle de repas.

Reste « le sujet crucial : et les frites ? », questionnaient les cuistots, visiblement déjà conquis. Une pelle à frite pour que chacun est « la même dose », ne plaisantait pas Stéphane Bazoud, sachant le sujet sensible chez un adolescent de celui qui a la plus grosse… portion. À la question inverse, celle de l’équilibre alimentaire, « les élèves prennent en moyenne quatre composantes », c’est-à-dire, un plat principal, un accompagnement et deux périphériques : entrée, produit laitier ou dessert. Avec des surprises parfois : « le céleri avec pomme granny et fromage blanc » a fait un carton au buffet. De quoi occuper le professeur de biologie, comme ses collègues de français qui créent des slogans à côté des inscriptions et dessins sur les produits composants les plats.