Restauration collective
Les objectifs d’Egalim à la peine en restauration collective

Alors que les gestionnaires de cantines peinent à atteindre les objectifs d’approvisionnement durable, de qualité et bio, le gouvernement tente de mobiliser administrations, collectivités et entreprises. Mais se heurte aux contraintes économiques.

Les objectifs d’Egalim à la peine en restauration collective
Illustration Colloque Restauration Collective Capture X-Twitter.Jpg

« Le compte n’y est pas », ont reconnu en chœur le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau et la ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher en ouverture de la « Conférence des solutions de la restauration collective » organisée le 2 avril rue de Varenne. Le secteur est en effet loin d’atteindre les objectifs fixés par la loi ÉGAlim (lire encadré) qui impose depuis le 1er janvier 2022 que les acheteurs s’approvisionnent à hauteur de 50 % en produits durables et de qualité, dont 20 % de produits biologiques et plus encore ceux prévus par la loi Climat et résilience qui prévoit l’approvisionnement à 100 % en viandes et produits de la pêche durable et de qualité pour l’État et à 60 % pour les autres périmètres de la restauration collective. « L’État lui-même ne respecte pas ses ambitions », a admis Marc Fesneau.

Impatience du monde agricole

Dans ce contexte, la réunion - à laquelle ont participé pas moins de quatre ministres - visait à mobiliser les troupes des gestionnaires de cantine, des collectivités et des sociétés de restauration collective privée (à qui les objectifs de la loi s’imposent depuis le 1er janvier 2024) mais aussi à présenter les outils et mesures à leur disposition et à partager des initiatives locales ayant permis de répondre aux ambitions d’ÉGAlim. Le rendez-vous entendait également répondre à l’impatience du monde agricole à qui la mise en œuvre de cette mesure a été présentée comme un puissant levier de valorisation de la production française locale et de qualité. Selon Marc Fesneau, la réalisation des objectifs de la loi permettrait de dégager 1,2 milliard d’euros (Md€) de chiffre d’affaires supplémentaire en achat de matières premières agricoles. Les différentes administrations ont d’abord présenté plusieurs dispositifs susceptibles d’accompagner les gestionnaires de la restauration : l’aide à la tarification sociale des cantines scolaires à destination des communes rurales avec un financement par l’État pour chaque repas proposé à un tarif inférieur ou égal à 1 € ; le programme « Fruits et légumes à l’école » et « Lait et produits laitiers à l’école » financé par l’Union européenne ; ou encore le « plan de transformation écologique de l’État » présenté en mars dernier qui prévoit notamment de financer des produits durables et de qualité dans certains circuits. « Dans les Crous, nous allons investir dès ce printemps pour que le beurre, le fromage et les steaks soient 100 % bio et que la viande de porc soit Label Rouge », a indiqué Stanislas Guérini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques.

Adapter le code des marchés publics

La montée en puissance des produits durables et de qualité passe également par une adaptation du fonctionnement de la commande publique, a estimé Stéphane Morin, adjoint à la direction des achats de l’État. Un groupe de travail « Économie » constitué au sein du Conseil national de la restauration collective (CNRC) planche sur des dispositions qui permettraient de s’ouvrir plus largement aux produits issus des filières françaises. L’une d’elles tendrait à identifier « des caractéristiques différenciantes de la production française qui puissent être intégrées dans les cahiers des charges des acheteurs dans le respect du Code de la commande publique », a expliqué Stéphane Morin. À cet égard, Marc Fesneau s’est félicité d’avoir obtenu que la Commission européenne « mette sur la table » la possibilité d’orienter les achats de la commande publique dans les réglementations nationales « en faveur d’achats de proximité ». L’atteinte des objectifs de la loi ÉGAlim passe également par l’implication des acteurs de terrain. Plusieurs collectivités ont témoigné de leur intention de prendre à leur charge l’effort nécessaire pour y parvenir. « La région Grand Est a voté dernièrement le financement d’un bonus de 20 centimes par repas dédiés à des produits bio, locaux et sous Siqo », a ainsi indiqué Béatrice Moraud, vice-présidente à l’agriculture de la Région Grand-Est. « Notre intention est d’aller au-delà d’ÉGAlim, et d’aboutir à deux tiers de circuit court dont un tiers de bio dans les cantines de lycées à l’horizon 2030 ».

Plusieurs modèles de mutualisation des moyens ont également été présentés. L’association des Coordonnateurs de groupements d’achat des établissements publics locaux d’enseignement de Nouvelle Aquitaine (Acena), assure les achats pour 620 collèges, lycées et mairies, soit plus de 53 millions d’euros (M€) d’achats. « Cela permet de créer des débouchés sécurisés, avec des marchés publics adaptés au territoire », a témoigné le gestionnaire de l’association, Thierry Pousson. Il reste que pour beaucoup de restaurants de collectivités, d’entreprises ou du secteur médico-social, la question de la prise en charge du surcoût reste un obstacle difficile à franchir. Le budget moyen dédié aux 10 millions de repas servis chaque jour en restauration collective s’élève en effet à 2 €.

Des objectifs loin d’être atteints

La marche est encore haute pour atteindre les objectifs d’EGAlim en restauration collective. La mise en œuvre de la loi est elle-même difficile à estimer, une minorité des 81.000 restaurants concernés déclarant en ligne leurs données d’achat sur le site macantine.fr. Le rapport du gouvernement transmis au Parlement en février 2024 fait état de taux d’approvisionnement en produits durables et de qualité de 27,5 %, dont 13,1 % de bio en 2022, en progression par rapport à 2021, mais encore très loin des objectifs fixés. Selon un recensement effectué auprès des établissements des différents ministères, « on est à seulement 22 % de produits durables et 9 % bio dans la restauration collective dépendant de l’État », a également indiqué Marc Fesneau. Quatre milliards de repas sont servis chaque année en restauration collective, représentant entre 7 et 8 milliards d’€ d’achats de matières premières agricoles.

Commande publique : La France pousse en Europe

Dans le cadre des travaux de la Commission européenne visant à renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne alimentaire, la France a obtenu « l’ouverture » d’une discussion sur une éventuelle révision du cadre de la commande publique pour permettre aux acheteurs de produits alimentaires d’introduire des critères de proximité, s’est félicité le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau en ouverture de la « conférence des solutions de la restauration collective », le 2 avril. La France pousse un « EGAlim européen » et « une forme d’exception alimentaire dans la commande publique », a expliqué le ministre. Cette demande est portée depuis longtemps par les collectivités locales. Pour la ministre déléguée en charge des collectivités, Dominique Faure, l’interdiction du « localisme » dans la commande publique est « un frein énorme » dans l’atteinte des objectifs de la loi EGAlim. « Le Code de la commande publique est un outil qui offre déjà beaucoup de possibilités, mais c’est un outil exigeant », a nuancé Stéphane Morin, adjoint à la direction des achats de l’État. Du local, « on peut le faire, mais on ne peut pas le dire », poursuit-il.

Cantines scolaires : des recommandations nutritionnelles attendue

Dans le cadre de ses objectifs pour l’année 2024, le groupe de travail « nutrition » du Conseil national de la restauration collective (CNRC) aura pour mission d’accompagner « la mise en œuvre de l’arrêté encadrant les recommandations nutritionnelles en restauration scolaire après sa publication », indique un dossier de presse du ministère. Cette révision de l’arrêté de 2011 est attendue depuis 2022. Les parties prenantes du groupe de travail (représentants des filières, des collectivités, de la restauration collective, ONG environnementales) avaient des avis divergents sur les portions et la fréquence de consommation des produits animaux (lait et viande). Charge ensuite au gouvernement d’arbitrer en interministériel. Le groupe de travail « nutrition » du CNRC planchera cette année sur les recommandations nutritionnelles pour les prisons et les crèches. Les travaux des différents groupes de travail du CNRC ont été présentés, le 2 avril, à l’occasion de la « conférence des solutions » organisée par le ministère de l’Agriculture.