Déclinaison (Plan stratégique national) française de la Pac
Double peine pour les territoires, l’élevage et les zones intermédiaires de Saône-et-Loire

Cédric MICHELIN
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Le 21 mai dernier, le ministre de l’Agriculture a dévoilé ses arbitrages concernant la déclinaison française de la future Pac, également appelée Plan stratégique national (PSN). Si tout n’est pas encore arrêté (aide à l’UGB, validation des PSN par l’Europe, etc.), l’agriculture de Saône-et-Loire craint de subir une « double peine » que ce soit sur l’absence de véritable reconnaissance de nos zones intermédiaires et surtout sur la baisse des aides couplées à la vache allaitante.

Double peine pour les territoires, l’élevage et les zones intermédiaires de Saône-et-Loire

La première déception est venue de l’absence d’une politique forte de gestion des risques dans le cadre de la future Pac 2023-2030 en France, notamment face au changement climatique. Après le terrible gel historique de ce début avril, dont les pertes sont toujours estimées à près de deux milliards d’€ en France, Julien Denormandie a dévoilé une petite hausse de l’enveloppe de 186 M€ contre 150 M€ pour l’assurance récolte. Autant dire que le rapport Descrozaille n’a pas été pris en compte ou trop peu, puisque seule la promesse d’un Varenne de l’eau doit venir simplifier et accélérer le stockage de l’eau d’hiver face aux sécheresses d’été.

Le secteur bovin viande perdant

Le ministre de l’Agriculture l’a reconnu : le Plan stratégique national de la Pac prévoit une baisse progressive des aides couplées au secteur de l’élevage de bovins de race à viande, pour financer le développement de la production de protéines végétales. En effet, près de 80 % de la hausse des aides couplées aux protéines végétales sera financée par un prélèvement de 0,3 % par an sur les aides bovines, selon la Fédération nationale bovine (FNB). Cette baisse des aides que Julien Denormandie chiffre à -3 % à l’horizon 2030 correspond « à une nouvelle diminution de 15 % du revenu des éleveurs », estime la FNB. « Le secteur bovin sera le grand perdant de cette réforme ». Au gouvernement d’en assumer les conséquences « en prenant de vraies mesures fortes et concrètes visant à contraindre les acteurs de la filière à changer d’attitude pour acheter, enfin, leurs animaux à un prix couvrant leur coût de production ». À moins « d’assumer la disparition de ce secteur et toutes les conséquences de cette disparition sur le plan de la souveraineté alimentaire, de la vitalité des territoires et de la durabilité ».
Même son de cloche du côté des éleveurs du Berceau des races à viandes du grand Massif central (BRVGMC). « Les éleveurs du Massif central actent avec colère la décision du gouvernement de baisser les aides couplées », indiquent-ils. « Alors même que le prix de leurs animaux ne leur permet plus de vivre de leur métier, le gouvernement décide de baisser les soutiens de la Pac sur lesquels reposent désormais entièrement leur maigre revenu, estimé à moins de 8.000 euros annuels en 2020 ». Qualifiant le PSN de « plan social de l’élevage bovin viande », Christian Bajard, coordonnateur du BRVGMC ajoute que « demander un effort supplémentaire aux éleveurs (…) sera très difficile à surmonter pour nos grands territoires du bassin allaitant, subissant déjà de nombreux handicaps structurels », déplore-t-il. 

Pourquoi déshabiller Pierre, Paul, Jacques… ?

Une situation d’autant plus détestable qu’elle amène des confrères agriculteurs à s’opposer quelque part autour de ces arbitrages qui ne sont pas les leurs. « Pourquoi prendre sur l’élevage pour les protéines végétales ? Pourquoi ponctionner encore un peu plus sur les aides aux allaitants avec cette UGB unique ? On nous reproche de voir les aides aux allaitants partir dans l’aval de la filière, ce qui pourrait tout aussi bien se passer avec les autres filières », s’inquiète Luc Jeannin, administrateur FNSEA et en charge du dossier Pac en Bourgogne Franche-Comté.
Alors que la région avait jusque là trouver un consensus équilibré en son sein, Luc Jeannin déplore que « nos zones intermédiaires n’ont pas été reconnues. Peu de solutions sont proposées pour compenser nos faibles potentiels ». C’est une « double peine ». Voire même « la troisième lame pour nos grands troupeaux extensifs de Saône-et-Loire, de l’Allier ou de la Nièvre ».

Des territoires déstabilisés

Alors que les derniers arbitrages du PSN sont encore en cours de négociation au ministère jusqu’à fin juin, et peut-être plus puisque le trilogue (lire ci-contre) en Europe n’a pas abouti, les grands bassins de production s’écharpent (Bretagne, parisien, etc.). « La Bourgogne Franche-Comté est certes diversifiée mais avec des territoires très spécialisés comme le Charolais par exemple. Qu’est-ce que le ministre fait de ce territoire qui risque d’être sérieusement déstabilisé ? », alerte Christian Bajard auprès des services du ministre.
Difficile encore d’estimer toutes les conséquences ou faire des projections faute de connaître toutes les règles du jeu (pourcentage éco-régimes, UGB, etc.), surtout que chaque situation est propre à chaque exploitation. « Une chose est sûre, l’élevage allaitant est perdant. Les autres ne sont pas forcément gagnants et rien ne vient les rassurer vraiment sur le long terme. Donc, la réponse passera par de la rentabilité économique et des prix justes payés aux producteurs. Donc au gouvernement de faire appliquer et vite les ÉGAlim pour que cela marche ».