Commission des agricultrices
Spectacle des Lauriers d'Or : jouer pour combattre les clichés

Florence Bouville
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Le 26 mai, aux Bizots, les agricultrices de la FDSEA 71 ont célébré les Lauriers d’or, en compagnie de Christiane Lambert, venue spécialement en Saône-et-Loire pour l’événement. Les députés du territoire ont, eux aussi, répondu présents. Entre moments festifs et prises de conscience, tous félicitent les actions menées auprès des élèves du département. L’éducation reste certainement une des clés de l’égalité hommes femmes et de la compréhension des enjeux du monde agricole.

Spectacle des Lauriers d'Or : jouer pour combattre les clichés
Comme chaque année, les élèves jouent un spectacle créé le matin même, avec l'aide des agricultrices.

Aujourd’hui, 33 % des actifs agricoles sont des femmes, parmi lesquelles 25 % sont cheffes d’exploitation. Les choses bougent, on constate une augmentation des jeunes agricultrices qui s’installent, après avoir suivi des études agricoles. « L’installation est choisie, elle n’est plus subie comme autrefois », affirme Christiane Lambert. Siégeant toujours au Comité des organisations professionnelles agricoles (Copa) européen, elle avait à cœur de répondre à l’invitation d’Hélène Doussot, présidente de la commission des agricultrices du 71. « Pour beaucoup d’entre elles, je suis quelqu’un qui a réussi à franchir les étapes ». Les agricultrices du territoire ont cette « capacité à faire passer des messages […] elles sont optimistes et montrent un remarquable visage de l’agriculture », souligne-t-elle.

Autre figure inspirante présente le 26 mai, Catherine Faivre-Pierret, présidente de la commission nationale des agricultrices depuis mars. Gérante d’un Gaec en production laitière dans le Doubs, elle a osé la reconversion professionnelle et l’installation en tant qu’éleveuse, en 2009. "Osez !", c’est d’ailleurs l’injonction qui symbolise le mieux ses convictions et le message qu’elle souhaite transmettre, au cours de son mandat. Elle qui a milité pour l’évolution du statut des femmes au sein des Gaec. « À plusieurs, on y arrivera », s’était-elle dit à son entrée dans le syndicalisme.

« Les enfants sont curieux de tout »

En 2023, 2.600 enfants ont été accueillis grâce à l’opération des fermes ouvertes. Il s’agit de la plus grosse opération nationale. À ce sujet, le président de la FDSEA 71, Christian Bajard, se dit « fier d’avoir une commission aussi active ». Christiane Lambert remercie également le Gaec Meunier pour son accueil ainsi que l’engagement des enseignantes présentes. Ces dernières « acculturent les enfants aux questions de l’agriculture et de l’alimentation ». « C’est très positif que les enfants découvrent comment se fait leur alimentation », complète Christian Bajard.

Cette année, les enfants (CP à CE2 des Bizots et CE1 de Blanzy) se sont mis dans la peau d’éleveurs ovins. On ne reviendra pas sur l’aspect visuel si attendrissant : des petites têtes déguisées en moutons. Occasion finalement de faire passer des messages aux élus, en particulier sur les contraintes du métier : temps d’astreinte, forte prédation du loup… Outre la bonne humeur communiquée par les élèves, s’il y a une chose à retenir c’est « qu’on peut être fiers de nos produits », affirme Catherine Faivre-Pierret. Aucun souci à avoir concernant les prochaines éditions, « il y aura toujours quelque chose à raconter aux élèves », ajoute-t-elle.

« Des personnalités fortes »

Après leur précédente et première pièce "Talons aiguilles et bottes de foin", jouée en 2018 à l’occasion des cinquante ans de la commission, les agricultrices ont de nouveau eu envie de monter sur les planches pour dénoncer les stéréotypes présents dans le monde agricole. Le groupe se connaissait déjà, mais le travail autour de l’écriture les a davantage soudées. « Cela a créé entre elles une belle dynamique, même si elles étaient déjà amies auparavant », explique Jérémie Perrin, le metteur en scène. Pour lui, l’accompagnement de femmes agricultrices était une grande première. « Le premier mot qui me vient en tête serait folklorique », dit-il en souriant. Monter sur scène et oser prendre la parole en public ont, pour certaines, constitué un vrai défi. Il était, dès le départ, prévu d’intégrer de la musique à chaque fin de scène, pour rythmer les trente minutes de spectacle. La troupe est, en effet, allée vers « quelque chose d’efficace et de pas trop long, donnant l’impression que c’était trop court et qu’on a envie de plus », déclare Jérémie. « Il fallait réussir à traduire ce qu’elles voulaient dire en un message plus clair, plus audible ». Pari réussi, par le biais de l’humour, en adoptant un langage moins technique. « Elles avaient beaucoup de choses à dire, elles souhaitaient être comprises », conclut Jérémie. Au travers de toutes les répétitions, il confie avoir énormément appris sur le milieu agricole.

« Agricultrice c’est une passion »

Au bilan, beaucoup de rires et d’applaudissements dans la salle, enfin plutôt dans la grange aménagée. « Une avant-première demande une suite », déclare le député Rémy Rebeyrotte. Les scènes successives ont abordé, avec second degré, des sujets de fond : réseaux sociaux, nouvelles technologies, machinisme etc. « Vous nous faites réfléchir », affirme-t-il. Ces femmes sont retraitées, mamans, cheffes d’exploitation, passionnées… En résumé, elles sont "agri-actrices", comme l’illustre si bien l’affiche du spectacle.

Avec l’obligation d’engager, au minimum, 30 % de femmes au sein des chambres d’agriculture, se pose la question des quotas, en lien avec la discrimination positive. À cette interrogation, Christiane Lambert répond : « je n’aime pas les quotas, j’aime les effets que les quotas produisent ». Ces effets ont été démontrés : atténuation du syndrome de l’imposteur couplée à un certain mimétisme, poussant les femmes à se dire "si elle l’a fait, moi aussi je peux le faire". Les organisations doivent donc se féminiser pour être plus représentatives. Même si les femmes ont encore peur de prendre des responsabilités, il ne faut pas hésiter à aller les chercher, « cela commence dans les cantons », précise Christiane Lambert.

En parfait accord avec les propos de Luc Jeannin, secrétaire général de la FDSEA 71, lors de l’AG de la commission le 14 février dernier, Christian Bajard conclut : « nous sommes prêts à accueillir toutes les agricultrices qui souhaitent s’installer ». Cependant, « si on en parle, c’est encore que ce n’est pas naturel », ajoute-t-il. Pour l’heure, les actions de communication et de sensibilisation sont, malheureusement, encore nécessaires.