Traction animale
À cheval entre image et efficacité

Françoise Thomas
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Le 16 octobre prochain, les services des filières viticoles et équines de la chambre d’agriculture proposent une journée technique atypique pour promouvoir le travail du cheval dans les vignes. Cette journée était initialement prévue en mai et a dû être reportée, mesures sanitaires obligent. Il n’empêche que la filière équine de la chambre souhaite véritablement promouvoir cette activité, car elle présente plus d’un avantage.

À cheval entre image et efficacité

Nostalgie, folklore, retour en arrière ? Il y a mille et une raisons de regarder le travail des chevaux dans les vignes avec défiance ou amusement. Pourtant, la discipline va faire l’objet d’une journée technique et informative complète, le vendredi 16 octobre prochain, sur les parcelles du lycée viticole de Davayé, car il y a de véritables intérêts au retour de la traction animale.
« C’est dans l’air du temps de revenir à ce qui se faisait avant, concède d’entrée de jeu Bernard Moreau, responsable de la filière équine à la chambre d’agriculture, la société se pose beaucoup de questions. Avec cette journée, nous voulons que les viticulteurs viennent voir tout ce qui peut se faire dans les vignes avec un cheval ». « Surtout que le principe n’est pas d’opposer tracteur et cheval, argumente de son côté Laurent Maly de l’IFCE, l’institut français du cheval et de l’équitation partenaire de la journée, ces techniques sont souvent complémentaires ».

De nombreux bénéfices

Nombre de viticulteurs qui ont franchi le cap ces dernières années sont totalement satisfaits de ces ouvriers à quatre pattes.
Pour Laurent Maly, ingénieur projet et développement de la traction animal à l’IFCE, les avantages sont nombreux : « essentiellement la limitation du tassement du sol et l’absence de vibration, salutaire pour les pieds de vigne. Le cheval permet par ailleurs un travail d’une précision difficile à atteindre avec un tracteur puisque le meneur est au sol, placé derrière l’outil ». Sans compter que pour certaines vignes, notamment de vieilles vignes plantées trop serrées ou dans les zones où il est compliqué de tourner en bout de rang, le cheval a toute sa place.
« Les sols sont moins abimés, il y a moins de problème de ruissellement, on diminue également la production de carbone », poursuit dans ce même ordre d’idée Bernard Moreau.

Le prix à payer

Il y a deux possibilités pour travailler avec un cheval : avoir son propre équidé et savoir le mener dans les vignes, ou recourir à un prestataire. Ainsi, « faire appel au cheval peut revenir un peu plus cher, mais la qualité du travail est là et le surcoût n’est pas énorme ».
« La viticulture a une image à défendre, précise encore Bernard Moreau. Celle d’un travail au plus proche de la nature et d’une filière qui met tout en œuvre pour être de plus en plus propre ». En cela, la vision d’un cheval au milieu des vignes parle d’elle-même et impacte beaucoup plus que de nombreux discours.
Enfin, puisque ceux qui pratiquent cette activité (en tant que prestataire ou que viticulteur/meneur) sont avant tout des passionnés d’équidés, « ils ont le plaisir d’avoir comme collègue de travail leur propre cheval ! ».

Préservation d’un savoir-faire

En parallèle, l’autre grand intérêt qui est projeté dans le redéploiement de ces prestations concerne la filière cheval en elle-même car les perspectives pour les chevaux de trait sont limitées depuis plusieurs années. « Les éleveurs de traits, auxois et comtois notamment, pourraient trouver là un nouveau débouché », souligne le responsable de la filière équine. La diminution du recours aux chevaux de trait pour le travail du sol ou la traction laisse craindre en effet une véritable perte de savoir-faire et « le risque de la disparition à terme de ces races ». Il semble incongru en 2020 de parler de "nouveau" débouché avec le travail du cheval dans les vignes, mais la journée du 16 octobre, amenée à être reconduite chaque année, est en tout cas pensée pour susciter l’intérêt des viticulteurs pour le cheval, voire, susciter des vocations auprès de personnes souhaitant trouver une activité liant l’animal et le végétal.

Les limites de l’exercice

« Quand le vignoble a été conçu pour le tracteur, le travail avec le cheval n’est souvent vraiment pas pertinent », concède Laurent Maly, par exemple avec des interangs très larges. Et comme avec le tracteur, l’état du sol peut aussi empêcher l’intervention du cheval, notamment lorsque c’est trop mouillé.
Il peut être par ailleurs difficile de trouver un prestataire : « le nombre de professionnels proposant cette prestation est limitée, et ils ont par ailleurs un débit de chantier un peu moins élevé ».
Enfin, la difficulté pour les prestataires est qu’il y a des pics d’activité au printemps et à l'automne. « De juillet jusqu’à la fin des vendanges, puis de décembre à février, il n’y a pas de travail dans les vignes à réaliser avec le cheval », reconnaît Laurent Maly. Souvent, « il y a donc une complémentarité d’utilisation du cheval à trouver entre le transport de touristes en été, le débardage en hiver, ou autre... », suggère Bernard Moreau.

Au programme du 16 octobre

Lors de la journée organisée avec le soutien du Conseil régional, des démonstrations dans les vignes du lycée de Davayé seront proposées ainsi que plusieurs témoignages : « pour voir avec du recul les points positifs et négatifs et initier les échanges entre les viticulteurs présents, ceux qui dispensent ce travail à façon et les viticulteurs qui y ont déjà recours ». Il y aura également des fabricants de matériel et un intervenant de l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE.
La section viticole de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire sera bien évidemment présente car elle se trouve plus qu’impliquée : les équipes sont en train de travailler sur la mise au point d’un simulateur de conduite animale pour promouvoir le recours à cette méthode.

La traction animale à l’étude

La traction animale à l’étude

Si la traction animale dans les vignes n’a rien de nouveau, elle revient à l’ordre du jour depuis plusieurs années maintenant et fait notamment l’objet d’études menées par l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE. L’une d’elles Dogeset (pour Développement d’outils de gestion pour les entreprises prestataires de traction équine) suit depuis trois ans, six entreprises travaillant dans les vignes pour en établir le bilan technico-économique. Les premiers enseignements seront présentés lors de la journée du 16 octobre. Une seconde étude, Équivigne, tente elle de déterminer qui a recours au cheval et les raisons de ceux qui n’y font pas appel.