Visite des pépinières Naudet
De la graine au plant de douglas

Marc Labille
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Le 11 juin dernier, le CNPF Bourgogne Franche-Comté avait organisé une visite de la pépinière Naudet à Autun. Les propriétaires forestiers ont ainsi découvert toutes les étapes et les secrets de la production d’un plant de douglas.

De la graine au plant de douglas
Chaque printemps, 1,5 ha de graines sont semés sur des planches de 1 m environ.

Avec 20 millions de plants vendus par an, Naudet est le plus important pépiniériste de France en production de plants forestiers. Le siège historique de cette entreprise est à Leuglay en Côte-d’Or. Aux mains de la famille Naudet depuis cinq générations, le groupe détient quatre sites de production de plants forestiers en France : en Saône-et-Loire, dans l’Yonne, en Gironde et dans les Bouches-du-Rhône. Le groupe Naudet est aussi diversifié dans le reboisement et la production de sapins de Noël.

Perché à 600 m d’altitude au-dessus d’Autun (près de Montjeux et de la Croix de la Libération), le site saône-et-loirien est spécialisé dans la production d’essences résineuses. Il s’agit d’une ancienne ferme de 70 hectares acquise par Naudet en 1984. Sur des sols granitiques et très acides, dans un climat de moyenne montagne, les pépinières produisent 2 millions de plants de résineux par an : douglas pour moitié ainsi que mélèze, sapin pectiné et les essences nordman et épicéas pour les sapins de Noël.

Amélioration génétique

« On part de la graine », introduit Thomas Guyot, directeur du site. Le domaine des graines et plants forestiers est très encadré par la loi. « Dans le cadre du matériel forestier de reproduction qui est destiné à la production de bois d’œuvre, il est interdit de prendre des graines dans la nature », rappellent Thomas Guyot et Louis-Adrien Lagneau du CNPF Bourgogne Franche-Comté. Cette règlementation rend obligatoire l’amélioration génétique des essences. Cela passe par la sélection des plus beaux arbres puis par la création de clones cultivés dans des vergers à graines. Les critères de sélection sont « la rectitude des fûts, une branchaison modérée, la tardivité des bourgeons contre le gel… ». Seuls Vilmorin et l’ONF détiennent les vergers à graines et fournissent aux pépiniéristes les graines sélectionnées.

500 jeunes douglas au mètre carré !

« Chaque printemps, nous semons 1,5 ha de graines », explique Thomas Guyot. Au préalable, le sol sableux des parcelles est désinfecté. Pour ce faire, une bâche recouvre le sol de l’automne jusqu’au mois d’avril, explique le directeur. Le semis est réalisé début mai sur des planches d’environ 1,10 m de large avec un objectif de 500 jeunes plants par mètre carré. Les futurs arbres sont repiqués au bout d’un ou deux ans de semis.

Le repiquage intervient au mois d’août. Avant cela, une lame tirée par un tracteur est passée dans la terre sous le semis à 15 cm de profondeur. « Cette action consiste à dépivoter les très jeunes arbres pour les forcer à redévelopper de la racine. L’objectif étant de produire des plants trapus avec du collet et un bon système racinaire », indique Thomas Guyot.

Repiquage à 75 plants/m2

À partir du mois d’août, la pépinière d’Autun accroit son effectif à trente personnes pour le repiquage. L’opération est réalisée avec une machine semblable aux équipements utilisés pour la culture des poireaux. Les plants sont repiqués sur des planches de cinq lignes. Cinq opérateurs sont installés sur la machine tirée par un tracteur. Les plants pralinés sont disposés à la main sur un disque qui les place en terre. La repiqueuse met en terre 40.000 plants par jour, informe le directeur. La densité est d’environ 75 plants par mètre carré.

Les plants repiqués sont récoltés après un ou deux ans de culture, lorsqu’ils atteignent la taille requise. 

Arrachages en hiver

L’arrachage des plants débute en octobre-novembre pour les plantations forestières d’automne. Mais l’essentiel des arrachages reprend à partir de janvier, période optimale pour le douglas et ce en vue des plantations de printemps. Durant cette période intense, la totalité du personnel de la pépinière (saisonniers inclus) est présente. Une lame attelée à un tracteur est passée dans la terre à 20 cm de profondeur. Une fois les plants entièrement arrachés, la machine secoue mécaniquement les plants afin de détacher la terre des racines. Une opération qui est prolongée par une équipe d’opérateurs qui finissent le travail à la main.

Tri puis stockage en chambre froide 

Les plants sont ensuite rapatriés sur le siège de l’exploitation dans une remorque bâchée les protégeant du vent et du soleil de l’hiver. Les plants sont alors déposés dans un vaste bâtiment. Ils passent par une salle de tri. La production de plants est strictement normée par arrêté : diamètre, taille, absence de fourche, courbure au niveau de la racine, système racinaire bien développé… En moyenne, 20 % des plants sont éliminés en salle de tri. Un plan de douglas de 3 ans doit mesurer plus de 30 cm. Son collet doit avoir 6 mm de diamètre. À l’issue du tri, les plants sont attachés par une lieuse en bottes de 50, lesquelles sont emballées dans des sacs qui les empêchent de sécher, indique le directeur. « Les bottes de plants sont ensuite conditionnées en palettes rack puis entreposées en chambre froide à – 2 °C ».

« Grâce à ce procédé, les plants peuvent attendre la période de plantation sans problème. Leur débourrement est plus tardif ce qui est un gros avantage pour la plantation en forêt », conclut Thomas Guyot.

45.000 hectares à reboiser d’ici deux ans !

« Nous sommes face à de gros enjeux de reconstitution de peuplements forestiers », introduisait Louis-Adrien Lagneau du CNPF Bourgogne Franche-Comté. Beaucoup de forêts de douglas sont arrivées à maturité et ont été récoltées. De nombreuses parcelles de résineux décimés par des ravageurs (scolytes) ont dues être récoltées en urgence pour raisons sanitaires. Il y a donc un gros besoin de plantation pour pérenniser la production de bois. C’est pour cette raison que l’État attribue au secteur forestier « un plan de relance de 150 millions d’euros avec l’objectif de reboiser 45.000 ha en deux ans », informe Louis-Adrien Lagneau. Grâce à ce plan, les pépinières Naudet vont être aidées à hauteur de 40 % pour leur futur programme d’investissement à Autun : création de bassins pour l’irrigation, achat d’une bineuse automotrice, achat d’une nouvelle repiqueuse, création d’une seconde chambre froide.

Une culture très technique !
La planteuse utilisée pour repiquer les jeunes douglas.

Une culture très technique !

La culture des plants de douglas est assez intensive et technique. Sur les sols sableux granitiques de ce massif du Morvan autunois, l’irrigation est indispensable pour les jeunes semis. Pour une meilleure vie microbienne, un chaulage annuel est obligatoire pour faire remonter le pH, confie Thomas Guyot. Autre impératif, la culture nécessite une bonne fertilisation ajustée en fonction des analyses de sol. De la matière organique est apportée sous forme de fumier de volailles ou de végétaux compostés, informe le directeur. Des engrais minéraux (N,P,K) complètent cette fertilisation. La maitrise des mauvaises herbes est importante car les adventices sont une concurrence pour les jeunes plans, révèle Thomas Guyot. La pépinière privilégie le désherbage mécanique en recourant à la herse étrille au printemps, complété d’un désherbage manuel. En hiver, les plants doivent parfois être protégés contre le gel.