Loisirs
Adolphe Sabatier, un pharmacien parti à la recherche de traces gallo-romaines

Frédéric RENAUD
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Quand on parle de gallo-romain en Saône-et-Loire, on pense surtout à Autun et au Mont-Beuvray. Mais il existe d’autres sites, moins réputés, mais non des moindres, notamment dans le Charolais. Ces sites sont connus grâce à des historiens locaux qui ont effectué des recherches : c’est le cas d’Adolphe Sabatier qui a fouillé entre 1930 et 1945 plusieurs sites autour de Saint-Bonnet-de-Joux, où il vivait.

église
C'est entre l'église de Suin et la statue de la Vierge qu'Adolphe Sabatier a mené ses premières fouilles en 1934. Avant lui, des monnaies gauloises et romaines, ainsi que des urnes, avaient déjà été trouvées par hasard.

Connaissez-vous le point commun entre Ballore, la butte de Suin et Sainte-Colombe ? Si vous connaissez un peu le Nord-Est du Charolais, vous savez déjà que ces lieux sont voisins les uns des autres, à petite distance de Saint-Bonnet-de-Joux. Et c’est de ce bourg que vient leur point commun, le pharmacien Adolphe Sabatier.

Né en 1883 et mort en 1947, il a laissé son nom au musée ouvert en 2010 à Saint-Bonnet-de-Joux, à côté de la mairie. Ce lieu réunit les collections archéologiques, fruit des fouilles menées dans les environs, dont M. Sabatier a fait le don à la commune. Cet amateur de fouilles archéologiques est arrivé à Saint-Bonnet-de-Joux juste après la première guerre mondiale.

L’activité Adolphe Sabatier a été rappelée lors d’une conférence donnée à Saint-Bonnet-de-Joux, en mars dernier, par Michel Maerten. Ce docteur en archéologie et président du groupement spéléo-archéologique du Charolais présente Adolphe Sabatier comme un disciple de Gabriel Jeanton, auteur du "Mâconnais Gallo-Romain". Le pharmacien de Saint-Bonnet-de-Joux tenta de faire publier par l’Académie de Mâcon un ouvrage intitulé "Le Charolais gallo-romain", sans succès.

Passionné d’histoire locale, Adolphe Sabatier a réalisé des fouilles sur plusieurs sites des environs : la butte de Suin ; Sainte-Colombe à Saint-Martin-de-Salencey ; le lieu-dit Chaintry à Ballore ; ainsi qu’à Chevagny-sur-Guye.

Encore fallait-il savoir que ces lieux étaient liés à des civilisations gallo-romaines. Pour Suin, c’était déjà assez connu des historiens dans le début du XXe siècle. Jacques-Gabriel Bulliot (1) écrivait au 19e siècle : « Suin était un des camps les plus importants de la contrée ; les habitations antiques occupaient le plateau où est construite aujourd’hui l’église de Suin, au pied de la butte retranchée ». Un siècle plus tôt, (en 1776-77), le prêtre Claude Courtépée observait entre Sivignon et Suin « les restes d’une voie romaine très bien marquée, près de laquelle on a trouvé des urnes et des médailles » et identifiait Suin comme « une station romaine ».

C’est donc à Suin que Sabatier a mené ses premières recherches, en 1934. Il embauchait les paysans des villages concernés pour creuser et retrouver les traces du passé. « Il est descendu assez bas, à deux mètres. Mais ce qu’il a trouvé nous semble aujourd’hui plus médiéval que gallo-romain. Ses galeries ont ensuite été colmatées par les Allemands (N.D.L.R. : pendant l’Occupation), » décrit l’historien actuel Michel Maerten.

« Les murs ont 1,40 m à la base. À l’extérieur des murs, il mit à jour quelques squelettes dont trois de grande taille, 1,90 m environ : la tête était encadrée de deux pierres supportant une troisième pour la protection du visage. Auprès de ces squelettes, il a trouvé une fusaïole et une pièce de Tetricus fils, » rapportait un participant lors d’une visite effectuée à Suin en 1935.

Pour le site de Sainte-Colombe à Saint-Martin-de-Salencey, Adolphe Sabatier a acheté la parcelle (2) où les fouilles ont été effectuées. « Il a découvert une chapelle romane, du mobilier gallo-romain et des squelettes, ainsi qu’une immense dalle de grès, dont il pensait à l’origine qu’il s’agissait d’un menhir », précise Michel Maerten.

Ceux qui pensaient avoir affaire à des traces du passé dans les années 1930 en informaient alors le pharmacien de Saint-Bonnet-de-Joux. Adolphe Sabatier est ainsi parti fouiller deux sites jusqu’alors inconnus, à Ballore puis à Chevagny-sur-Guye.

Des fouilles historiques

À Ballore, il s’est intéressé au lieu-dit Chaintry où des morceaux de mosaïques émergeaient dans le ruisseau de la Recordaine. Dans le compte rendu de fouilles, il a mentionné les découvertes antérieures à ses recherches : « des constructions romaines, des marbres et des monnaies, signalés en 1859 et en 1927. M. Prudhon y rencontra des murs et des mosaïques. M. Vézant y recueillit une plaque de bronze munie d’inscriptions […]. M. Liodenot y découvrit une tête féminine en pierre blanche, de grandeur naturelle, coiffée en belles tresses ».

Devenu là encore propriétaire du lieu, il a dégagé à partir de 1934 une immense villa romaine « sur 55 m. de long et 35 de large, avec un système de chauffage de thermes. C’était un site balnéaire de luxe, où il met au jour un système d’égout, une meule et un fragment de colonne », relate Michel Maerten.

Adolphe Sabatier a aussi creusé dans la carrière des Hugots à Chevagny-sur-Guye, « où une nécropole mérovingienne a été identifiée après qu’il a trouvé un coffre de sépulture en pierre. La personne qui devait commencer à exploiter la carrière l’avait sollicité après avoir trouvé des ossements ». Six sépultures ont été trouvées, dans des caissons de dalles dressées, avec les pieds orientés vers l’est.

De tous ces sites, seule la butte de Suin peut encore se visiter aujourd’hui. Le lieu des fouilles d’Adolphe Sabatier se situe entre l’église et le plateau au pied de la Vierge.