La réduction de l’élevage, tabou ministériel
La réduction de l’élevage, tabou ministériel

Si la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) a été élaborée par le ministère de la Transition écologique, son volet agricole a été traité par la rue de Varenne. Pilier de la réduction des émissions agricoles, les chiffres sur la baisse de l’élevage n’ont cependant jamais été dévoilés publiquement. Cette réduction correspond de près aux tendances déjà observées dans les élevages, mais pourrait bientôt se révéler insuffisante pour répondre à l’enjeu climatique

La réduction de l’élevage, tabou ministériel

« Bien que les chiffres soient accessibles, la baisse du cheptel prévue par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) n’a jamais été rendue publique », résume Cyrielle Denhartigh, responsable des politiques Agriculture au sein du Réseau action climat. La SNBC, publiée pour la première fois en 2015, a été révisée en 2018 par le ministère de la Transition écologique pour viser la neutralité carbone en 2050. Si l’Hôtel de Roquelaure s’est chargé lui-même des concertations dans le domaine de l’énergie et des transports, la Rue de Varenne s’est vu déléguer la gestion de la feuille de route agricole.

Les deux ministères ont bien communiqué sur l’objectif d’émission : le secteur agricole doit atteindre une réduction de 18 % de ses gaz à effet de serre entre 2015 et 2030. Mais les détails de cette feuille de route n’ont jamais été dévoilés. Pourtant, comme l’expliquent certains documents préparatoires rédigés par le ministère de l’Agriculture en 2018, la stratégie climatique nationale a été rédigée en intégrant une réduction significative des cheptels.

À l’horizon 2030, le ministère indique ainsi que les objectifs climatiques supposeront de diminuer les cheptels bovins et allaitants ainsi que le nombre de truies de 12 à 14 % par rapport à 2015. D’ici 2050, et avec un objectif de réduction des émissions de 46 % dans le secteur agricole, le nombre de bovins serait même contraint de baisser de 25 %, et le nombre de truies de 30 %. Des chiffres sur lesquels ni le ministère de la Transition écologique ni le ministère de l’Agriculture n’ont souhaité réagir, en se renvoyant dos à dos.

La dynamique actuelle du cheptel allaitant serait proche, avec une décapitalisation estimée entre 1,4 % et 1,5 % de l’effectif par an. « Cette érosion est structurelle, notamment dans les zones où il y a des alternatives, comme dans les pays de la Loire », souligne Philippe Chotteau. De même en porc, le nombre de truies aurait baissé de près de 19 % entre 2010 et 2020, en reculant sous la barre du million de bêtes, selon les chiffres de FranceAgriMer publiés début février 2020.

Ces tendances s’expliquent par la conjoncture des marchés des produits animaux, mais aussi par le manque de candidats à l’installation. Alors que la France a perdu près de 15 % de ses exploitants agricoles entre 2015 et 2019 d’après les derniers chiffres de l’Insee.