Sécheresse en Saône-et-Loire
Le report d’herbe sur pied est à l’étude en Saône-et-Loire

Marc Labille
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Dans le Charolais, plusieurs éleveurs ont pratiqué du report d’herbe sur pied pour retarder l’affouragement de leurs animaux cet été. Indissociable d’un pâturage tournant printanier, cette méthode est étudiée de près par les experts de la chambre d’agriculture.

Le report d’herbe sur pied est à l’étude en Saône-et-Loire
Chez Pierre-Étienne Fuet, 28 vaches à veaux ont continué de pâturer entre le 26 juillet et le 21 août grâce à un report d’herbe sur pied de 2,91 ha. Les vaches et leurs veaux n’ont reçu aucun aliment autre que ce pâturage.

Depuis l’année dernière, la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire suit plusieurs éleveurs qui expérimentent le report d’herbe sur pied pour s’adapter à la sécheresse. La technique est apparue dans des exploitations qui pratiquaient déjà le pâturage tournant. Le principe du pâturage tournant est d’organiser le pâturage des animaux pour optimiser l’exploitation de l’herbe et éviter les gaspillages. Le fait de faire tourner les troupeaux sur une parcelle divisée en plusieurs paddocks permet d’ajuster la conduite. Quand la pousse de l’herbe va plus vite que les besoins des animaux présents, alors on préconise d’exclure de la rotation un paddock excédentaire en herbe pour le récolter en fourrage. En cas de sécheresse, ce fourrage récolté au printemps peut se retrouver redistribué aux animaux au pré en été.

Une réponse au changement climatique ?

Avec des années de plus en plus chaudes et sèches comme en 2018, 2019 et 2020, la distribution de fourrage au pré en été risque de se systématiser, pressent Véronique Gilles, conseillère à la chambre d’agriculture. La technique du report qui consiste à mettre de côté de l’herbe excédentaire de printemps en la laissant pousser en foin est peut-être une réponse au changement climatique. Plutôt que de faucher des excédents d’herbe pour le redonner après en foin, autant laisser ce stock sur pied pour le mettre à la disposition des animaux quand l’herbe vient à manquer. C’est en tout cas ce que trois agriculteurs ont tenté cette année. Leurs expériences ont été suivies par les conseillers herbe de la chambre d’agriculture Véronique Gilles et Antoine Buteau.

17 à 30 jours de pâturage supplémentaire

Dans les trois exploitations, ce report sur pied a permis de prolonger le pâturage d’un lot d’animaux de 17 à 30 jours supplémentaires quand la sécheresse avait déjà grillé le reste des prairies. À la visite des parcelles, ce qui frappe en premier, c’est que les bovins ont incontestablement tout mangé. En lâchant des bêtes dans de l’herbe haute, on aurait pu craindre du gaspillage et beaucoup de refus. Ce n’est pas le cas. Rationnés à l’aide d’un fil électrifié, les animaux sont même parvenus à consommer des chardons, des orties, des ronces, témoigne Nicolas Cortier. On a constaté que « cette masse disponible était restée verte à la base », rapporte Véronique Gilles. Comme si l’herbe haute avait protégé la strate inférieure des coups de chaud.

Valeur alimentaire correcte

Les conseillers de la chambre d’agriculture ont analysé la valeur de cette herbe. « Ce qu’il faut en retenir, c’est une bonne valeur UF aux alentours de 0,7 UFL ; une bonne ingestion (1,02 UEB) ; un taux de matière sèche élevé (50-58 %) ; une perte surtout en matière azotée MAT (de 8 à 5 %). En conclusion, cela vaut largement un foin correct, mais qui perd rapidement en matière azotée. L’encombrement est par contre bon », synthétise Véronique Gilles qui préconiserait ce type d’herbage pour des animaux à besoins alimentaires modérés : vaches en fin de lactation, vaches sevrées, génisses de deux ans…

« Le report d’herbe sur pied n’est pas du refus de printemps, mais un report d’une repousse stocké sur le printemps », précise la conseillère.

Une récolte et un affouragement économisés

Pour les trois éleveurs confrontés à la sécheresse 2020, le report sur pied a comme premier avantage d’éviter de devoir récolter du fourrage qu’il faudrait redonner aussitôt. « Pas besoin de mettre un râtelier dont les animaux auraient sali le tour », se félicite Nicolas Cortier. Cela génère un gain de mécanisation substantiel (environ 160 €/ha), indique Véronique Gilles.

Ce stock sur pied a permis d’allonger significativement le pâturage. Les éleveurs apprécient aussi la répartition homogène des bouses au pré, gage d’une bonne fertilisation. En revanche, faute de fauche printanière, les agriculteurs signalent la multiplication de plantes indésirables comme les chardons.

Les experts observent que les parcelles de report exploitées au fil ont été surpâturées. « Quelle sera leur reprise à l’automne ? », interroge Véronique Gilles. Enfin, les éleveurs attendent beaucoup du grainage naturel de ces parcelles qui avaient été mises en défens. Un resemis naturel est espéré à l’instar de ce qui se produit dans une parcelle destinée à la récolte en foin.

Trois élevages qui ont pratiqué le report d’herbe sur pied cet été

À Saint-Martin-du-Tartre, le Gaec Pingeot a mis de côté un paddock de 1,5 ha dans une parcelle en pâturage tournant de 7 ha. Le lot de 15 vaches accompagnées de leurs veaux et d’un taureau n’a effectué qu’un seul tour de pâturage de printemps sur ce paddock qu’il a quitté le 10 avril. Les animaux sont revenus exploiter ce report d’herbe à partir du 27 juin. L’éleveur l’a fait pâturer « au fil » : à raison de 1.300 m² de nouvelle herbe tous les deux jours. Cela a permis de tenir les animaux pendant un mois, jusqu’au 27 juillet.

À Viry, c’est un report de 1,6 ha que le Gaec Cortier a pu effectuer à partir d’un pâturage tournant de 3,3 ha. Les animaux avaient effectué deux tours de pâturage entre le 15 mars et fin avril. Le paddock mis de côté a ensuite été exploité au fil à partir du 6 juillet. Le lot composé de 15 vaches, 21 génisses de 30 mois et un taureau disposait de 1.475 m² d’herbe supplémentaire chaque jour. Ce qui a permis de les nourrir pendant 17 jours.

Chez Pierre-Étienne Fuet à Ciry-le-Noble, c’est un report un peu différent qui a été pratiqué. En effet, quand la pousse de l’herbe est devenue excédentaire, l’éleveur a continué de faire tourner ses animaux sans court-circuiter un paddock en particulier. Le report s’est fait sous les pieds des animaux qui changeaient de paddock même s’il restait beaucoup d’herbe. Au final, deux des quatre paddocks de la parcelle de 10,7 ha ont servi au report. Les bovins ont pu s’y nourrir du 26 juillet au 21 août (entre 20 et 25 jours) à raison de 28 vaches à veaux sur 2,91 ha.