AOP Bœuf de Charolles
L'AOP Bœuf de Charolles veut valoriser sa durabilité

Marc Labille
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Pour le Bœuf de Charolles, la qualité du produit est une obsession, mais elle ne va pas sans un prix en conséquence. Et de ce point de vue, le syndicat a bon espoir de valoriser la durabilité de son mode d’élevage et de sa filière.  

L'AOP Bœuf de Charolles veut valoriser sa durabilité
Le 18 septembre dernier, l’assemblée générale du syndicat de défense du Bœuf de Charolles a réuni une cinquantaine d’éleveurs à Saint-Aubin-en-Charolais. La réunion s’est déroulée sur l’exploitation de Simon Dumontet, lui-même producteur de viande AOP Bœuf de Charolles.

La filière AOP Bœuf de Charolles a agréé 1.529 carcasses en 2022 soit une progression de + 6,7 % par rapport à 2021. Cette croissance est moins forte qu’en 2021 lorsque le volume avait augmenté de + 38 % en carcasses. 2023 s’annonce stable par rapport à 2022, ce qui ne devrait pas permettre au syndicat d’atteindre l’objectif de 1.600 carcasses qu’il s’était fixé, sans en être bien loin. Le développement des volumes demeure pourtant une nécessité pour le président Jacky Plançon qui rappelle qu’il faudra 2.000 carcasses à terme pour pérenniser la filière. D’autant que le syndicat tient à minimiser le montant des cotisations pour maximiser la plus-value aux éleveurs.

Plus de 12 bovins AOP par éleveur et par an

95 % des carcasses AOP sont travaillées par l’abattoir Charollais Viandes à Paray-le-Monial. Ces animaux proviennent de 121 exploitations pour un total de 157 adhérents. En progression, le nombre moyen d’animaux fourni par exploitation atteint 12,6. En 2022, la part des génisses progresse pour atteindre 47 %. Le poids de carcasse moyen est assez stable (480 kg). La très grande majorité des carcasses sont classées « U- ; R + », mais la filière compte aussi 90 bovins d’exception classés de « E » à « U + ». Des bêtes hors norme (de type concours) qui peinent à être valorisées à la hauteur de leur qualité, déploraient quelques éleveurs. Le syndicat signalait 90 carcasses non agréées en 2022. Les principales causes de ces rejets sont une finition imparfaite, des os grossiers, une qualité bouchère insuffisante.

Efforts de communication récompensés

Plus que jamais, le syndicat déploie son énergie en matière de communication avec des retombées à la clé. Médias, présence sur des manifestations locales, dégustations, intervention dans les établissements scolaires, rencontre avec les opérateurs de la filière, recherche de soutien… : les promoteurs du Bœuf de Charolles ne s’économisent pas. Ils consacrent également beaucoup de temps à la rencontre de clients tout en menant beaucoup d’actions, animations aux côtés de boucheries et restaurateurs partenaires. Le syndicat s’investit notamment auprès de la restauration collective. Le tonnage de viande AOP commercialisé sur ce créneau progresse et atteint désormais 2,8 tonnes, révélait Jacky Plançon. C’est une nouvelle forme de commercialisation qui est amenée à prendre de l’ampleur, car le Bœuf de Charolles est sollicité sur ce créneau, confiait le président. Le syndicat se félicitait également de pouvoir compter cinq restaurateurs locaux parmi ses partenaires : le Grill Charolais à Vitry-en-Charolais, le Relai de Champlecy, l’Évidence à Paray-le-Monial, la Table à Charolles et l’Auberge des collines à Amanzé.

La qualité a besoin d’un prix stable…

L’optimisation de la qualité des carcasses fait partie des objectifs du syndicat pour les années à venir : formations, contrôles, veille produit de la ferme jusqu’à l’abattoir… : les responsables du Bœuf de Charolles ne laisseront rien passer en la matière. Mais si la qualité est la raison d’être d’une AOP, cet effort doit pouvoir être rémunéré à sa juste valeur. Les éleveurs de Bœuf de Charolles ont toujours été attachés à la stabilité du prix de leurs animaux, pour une visibilité à long terme compatible avec l’engagement de produire une bête en AOP. Mais le système de rémunération qu’ils avaient adopté depuis le début a été remis en cause par les évolutions législatives (EGAlim). La plus-value ne pouvait plus reposer sur une grille, mais sur des cotations hebdomadaires. Cette tarification trop changeante ne convenait ni aux éleveurs ni aux chevilles, confie Jacky Plançon. Un nouveau mode de prix a pu être rétabli reposant sur un prix fixe sur une durée de 3 mois auquel s’ajoute la traditionnelle plus-value AOP (30 centimes d’euros pour 2022).

Toujours concernant le prix, le syndicat souhaite étudier « les coûts et les valeurs de la durabilité » portée par l’AOP Bœuf de Charolles. Parce qu’au-delà de la qualité du produit, il y a aussi la valeur de tous les engagements inscrits dans le cahier des charges, expliquait Jacky Plançon.

Durabilité : « faire connaitre tout ce qu’on fait de bien »

Le syndicat du Bœuf de Charolles s’apprête à mener une étude sur la durabilité de sa filière, vertu qu’elle entend bien valoriser auprès des consommateurs. Hubert Dubien, président de la Cnaol – association nationale qui fédère les appellations laitières - et de la Fourme de Montbrison était l’invité de l’assemblée générale. Il a livré les fruits du travail conduit sur le sujet par la Cnaol et repris par la Fevao – fédération des viandes en AOP. Au fond, tout part du constat que face aux attentes exigeantes et multiples de la société, « les filières AOP ne travaillent pas si mal que cela. Mais elles ne le disent pas », introduisait l’intervenant. En bousculant violemment les filières AOP en 2020, le premier confinement a été déclencheur en la matière. Il a engendré une vaste réflexion au sein de la Cnaol sur les attentes des consommateurs. Et de ces travaux est ressortie la notion de durabilité avec trois piliers : environnement, économie et social. En découle une méthodologie à la disposition de toutes les AOP et portant sur ces trois piliers d’engagement à la carte. Dans le volet social, cela permettra par exemple de faire valoir que les AOP participent au maintien de la vie des territoires… En matière d’environnement, les AOP pourront user de leurs arguments en termes de bien-être animal ou contre le réchauffement climatique… « C’est le moment de faire connaître aux consommateurs ce qu’on fait et qui est inscrit dans nos cahiers des charges », estimait Hubert Dubien qui livrait ensuite l’exemple de la Fourme de Montbrison. Pour conduire sa réflexion sur la durabilité, cette appellation des Monts du Forez (42) s’est fait accompagner par l’Inrae. Un travail s’est engagé avec tous les partenaires de l’appellation, incluant commerces, administration, vétérinaires… avec l’objectif de se donner des perspectives à 20 ans. 110.000 € de fonds ont été mobilisés avec seulement 20 % d’autofinancement. La démarche a « réveillé l’appellation tout en ressoudant les effectifs », confie Hubert Dubien. Parmi les engagements qui en sont ressortis, la Fourme de Montbrison s’est mise à communiquer avec succès sur sa diversité de produits. Elle a aussi accentué ses efforts sur la qualité en relevant le niveau d’exigence sanitaire. Elle a entrepris d’adapter son système herbager au climat en ressemant des graminées et légumineuses de montagnes sur les prairies plus basses, accentuant au passage l’autonomie des exploitations. La durabilité passera aussi par une meilleure transmission des responsabilités au sein de la gouvernance.

Les 10 ans de l’AOP le 1er septembre 2024 !

Le 1er septembre 2024, l’AOP Bœuf de Charolles fêtera ses 10 ans d’existence. Pour mémoire, le syndicat n’avait pas pu fêter les dix ans de l’obtention de l’AOC prévue en 2020, car le Covid en avait décidé autrement. Les 10 ans de l’AOP permettront de célébrer enfin la naissance de l’appellation à l’occasion d’une journée festive autour d’Amanzé, en plein territoire Charolais-Brionnais candidat au patrimoine de l’Unesco.