Nouvelle technologie
24 heures au hasard dans la vie du troupeau

Isabelle Renaut
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Deux caméras positionnées aux endroits stratégiques du bâtiment en hiver, nous ont appris beaucoup de choses », constate Léon Gros agriculteur dans le Haut-Jura. Explications sur le nouveau dispositif Times Lapse proposé aux éleveurs.

24 heures au hasard dans la vie du troupeau
« Nous avons appris plein de choses au niveau du comportement alimentaire de nos vaches », reconnaît Léon Gros

Time Lapse est une technologie qui s’est déjà développée dans un certain nombre de départements, principalement en lait standard. « Dans le Jura, nous le proposons depuis deux hivers pour observer le comportement des animaux dans les bâtiments grâce à des caméras. C’est nouveau et en même temps, c’est comme le prolongement de l’œil du conseiller. Pour voir vraiment comment se déroulent 24 heures prises au hasard dans la vie du troupeau », explique Florian Anselme, conseiller EvaJura.

Le Gaec de la Croix Patie à Bellecombe dans le Haut-Jura fait partie de la quinzaine d’élevages dans le département à avoir déjà utilisé ce service.

L’exploitation est en système lait à comté et bleu de Gex, foin et séchage en grange. Tout en prairie permanente avec 55 ha de prairie de fauche. « En année normale ça passe, l’an dernier, il a fallu racheter du fourrage pour les génisses », indique Léon Gros, l’un des quatre associés. Le comportement alimentaire des animaux et la ration sont essentiels dans ce type de système. « En foin-regain, il est difficile d’évaluer précisément les quantités, donc il est important de voir le comportement des animaux. Le foin étant de plus en plus qualitatif, les animaux en ingèrent plus qu’il n’en faut. Quand on met une caméra, on est encore plus objectif pour illustrer concrètement comment se passe la distribution. L’objectif : être le plus performant possible en nutrition », rappelle Florian Anselme d’Eva Jura.

Après un changement de bâtiment

Lorsqu’à l’automne 2020, l’exploitation bascule d’un système entravé vers une stabulation avec 63 places en logettes, les éleveurs ont eu la curiosité de voir comment leurs animaux s’adaptaient à ce nouvel environnement. « Nous voulions observer la circulation des animaux, s’il n’y avait pas de conflits. On peut remarquer des choses durant la journée, mais pas la nuit : voir si elles se couchent bien, les zones de couchage, si elles se lèvent la nuit pour manger… », explique Léon Gros.

Pour répondre à ces questions, le Gaec de la Croix Patie a choisi d’utiliser le diagnostic Time Lapse. « Au préalable, un technicien fait un tour de l’élevage accompagné de l’éleveur et établit un diagnostic complet : état corporel, remplissage du rumen, état des aplombs… pour ressentir d’éventuels problèmes », précise Lucie Chevassus, conseillère Eva Jura, chargée du suivi de Time Lapse. Le dispositif d’observation est ensuite installé en hiver dans des endroits stratégiques du bâtiment : une caméra est positionnée vers la partie couchage et une caméra est orientée vers les cornadis pour observer le comportement alimentaire des animaux et le remplissage du rumen.

La camera grand angle capture une image toutes les dix secondes durant trois jours.

Lucie Chevassus visionne ensuite les images et cible les points marquants à partir d’une grille de lecture : le pourcentage de vaches couchées, qui ruminent, etc.

« La nuit, on voit le pourcentage de vaches perchées, soit avec deux pattes ou quatre pattes encore debout. L’objectif est de maximiser le temps de couchage pour une production laitière plus efficiente », explique la conseillère.

Le visionnage des images donne des indications sur les logettes : l’ergonomie et le confort au sol. « Le réglage des logettes est souvent un point à améliorer ».

Le diagnostic Time Lapse peut servir le bien-être animal, pour repérer des limites : par exemple des logettes trop longues ou trop courtes, observations qui seront validées par les caméras.

« Philippe Prost, notre conseiller bâtiment, peut détecter ce genre de problème et même se déplacer pour le résoudre. Il peut arriver que cinq logettes ne soient jamais occupées sur une partie du bâtiment à cause d’un problème de courant d’air par exemple », remarque Florian Anselme.

Beaucoup de vaches debout la nuit

Les éleveurs du Gaec de la Croix Patie ont été rassurés sur plusieurs points : pas de zones de logettes non fréquentées, la circulation est fluide dans le bâtiment. Le sol est non glissant et le racleur ne perturbe pas l’activité des vaches.

« Mais nous avons appris plein de choses au niveau du comportement alimentaire de nos vaches », reconnaît Léon Gros.

Lucie Chevassus rappelle l’objectif en alimentation : éviter les ruptures dans la ration, veiller à ce que les vaches puissent accéder au cornadis quand elles ont besoin.

« On s’est aperçu à la caméra que la nuit beaucoup de vaches restaient perchées », remarque Léon Gros. Les éleveurs donnaient du bon foin le soir et le plus fibreux le matin. Le soir, les vaches faisaient donc un très gros repas, ce qui gênait peut-être leur couchage. La caméra a tranché sur la question : le fait d’inverser la distribution des foins n’a pas amené d’amélioration notoire.

« Nous avons donc décidé de repousser en plus à 14 heures. Résultat : les trois-quarts des bêtes se lèvent et viennent manger à ce moment-là. Elles font un petit repas de 30 minutes, avec du bon foin, et retournent se coucher. Ce qui est favorable aussi pour la stabilité du pH du rumen et permet d’optimiser le lait et les taux », souligne l’éleveur.

Autre observation des caméras : à la sortie de la salle de traite, les éleveurs partaient déjeuner et laissaient les animaux bloqués au cornadis pour qu’ils s’alimentent sans concurrence. « Par contre, on a constaté grâce à la caméra une grosse concurrence à l’abreuvoir quand on les relâchait et une fatigue des vaches qui voulaient se coucher tout de suite. Nous avons changé nos habitudes en les libérant des cornadis plus tôt ».

 

Time lapse représente un investissement de 500 à 600 euros, avec deux déplacements du technicien sur la ferme, pour le diagnostic, la pose des caméras et la remise du compte rendu. Pour Léon Gros, l’expérience est positive. « Le petit plus que l’on peut apporter c’est toujours un bon investissement, au niveau production laitière, mais aussi bien-être de l’animal. De toute façon, l’un marche avec l’autre », conclut l’éleveur.