Agriculture biologique
La conduite des protéagineux, au cœur du rendez-vous des grandes cultures bio en BFC

Florence Bouville
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Dans le cadre du "premier rendez-vous des grandes cultures bio en BFC", animé le 12 octobre au lycée de Fontaines par Bio Bourgogne-Franche-Comté (lire notre précédente édition), s’est tenu, l’après-midi, un atelier autour de la conduite des protéagineux. Cultures essentielles dans la rotation, limitant les risques sanitaires et assurant une certaine rentabilité économique. Seulement, le juste itinéraire technique n’est jamais facile à trouver. Les céréaliers présents ont ainsi pu confronter leurs pratiques, sous le regard attentif des techniciens, aussi là pour apporter des précisions.

La conduite des protéagineux, au cœur du rendez-vous des grandes cultures bio en BFC
Les bienfaits des associations de cultures ne sont aujourd'hui plus à démontrer. Néanmoins, les attentes des structures de collecte ne vont pas toujours dans ce sens.

Contrairement à la filière céréales, les signaux du marché protéagineux restent globalement au vert. En revanche, c’est maintenant bien connu, les rendements de ces cultures varient grandement d’une récolte à l’autre. En effet, suivant les conditions météorologiques, « ce qu’on teste agronomiquement une fois et qui marche, ne fonctionnera pas forcément l’année d’après », témoigne un agriculteur du Jura. Ce à quoi Benjamin Delhaye, ingénieur développement chez Terres Inovia, ajoute qu’en bio, « on sait ce que l’on sème, mais on ne sait jamais ce que l’on récolte […] Les années se suivent, mais ne se ressemblent pas ». En termes d’itinéraires techniques, les réflexions à mener sont donc multiples, que ce soit à l’échelle du producteur et de son exploitation, qu’au niveau des instituts techniques et des parcelles d’essais, sans cesse confrontées à de nouveaux bouleversements climatiques. Sur le territoire BFC, la sécheresse constitue la première cause d’accident de culture, suivie de près par les maladies et les insectes.

Cultiver en associé

Point commun entre tous les itinéraires techniques : la conduite en associé. Pour le pois notamment, « plus personne ne cultive en pur », souligne Benoit Méot, céréalier meunier en Côté d’Or. Certains mélanges tardifs sont plus répandus que d’autres, comme le pois fourrager et le triticale. Les doses recommandées par Bio Agri, organisme de collecte, sont les suivantes (issues de pratiques AB) : 170 kg/ha pour le triticale et 20 kg/ha pour le pois. Bien sûr, ces doses demeurent indicatives et peuvent sensiblement varier en fonction des PMG ainsi que du climat. Par ailleurs, afin de diminuer la pression de la bactériose du pois, fréquente depuis 2016, mieux vaut ne pas semer trop tôt et privilégier, dès que possible, les variétés résistantes au froid. Les symptômes apparaissant en général à la suite d’épisodes de gel. En sachant également que, dans la rotation, le pois nécessite un délai de retour d’environ six ans, à l’instar de la féverole. Autre mélange, cette fois-ci précoce : orge et pois protéagineux, qui, d’après les retours terrain, reste difficile à valoriser. La lentille quant à elle, montre une grande sensibilité aux coups de chaud d’avril-mai. En effet, là où autrefois le premier facteur limitant était le gel, aujourd’hui, il s’agit du stress hydrique, au moment de la floraison. Les professionnels travaillent donc de plus en plus sur la recherche de variétés précoces et établissent bon nombre de recommandations à ce sujet. Du côté des méteils, il est conseillé de planter lentillon et seigle, en raison notamment de l’adéquation des dates de récolte. Attention cependant aux outils de triage et à leur utilisation. Sinon, l’association plus "classique" : lentille et Cameline assure un résultat très satisfaisant. Aussi bien au niveau de la gestion du salissement que de la facilité de récolte, puisqu’en plus de limiter l’enherbement, cet oléagineux joue le rôle de tuteur rigide.

Structures de collecte : des attentes spécifiques

Comme évoquées ci-dessus, les difficultés liées au triage sont récurrentes (problèmes de brisures, calibrage des outils…). Cette étape requiert une technicité toute particulière ; elle est essentielle, car elle conditionne la vente aux transformateurs. Certains agriculteurs ont ainsi opté pour un trieur alvéolaire. C’est par exemple le cas de Benoit Méot, qui aujourd’hui ne se voit plus travailler sans, au vu de la rentabilisation de l’appareil. Restant bien sûr conscient que cet investissement ne convient pas à tous et qu’il ne s’agit là que d’une méthode parmi d’autres.

Au cours de la journée, il a, à de maintes reprises, été question des besoins et attentes spécifiques des structures de collecte, pas forcément en adéquation avec les pratiques de l’amont. D’une part, les surfaces bio cultivées en associé augmentent chaque année et s’inscrivent parfaitement dans une démarche agro-environnementale. Or, bien que les coopératives incitent leurs adhérents à cultiver davantage de protéagineux, les normes de triage et de calibrage sont souvent peu adaptées. D’où le paradoxe pointé du doigt, car c’est à l’agriculteur de prendre en charge ces exigences-là, encore plus fortes pour le marché de l’alimentation humaine. Le risque est donc de voir ses cultures « partir en fourrager », explique Adrien Bruckert, technico-commercial chez Bio Agri. À terme, cela pourrait créer plus de tensions économiques, dans la mesure où une des "solutions" avancées par les OPA, face à la crise de la bio, est de remplacer une partie de la sole de blé par des légumineuses fourragères.

Même si les débouchés ne sont pour l’instant pas menacés, il convient quand même de souligner que sur le territoire, la part de production des protéagineux baisse au profit des oléagineux (colza et tournesol), principalement à cause des trop nombreux stress biotiques et abiotiques rencontrés. Les oléagineux assurent, eux aussi, une bonne rentabilité économique ; faisant actuellement partie des rares cultures dont le volume produit est inférieur à la consommation.