Vinosphère à Beaune
S’adapter aux nouveaux consommateurs de vin

Régis Gaillard
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L’édition 2020 de Vinosphère a été notamment l’occasion de se pencher sur la génération Z et son comportement vis-à-vis du vin. Retour toujours d'actualité.

S’adapter aux nouveaux consommateurs de vin
David Martin estime que dans l'univers viticole, il faut être des producteurs de souvenirs.

Journaliste à France Inter, Antoine Gerbelle n’a pas hésité à évoquer certains sujets sensibles. Et de prendre en exemple le millésime 2003 et sa dégustation. « 7 vins sur 10 avaient le même profil aromatique. Il restait 30% de vins différents, issus de la biodynamie, lors d’une année où il y a eu un énorme impact du millésime… Aujourd’hui, il y a un basculement avec les conditions météorologiques. La voie agronomique est une évidence. La Bourgogne est le pays de la diversité sur le papier mais pas forcément dans le verre. Je suis optimiste car les jeunes vignerons sont plus obsédés par le raisin et non la vinification ». Et de conclure en invitant à avoir une vraie réflexion sur le monocépage.

Une génération Z hyper morale

Directeur de la rédaction du Journal du Luxe, Eric Briones s’est intéressé à la génération Z. Laquelle a du mal à s’approprier le discours autour du vin. « Ils travaillent, s’estiment radins et ont un gros taux de dépression. Ils ont une obsession de la vérité et de la transparence : rien ne doit se cacher. En outre, ils doivent être stimulés avec une appétence totale sur les contenus. Pour eux, perdre le contrôle est impossible ». Avec, par exemple, la honte de l’ivresse qui peut être mise en scène sur Finsta, l'Instagram secret. « Aux Etats-Unis, il y a une montée en puissance des bars sobres. Cette génération est hyper moral ». Et de voir apparaître, par exemple, le mois de la sobriété vendu comme un bénéfice santé. Dès lors, il convient d’avoir une vraie stratégie pour remettre le vin aux goûts du jour. Il faut non seulement présenter le vin comme une pause calme et de volupté mais aussi reconnecter le vin à la gastronomie. En outre, il convient de mettre en avant la fibre artistique : chez les Chinois, le vin est associé au luxe et le luxe c’est l’art ; aimer le vin c’est être cultivé. Enfin, il convient d’avoir un vin inclusif, engagé, féminin ou encore creuser la notion de santé.

Créer un tsunami émotionnel

David Martin, directeur général de Ted Conseil, s’est attaché à expliquer comment créer de la valeur dans l’activité oenotouristique. « L’oenotourisme, c’est bien plus que du vin. C’est différent du commerce du vin. Vivre une expérience n’a rien à voir avec acheter du vin. Il faut passer de la logique de la dégustation à l’expérience oenotouristique. Nous sommes des producteurs de souvenirs. C’est facile à dire, difficile à incarner. "Il faut surprendre le public avec ce qu’il attend" disait Tristan Bernard. Il faut s’intéresser non au produit mais aux consommateurs. Ce qui marque le souvenir, c’est l’émotion. Il faut créer un tsunami émotionnel, des besoins de plus en plus émotionnels. Il faut aller au-delà des attentes, donc faire du sur-mesure. Les gens ont besoin qu’on leur raconte une histoire. Ils veulent aussi une expérience. Il faut un récit, interpeller les cinq sens et que ce soit partagé ». Il est également nécessaire de savoir parler au plus petit de la famille, qui a un impact très important sur les choix de la famille. « Mais il n’y a pas forcément besoin de beaucoup de moyens pour que cela fonctionne ».

De son côté, Yann Raineau, de l’Université de Bordeaux, a présenté une analyse comportementale des blocages et des leviers d'action. Il part de l’hypothèse que l’innovation technologique ne suffit pas à engager la réorientation durable du système productif. Les verrous peuvent être de nature comportementale et en partie inconscients. Et de constater que les consommateurs de vins sont prêts à revoir en partie leurs préférences gustatives en faveur d’un niveau élevé de qualité environnementale. Ce sont cependant les motivations sanitaires qui sous-tendent en grande partie cette réévaluation de la qualité. Néanmoins, une partie de l’information fait défaut pour orienter les consommateurs vers les choix les plus avisés.

Eric Briones s'est intéressé à la génération Z bien différentes de ses prédécesseurs.
Antoine Gerbelle invite à avoir une vraie réflexion sur le monocépage.